dimanche 26 février 2012

OUI !

1er Dimanche de Carême 12/B

Il y a des moments où un “Oui” engage toute une vie !
Ce “Oui” est parfois celui qu’un homme et une femme échangent au jour de leur mariage. - Il est aussi celui que des religieux, religieuses prononcent au cours d’une cérémonie. Il peut exprimer encore le choix déterminés de jeunes qui seront enseignants, infirmiers, mécaniciens, paysans… , que sais-je encore. Il peut conduire à adhérer à une association, à un parti politique, humanitaire ou autre…

Il y a ainsi une multitude de “Oui”, aux contenus variés, qui orientent pour dix ans, vingt ans ou pour la vie entière. Et ensuite, les jours, les uns après les autres, obligent à égrener ce qui a été condensé dans une syllabe.

Et pour éviter de s’égarer sur une autre voie ou de s’enliser dans mille et mille détails, il est bon de vérifier, de temps à autre, si le chemin que l’on poursuit est bien celui que l’on a frayé au jour du “Oui” initial.

Or, l’évangile d’aujourd’hui est comme un coup de diapason qui peut nous permettre de vérifier si notre voix sonne juste, en accord avec le chant choisi.

Contemplons Jésus : Il est au désert. Là dans la solitude et la prière, il va prendre la décision capitale. Son père lui suggère une route difficile pour faire de tous les hommes son peuple, pour faire une “Alliance“ entre le ciel et la terre. Il dit “Oui”, un “Oui” qui engage toute sa vie, un “Oui qui sera toujours à renouveler. Un exemple pour nos divers engagements !

Contemplons la scène pour l’instruction de notre propre combat ! Jésus va 40 jours au désert ! Ce chiffre évoque les 40 ans du peuple hébreu avant son entrée en Terre promise ; il évoque aussi les 40 jours du déluge, période qui se termine par l’Alliance d’une nouvelle humanité avec Dieu ! Autrement dit, ce chiffre évoque la lutte de toute vie d’homme, la nôtre ! Et le conflit évoqué fait référence non seulement à l’épopée de l’Exode de tout un peuple aux prises à de multiples tentations (comme pour nous) ; mais il rappelle aussi le drame des origines : le premier affrontement de l’homme avec le Tentateur décrit au livre de la Genèse.

Ainsi, envahi, poussé par l’Esprit-Saint, dit le texte, Jésus est confronté à son grand rival, au rival de l’homme, Satan. Par le “Oui“ à Dieu, son Père qu'il ne va cesser de prononcer, Jésus a vaincu l’Ennemi dans son lieu, le désert, notre désert parfois. Et si les bêtes sauvages ne le dévorent pas (comme elles n’ont pas dévoré Daniel dans sa fosse aux lions), si les anges, au lieu de le dominer, sont à son service - “Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient !“ -, c’est que, tel un Nouvel Adam, Jésus s’est montré le plus fort par son engagement, par son “Oui“ permanent. L’infra-humain - les bêtes sauvages - lui est soumis ; et le supra-humain - les anges - le servent. Il est victorieux des puissances du mal, supérieur aux êtres célestes appelés “anges“. Son “Oui“ parfait à Dieu son Père le rend totalement, universellement vainqueur !

Et c’est à cette victoire qu’il nous engage. Car ce qui est frappant dans le très court récit de l’évangile, c’est la généralité des lieux et du message :
- Généralité des lieux : Jésus qui était venu de Nazareth en Galilée (1.9), retourne en Galilée ; mais l’endroit où il va séjourner n’est pas précisé. Le cadre évoqué - cette Galilée, ce carrefour des autoroutes du temps, ce "carrefour des nations" - est si vaste qu’il évoque le monde entier, notre monde actuel.
- Généralité du message : le contenu de la première prédication de Jésus est rendu de façon très succincte par deux expressions qui résonnent comme des slogans : “Il partit proclamer la “Bonne Nouvelle“ ; et il disait : “croyez à la Bonne Nouvelle“.

La “Bonne Nouvelle“ est celle de sa victoire sur le Tentateur qu’il achèvera en son mystère pascal de mort et de vie. C’est ce que souligne St Paul dans la seconde lecture : “Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a été rendu à la vie. C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message - la “Bonne Nouvelle - à ceux qui étaient prisonniers de la mort“. Ce message de la victoire obtenu par son “Oui“ initial.

Ce “Oui” de Jésus qui le rend victorieux, ce sera le message de toute sa vie :
- Sur les places publiques et dans les synagogues, il annoncera que Dieu invite tous les hommes à une Alliance divine.
- Sur le Mont des Béatitudes, il prononcera la charte de cette nouvelle Alliance: “Heureux les pauvres…, les artisans de paix…, les hommes purs.”
- Il désignera les privilégiés de cette alliance : les malades, exclus, pécheurs,
- Son testament sera ce qui fait le fondement ce cette alliance humano-divine: “Tu aimeras”. Il dira que l’amour vit au cœur de l’homme et ne se réduit pas à l’observance d’une loi. - Et il révélera un Dieu qui réconcilie et aime tous les hommes.

Toute la vie de Jésus sera de faire la volonté de son Père. Il ne fera que répéter son “Oui” initial. Même si les puissants du jour le jugeront dangereux, il ne renoncera pas à sa mission. Il continuera de dire “Oui” à son Père, jusqu’à Gethsémani, jusqu’au Golgotha, jusqu’à l’aube pascale…

Et Jésus retournait de temps à autre au désert pour se remettre devant l’essentiel, pour redire le “Oui” prononcé initialement, comme s’il devait refaire un choix, comme s’il devait confirmer sa décision.

Nous sommes invités, ce matin, à aller au désert avec Jésus pour vérifier notre “oui” baptismal et tous les “oui” qui en ont découlé. Le “oui” du mariage ou celui de notre vie religieuse, et tous les autres “oui”
qui ne sont que les prolongements du premier
et qui annoncent, confusément mais réellement, que le Royaume de Dieu - cette Bonne Nouvelle - est déjà là sans l’être encore pleinement.

Entrer dans le carême, n’est-ce pas aller au désert pour vérifier l’authenticité actuelle de notre “oui” initial, ce “oui” soumis à l’usure du temps, mis à l’épreuve des combats et des luttes de la vie.

Et puis, de façon beaucoup plus optimiste et réaliste, entrer en carême n’est-ce pas aller au désert pour mieux contempler dans le secret et le silence de notre cœur que, déjà, toute notre vie s’éclaire peu à peu à la lumière de l’aurore pascale qui a commencé à poindre dans notre “oui” initial. Et cette lumière pascale ne cesse d’illuminer toute notre vie. - Autrement dit, ne voyons-nous pas que toute notre vie est déjà lumineuse de la présence du Seigneur qui se manifeste de plus en plus par notre engagement, notre “oui” initial et tous ceux qui l’ont suivi. - Et nous constatons alors que tout notre avenir en est éclairé, et notre mort elle-même.

N’hésitons pas à faire le désert en notre cœur. Et demandons au Seigneur de regarder toute notre vie à la lumière de notre premier engagement souvent renouvelé. Demandons cette grâce par l’intermédiaire de Notre Dame, Notre Dame du “Oui” qui, de plus, nous donnera sa paix !

Alors, comme elle, nous serons amenés à constater que les débuts de tout engagement (de tout “oui“) sont toujours riches de signification, contenant déjà en germe ce qui va se développer par la suite. C'est en effet un des caractères de la conduite de Dieu à notre égard que de ramasser en de certains moments importants, privilégiés - le “oui d’un engagement - ce qui, par la suite, doit se développer longuement, se déployer, s'expliciter.

Et c’est ainsi qu’en contemplant notre “oui” initial et ses traces jusqu’à aujourd’hui, chacun de nous n’est pas fondamentalement inquiet, parce qu’en contemplant ce qui a été, il peut jouir déjà de ce qui n'est pas encore. N‘est-ce pas là le fondement de notre espérance : jouir déjà par notre “oui“ initial de ce qui doit arriver pleinement, avec la certitude que cela arrivera !

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