mardi 21 février 2012

Morale de "Mardi-gras" !

7 T.O. Lundi - (Mc 9.30sv)

Notre lecture de St Marc au long des semaines du T.O. va être interrompue par le temps liturgique du Carême que je vous souhaite déjà spirituellement très profitable.

D’ailleurs, l’évangile d’aujourd’hui débute toute une argumentation qui illustre un des thèmes favori de Marc : pour connaître vraiment qui est Jésus, il faut sans cesse le suivre ! Route de Carême !

Aussi, à partir de notre évangile d’aujourd’hui jusqu’à l’entrée de Jésus à Jérusalem, l’enseignement de l’évangéliste est une suite de petits exposés pratiques touchant des questions très concrètes de la vie : préséance, les faibles et les forts, la famille (mariage, divorce, enfants…), les richesses, le désir de pouvoir, etc…

Et il est utile de remarquer que l’encadrement géographique de cet enseignement pratique n’est plus la mer de Galilée, avec ce va-et-vient d’une rive à l’autre comme dans la section précédente (la “section des pains“). Jésus commence maintenant un itinéraire précis : il part de la Galilée, passe dans “la région de Judée et au-delà du Jourdain“ (10.1), puis monte à Jérusalem à partir de Jéricho. La section se caractérise donc par cette montée vers Jérusalem, chemin unique pour tout disciple marchant à la suite de Jésus (N’est-ce pas un bon itinéraire pour un temps de Carême ?).

Naturellement, cet itinéraire va être marqué à plusieurs reprises par l’annonce du sort qui attend le Fils de l’Homme en la ville Sainte ! Annonce qui culmine en cette affirmation : “Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude“ (10.45).

Il est donc très remarquable que St Marc ait greffé toute sa catéchèse morale sur la passion du Christ. Et c’est profitable pour nous à l’occasion du temps du Carême qui va commencer. Au lieu de moraliser ou de renvoyer à tel ou tel précepte scripturaire, l’évangéliste ne connaît plus d’autre fondement de la morale chrétienne que l’imitation du Christ qui monte à Jérusalem. C’est à partir de la destinée du Christ en cette ville qu’il faut comprendre les exigences pratiques de la vie chrétienne. Rien d’étonnant alors que, pour Marc, cette vie chrétienne doit revêtir un aspect radicale, sans compromission !

Aujourd’hui, il est question de préséances dans la Communauté. Ensuite, il sera question de ceux qui, tout en se réclamant du Christ, n’adhèrent pas à la discipline communautaire, tel celui-là qui chasse les démons et qui “ne nous suit pas !“, protestent les apôtres (v/38). Plus généralement, on évoquera les faibles, les hésitants, ceux qui sont tentés de tomber dès qu’il y a “persécution pour la Parole“ (v/43-48).

Marc semble à la fois très ouvert et très exigeant : “Qui n’est pas contre nous est pour nous“, mais encore : “coupe, retranche arrache…“ oeil, main, pied s'il le faut (v/42sv). Et le tout se ramasse dans la proposition finale : “Ayez du sel en vous-mêmes“, ce sel qui est l’exigence du Royaume, avec lequel, au jugement, “chacun sera salé au feu“ (v/49). Et le chapitre 10ème manifestera la même exigence.
Marc paraît d’une moralité radicale. Matthieu et Paul manifestent, eux, une autre sensibilité à l’égard de tout ce qui est faiblesse, voire péché. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne veulent certes pas amoindrir les exigences de la vie chrétienne. Mais Matthieu ne pourrait juger ni retrancher qui que ce soit “avant le temps“ (Mth 8.29). Quant à Paul, il a découvert dans sa propre vie que la faiblesse est le moyen que Dieu prend parfois pour sauver ce qui semble perdu ! (Cf 2 Co 11 & 12).

En tous les cas, pour Marc, ce qui est inéluctable dans l’existence chrétienne, c’est la Croix. La gloire, elle, est entièrement gratuite, échappant à toute prévision, connue de Dieu seul : “c’est pour ceux à qui cela a été préparé… !“ (10.40). A ceux qui demande tout (comme Jacques et Jean : les premières place dans le Royaume), Marc propose la grandeur paradoxale de ce Fils d’homme, venu pour servir, jusqu’à donner sa vie pour la multitude (10.45).

L’“Imitation“ de Jésus-Christ, thème devenu fréquent depuis le Moyen-Age, constitue la clé de toute la “morale“ de Marc. Toujours, Marc nous convie à repenser toutes nos pratiques, nos actions, nos drames et nos désirs à la lumière unique du grand drame où Jésus “s’étant livré aux mains des hommes a été mis à mort et est ressuscité après trois jours“ (9.31).

Mes propos dépassent largement l’évangile du jour, prenant appui sur la suite du récit que nous ne lirons pas, demain étant l’entrée en Carême. Mais j’ai pensé, comme vous l’avez constaté, que le discours de l’évangéliste est une bonne invitation à vivre intensément ce temps liturgique pour mieux “suivre“ le Christ et donc mieux le connaître.
Marc serait finalement une bonne lecture de carême, même si aujourd’hui, c’est, dit-on “Mardi-gras“. Il me semble que Marc n’aurait pas très bien compris cette expression nullement évangélique. “Mardi gras !“ “Mardi-gras !“. Dites-moi d’ailleurs : Y aurait-il donc beaucoup de “Mardi-maigre“ ? … Peut-être, oui, pour un certain nombre de nos frères auxquels le Carême nous invite à penser tout spécialement. C’est ma "Morale à moi" qui rejoint, me semble-t-il, celle de Marc, une “Morale de Mardi-gras“, veuillez m’en excuser !

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