jeudi 16 février 2012

Fidélité !

6 T.O. Jeudi -- (Mc . 27-33)

Aujourd’hui, je ne commenterai pas spécialement ce passage de l’évangile de Marc qui forme pourtant avec ceux d’hier et de demain la partie centrale de l’écrit de Marc (Je le ferai peut-être demain). Je vous transmets simplement une réflexion à propos de la fidélité, notre fidélité au Seigneur !

Car nous comprenons facilement la réaction de Pierre lorsqu'il entend la première annonce de la passion de son Maître. Jusqu'alors, Jésus avait annoncé la venue du Royaume de Dieu, règne de justice, de paix ; or, voici qu'il parle désormais de souffrir, de subir le pire des supplices. Pierre proteste, c'est logique. N’aurions-nous pas fait comme lui ?

Mais Jésus, lui, ne peut que réagir : inconsciemment, son apôtre remet en cause sa fidélité à la mission reçue de Dieu son Père. Pour annoncer que Dieu aime tout homme sans distinction, pour annoncer que tous les hommes sont appelés à s'aimer, pour annoncer la vie, la Vie même de Dieu, Jésus est prêt à affronter aussi bien chefs juifs qu’autorités romaines, à affronter le mal, le mal par excellence, la mort elle-même. “O mort, où est ta victoire ?“ (I Co. 15.55), s’écrira plus tard St Paul ? Aussi, il s’en remet fidèlement, il s’en remettra toujours à son Père de son destin final.

Aussi, Pierre devient, par sa réaction, un tentateur comme Satan l'avait été dans le désert. Non, en bon disciple, il doit encore apprendre, et surtout accepter de renoncer à ses rêves d'un Messie triomphal, oublier ses vues personnelles pour accueillir celles de Jésus sur un Royaume qui ne sera pas de ce monde. A celui qui lui disait : "Nous, nous avons tout laissé pour te suivre !", Jésus demande d'abandonner encore ce qui lui reste, c'est-à-dire son moi intérieur, fougueux et trop attaché à des ambitions humaines (pour éviter cette “inversion sacrilège“ dont je parle souvent : faire passer nos pensées avant celles de Dieu !).

Lors de la passion de Jésus, Pierre sera éprouvé et épuré par l'expérience douloureuse de sa lâcheté. Même la victoire de Pâques sera pour lui autant d’abord une épreuve de sa foi qu'un signe de réconfort et de paix. C'est surtout à la Pentecôte que, éclairé, fortifié par l'Esprit-Saint, il percevra la grandeur de cette fidélité que Jésus lui demandait ("Suis-moi"). Alors, il demeurera fidèle jusqu' au martyre, comprenant parfaitement la vérité de cette mystérieuse parole : "Qui perd sa vie pour moi, la gagne !"

Par cette page d’évangile, nous sommes invités à réfléchir, nous aussi, sur notre fidélité à suivre le Christ.

Reconnaissons-le : en chacune de nos vies se succèdent des hauts et des bas, comme l’on dit. - Nous vivons des moments de foi vive, de clarté ; et, nous aussi, nous nous écrions : "Seigneur, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !" – Mais nous traversons aussi des heures de doute, de découragement, voire de contestation intérieure. Mère Térésa avouait cela avec grande humilité ! Et bien des saints avant elle !

Or, la fidélité appelle à la persévérance à travers années et circonstances diverses ! Le temps, les événements éprouvent, usent, remettent en cause bien des choses.
L'institution du mariage, par exemple, est souvent en question : "Pourquoi nous marier ?", demande-t-on, puisque nous ignorons ce que, plus tard, seront nos sentiments".
De même on conteste l'engagement définitif du prêtre, du Religieux. "Le monde change, dit-on, les hommes aussi et pourquoi pas l'Église ? Alors comment s'engager pour toujours ?"
Oui, la question est bien celle-ci : A quelle fidélité Dieu nous appelle-t-il ?

L'Évangile répond : face à la contestation de Pierre, il nous montre surtout la fidélité de Jésus,
- fidélité à la mission reçue de Dieu, son Père !
- et, ce qui nous touche peut-être davantage, fidélité envers ses disciples, fidélité envers ses amis.
Lors de la dernière apparition du Seigneur au bord du lac de Tibériade, trois fois Jésus demande à Pierre: "M'aimes-tu ?" Évidemment il lui offre ainsi le moyen d'effacer son triple reniement, mais il ne lui fait aucun reproche. Au contraire il le confirme dans sa mission : "Sois le berger de mon troupeau". Oui, Jésus reste fidèle !
Lorsque le Christ choisit quelqu'un pour en faire son ami, son choix est irréversible et, quand c'est nécessaire, son pardon demeure toujours offert. Saint Paul écrira : "Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même".

Et l'Évangile nous enseigne encore que Dieu, toujours, se sert de l'histoire et du temps. Pierre n'a pu comprendre l'ampleur de la mission de Jésus qu'au fur et à mesure qu'il en vivait lui-même. Plus il en vivait, plus il comprenait que sa fidélité à Dieu ne consistait pas à rester tourné vers le passé glorieux d'Israël, mais, au contraire, à s'ouvrir sur l'avenir que Jésus voulait lui faire découvrir. Une fidélité ouverte sur l'avenir, c'est ce qu'on appelle l'espérance.

Il en est de même pour nous. Nous devons vivre de cette fidélité pleine d'espérance, même si nous ne connaissons qu'une faible partie de ce que l'amour de Dieu a projeté pour chacun de nous.
En vérité, ni les jeunes qui se marient, ni les parents qui accueillent leur petit enfant, ni les jeunes qui consacrent leur vie par des vœux ne savent exactement à quoi ils s'engagent.
Mais ils en savent assez pour faire confiance à Dieu et à l'avenir qu'il leur prépare. - Leur fidélité n'est pas une crispation sur ce qu'eux-mêmes ont pu rêver à leur point de départ, mais elle devient une ouverture à tout ce que Dieu veut déployer dans leur vie. Dom Delatte, un abbé de Solesmes, avait coutume, paraît-il, de demander au futur profès, d’écrire le texte de leur chartre tout en haut du parchemin, car, disait-il, Dieu se chargera d’écrire la suite…

Voilà la fidélité évangélique : une ouverture pleine d'espérance, malgré parfois les circonstances contradictoires du moment ! Et cette espérance est toujours possible, car elle s'enracine dans la force du Christ qui, toujours, pardonne et sauve. Et cette force, si nous la demandons, ne saurait nous manquer !

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