dimanche 12 février 2012

Attention: Mystère !

6ème Dimanche du T.O. 12/B

Le récit de la guérison du lépreux va être lu aujourd'hui dans toutes les églises. Dans le monde, des millions de chrétiens vont l'entendre. Parmi eux, parmi vous, qui aura envie d'en reparler ?...
d'en reparler ..., vous venus ici, en rentrant dans votre voiture ?
d'en reparler ..., vous-mêmes, mes Sœurs, en vos échanges récréatifs ?

La question vous paraît déplacée, puérile, adaptée seulement aux enfants du catéchisme ? Pourtant, on n’y prête pas suffisamment attention : on dit, on chante que l'Évangile est “Bonne Nouvelle”. Or, une “bonne nouvelle” déclenche généralement l'envie d'en parler, d’en reparler, d'en entendre parler. La “Parole de Dieu” qui est “Bonne Nouvelle”, ne serait-elle plus ni “bonne”, ni “nouvelle” ?... Serait-elle donc trop connue ?... Je crois plutôt qu'elle est trop méconnue. Une question à résoudre peut-être !

Je me souviens : jadis, au moment d'aborder une page d'Évangile, un de mes anciens professeurs, prêtre, avait coutume - et cela provoquait naturellement moquerie impertinente chez ces adolescents taquins que nous étions - … il avait coutume de dire : “Attention mystère !”. Il me semble entendre cet avertissement en abordant aujourd’hui ce récit de la guérison du lépreux. “Attention mystère !”. Oui, il nous faut entrer respectueusement dans le “mystère” d’un Dieu qui se fait toujours proche de l’homme.
Lorsque Jésus guérit le lépreux, il lui demande de garder le secret. C'est sûrement parce que Jésus craignait que beaucoup n’interprètent mal son geste. Mais encore, c'est certainement parce qu'au-delà des apparences, ce geste cache un secret... un “mystère”... “Attention, mystère”, c’est-à-dire : présence de Dieu à toujours découvrir. A nous de le chercher.

Lorsque Jésus, HIER, a guéri le lépreux ; quel secret, quel “mystère“ voulait-il révéler ? Lorsque les chrétiens, AUJOURD'HUI, lisent ce récit, quel secret, quel “mystère“ ont-ils à découvrir ?

HIER, au temps de Jésus, les lépreux étaient des “intouchables”. Totalement exclus de la vie commune, on les tient à distance. Tellement à distance qu'ils doivent, les pauvres, agiter une clochette et crier “impur… impur… !”, pour que personne ne les croise par distraction, par hasard. Ceci, pour éviter la contagion, bien sûr, mais surtout - et la transposition est facile et de tout temps - pour préserver une conception trop humaine de pureté spirituelle. Les lépreux, croyait-on, étaient maudits de Dieu, punis par Dieu, la lèpre étant considérée comme le châtiment de leur péché. Explication toujours facile, actuelle !

Ils étaient donc doublement impurs et, de ce fait, intouchables. La loi religieuse leur interdisait tout contact. En somme, on croyait que c'était plaire à Dieu que de les mépriser, de les exclure. Ils étaient à distance des hommes parce qu'on les disait à distance de Dieu !

Eh bien ! Jésus contredit tout cela... ; et c'est cela la “Bonne Nouvelle” ! Avec Jésus, le lépreux oublie qu'il faut rester à distance. Celui qui humainement est tenu à distance vient vers Jésus et lui dit des choses qu'on ne peut dire qu'à Dieu : “Sï tu veux, tu peux me guérir”. Regardons bien la scène ; ne voyons-nous pas le regard horrifié des témoins. Le prophète de Nazareth, Jésus, qu’ose-t-il faire ? Il étend la main et - chose incroyable - il touche : il touche un intouchable !… Le secret (mystère) que Jésus révèle ce jour-là est clair. Il dévoile le visage d'un Dieu qui aime tous les hommes, sans exception, distinction. Dieu ne maudit personne !

Pour Dieu, il n'y a pas d'intouchables, d'inguérissables, d'impardonnables. Il n'y a pas de lépreux qu'il ne veuille guérir. “Le Fils de l’Homme est venu pour sauver ce qui était perdu”. Tel est le secret (mystère) que Jésus nous révèle par ce geste. Et il est de taille ! Cet évangile ne révèle pas le tour de force d'un guérisseur, il révèle le visage inoubliable d'un Dieu qui se fait proche de l’homme.

C'était HIER ! Mais “attention, mystère !”. Et AUJOURD'HUI ? Aujourd’hui, lorsque les Chrétiens lisent cet Évangile, quel secret, quel “mystère“ ont-ils à découvrir ? - Les lépreux, aujourd'hui, qui sont-ils ?... Oh, certes, impossible d'oublier les 10-12 millions de lépreux à travers le monde. Mais, ce n'est peut-être pas dans cette direction que l'Évangile nous conduit. Les intouchables..., ceux que l'on tient à distance… qui sont-ils ?... Nos lépreux à nous, où sont-ils ?

Ils ne sont pas loin… Je ne connais aucune famille, aucun groupe qui n'ait ses lépreux. Les drames ont des allures différentes, mais ils ont tous en commun ce risque de mise à distance, comme autrefois pour les lépreux. C'est ce couple qui ne “marche plus”, comme on dit, celui d’un frère, d'un de ses enfants, ou du meilleur ami qui se sépare après trente ans de mariage. C'est ce garçon, cette fille qui semble s’égarer… Pire parfois, c'est celui qui a été plus qu'indélicat lors d'un héritage. C’est peut-être mon frère, ma sœur que je côtoie tous les jours, avec qui je m’entretiens poliment, mais que dans mon cœur je déconsidère automatiquement pour des raisons bien fondées, évidemment, sur qui j’ai collé définitivement une étiquette peu recommandable ! Oui, ne sont-ils pas nombreux ceux à qui l’on a dit un jour : “Tu ne franchiras plus la porte de ma maison, la porte de mon cœur” ? - Et puis, nos lépreux ne sont pas seulement des personnes individuelles, mais aussi des groupes : malades du sida, étrangers…, ou tout simplement ceux qui ne pensent pas comme nous ?...

Oui, tous ces lépreux, il n’y a pas trop de difficulté à les identifier. Il y a grande difficulté à les aimer !

Et puis un dernier mot pour finir cet inventaire… Le lépreux, Il est parfois en nous. Je veux dire que chacun de nous a bien sa lèpre qui le défigure, lui fait honte et dont il désespère, parfois. - Ma vie est trop en désordre. Je ne suis à la hauteur ni de ma vie baptismale, ni de ma vie religieuse ! Dieu ne peut plus m'aimer… !

Et c’est à ce moment qu’il faut parler et reparler de cette “Bonne Nouvelle” entendue aujourd'hui : Attention : “Mystère !“.
- Pour Dieu, il n'y a pas de geste irréparable,
- Pour Dieu, il n'y a pas de lèpre qu'il ne veuille guérir.

Jésus touche tout lépreux. C'est une main d'homme qui le touche ; et c’est Dieu qui le touche pour le guérir ! Oui, Jésus approche, il va venir sur cet autel vers nous. Fidèle à sa parole, il y vient tout entier, corps, âme, divinité, avec toute sa vie donnée pour nous, de sa naissance à sa mort et sa résurrection. Nous le recevrons dans notre main, qui deviendra un instant le trône de Dieu. Nous le toucherons et il se laissera toucher.
Bien plus, l’Eucharistie est plus qu'un toucher ! Jésus vient en nous, il se fait notre nourriture, et tandis que notre corps assimile l'apparence du pain sous laquelle il se rend présent, c'est Lui qui désire nous assimiler à Lui. Ce n'est pas nous qui réduisons Jésus à notre mesure charnelle, c'est lui qui nous agrandit à la sienne, qui nous divinise !… Aussi, dira St Jean : “Nous sommes appelés enfants de Dieu ; et nous le sommes !“ (I Jn 3.1).

Accueillons ce toucher profond du Seigneur : ce toucher transformant et sauveur. Accueillons cette “Bonne Nouvelle” à partager !… N’oublions pas d’en parler, d’en reparler, de la reprendre… avec grande joie et grand respect : “Attention, mystère !”, mystère d’un Dieu proche de l’homme !

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