dimanche 11 décembre 2011

Témoigner !

3ème Avent B 11-12 -

Les trois premiers évangiles (synoptiques) présentent facilement Jean-Baptiste comme le prédicateur de la pénitence, de la conversion. “Vêtu de poil de chameau“, se nourrissant “de sauterelles et de miel sauvage“ (Mc 1.6) à l’exemple d’Elisée et de ses disciples-prophètes vivant autrefois dans des cabanes au bord du Jourdain (c’étaient les premières communautés charismatiques), Jean-Baptiste vitupérait : “Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion“ (Mth 3.7-8 ; Lc 3.7-8). “C’est au fruit que l’on reconnaît l’arbre !“, dira Jésus (Mth 12.33). Et St Paul de commenter : “Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur…“ (Gal 5.22). C’étaient déjà les fruits du “Serviteur-souffrant“, selon Isaïe, et non de l’homme qui veut dominer…, l’homme de pouvoir !

Le 4ème Evangéliste, lui, nous montre en Jean-Baptiste surtout l’homme du témoignage. D’ailleurs, Jean, l’Apôtre bien-aimé, a conçu tout son livre comme un procès fait à Jésus. Et, à chaque page, une question ne cesse de se poser : “Qui est donc cet homme de Nazareth ?”. Question à laquelle on répond ordinairement sous la forme d’un témoignage en faveur de la dignité, de l’œuvre de Jésus. Et le Christ lui-même, en cet évangile, témoigne en sa faveur, insistant sur son identité : “Je suis le bon pasteur ; je suis le pain de vie ; je suis la lumière du monde” (10.11 ; 6.48 ; 8.12), ou encore plus simplement mais plus audacieusement : “Je suis !” (8.28), expression qui désignait le Nom même de Dieu révélé au Sinaï (Ex. 3.14).

Aussi, le meilleur titre pour l’ouvrage de St Jean serait non pas : “Evangile”, expression que l’Apôtre n’a jamais employée, mais “témoignage” ; ce mot revient près de cinquante fois sous sa plume. Son ouvrage commence par le témoignage de Jean-Baptiste - c’est ce que l’on vient d’entendre : “Il était venu comme témoin“ - ; et il se ferme sur celui de l’Apôtre bien-aimé lui-même : “C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique“ (21.24). Et toute la structure interne de son évangile est faite des témoignages les plus divers, le plus important étant celui du Père céleste lui-même : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint” (1.33) et encore : “Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore” (12.28).

Ainsi Jean-Baptiste témoigne. Il témoigne négativement, car, dit-il, je ne suis pas, je ne suis ni le Messie, ni Elie, ni le prophète. Je ne suis pas la lumière… Et il témoigne positivement : c’est le témoin de la lumière ; il est la voix d’un autre qui vient après lui.

“Il faut qu’il grandisse et que je diminue”, dit-il encore (3.30). Disparaître pour que Jésus transparaisse, telle est sa ligne de conduite. Et l’évangéliste multiplie les contrastes : Jean est le Serviteur, Jésus est le Maître. Jean est la lampe qui brille jusqu’à ce que vienne le Soleil. Jean est une voix, Jésus est la Parole incarnée. Jean est l’ami de l’époux, Jésus est l’époux. Jean baptise dans l’eau, Jésus baptise dans l’Esprit. Jean est envoyé comme précurseur, Jésus est envoyé en qualité de Fils.
Bref, Jean-Baptiste n’existe que pour témoigner en faveur de Jésus. Il est le type parfait du témoin !

Témoins de Jésus, du Christ, le sommes-nous, nous aussi, nous qui nous disons du Christ, “chrétiens” ? Toute la mission du chrétien est également de témoigner que toute sa vie est en référence non à lui-même, mais au Christ. Le chrétien-témoin consacre sa vie à celui qui doit venir, qui doit se manifester en nos frères, en tous les hommes. Toute la mission du chrétien est de préparer les voies au Seigneur, à Dieu qui est venu parmi les hommes, il y a plus de 2000 ans, mais qui veut venir encore actuellement au milieu d’eux. Est-ce bien la préoccupation de notre témoignage : non imposer sa personnalité si estimable soit-elle, mais s’effacer pour que le Christ seul grandisse en tout homme, en nos frères ?

Oui, sommes-nous assez chrétiens, sommes-nous assez “témoins” comme Jean-Baptiste, un témoin qui intrigue sans cesse et à qui l’on pose toujours la question : “Mais qui donc es-tu ?” ; un témoin qui peut alors répondre : “Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas”. - Etre témoin, c’est chercher à tourner les regards non vers soi-même - quelle aberration -, mais vers Jésus. C’est peut-être avoir de l’influence, mais pour la mettre entièrement au service du Christ, car le chrétien est celui qui, comme St Paul, ne veut rien savoir d’autre que Jésus, et Jésus mort et ressuscité, toujours vivant ! La seule louange que l’on pourrait faire des témoins du Christ, des chrétiens, ne serait-ce pas cette parole d’un converti : “Le Christ m’a appelé par mon nom, grâce à des gens qui savaient son Nom” (Maurice Clavel). Le grand St Augustin ne disait-il pas lui-même : Je ne suis que le répétiteur du seul Maître, le Christ !

Voilà ce qu’est le témoignage : dire le Nom du Christ et le proclamer par tous nos actes. Le témoignage se fait dans le monde, à travers tous les domaines où nous pouvons agir : famille, travail, loisir, milieu social et politique… partout…, partout. C’est dans nos relations et en nos divers milieux de vie que l’on peut, que l’on doit prononcer le Nom de Jésus avec une chance de communiquer notre foi. Notre foi est morte si elle reste cachée en nous-mêmes, si elle n’est pas missionnaire, criant sans cesse…

Oui, le Seigneur est au milieu de nous ! Le connaissons-nous ? Il est présent par sa Parole, par sa grâce. Il est présent dans l’Eucharistie. Il est présent actuellement parmi nous : “Quand deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, je suis au milieu d’eux” (Mth 18.20). Nous ne réalisons pas assez cette présence parce que nous ne la cherchons pas toujours ; nous n’en vivons pas suffisamment ! Parce que nous nous cherchons nous-mêmes avant de chercher le Seigneur !

Oui, le Christ est au milieu de nous ; et nous n’y pensons pas. Et alors, le monde ne le reconnaît pas. Pour beaucoup qui se disent “agnostiques”, Dieu n’existe pas ; ou, du moins, on ne peut le connaître : il est inaccessible. Ou pire encore : l’existence elle-même de Dieu est indifférente, comme l’affirment nos contemporains ! Pourtant Dieu s’est fait connaître “à bien des reprises et de bien des manières”, comme le dit la lettre aux Hébreux (1.1), “et, à la fin, en son Fils” ! Et c’est lui dont Jean-Baptiste atteste la présence encore cachée. Aujourd’hui encore, cette présence reste trop cachée. Alors, soyons d’autres précurseurs là où nous nous trouvons. Et nous révélerons cette présence, nous témoignerons de cette présence dans les Ecritures, dans l’Eglise, dans les sacrements, dans le prochain, dans le monde. : “Je suis avec vous tous les jours…“, disait Jésus (Mth 28.20).

Comme Jean-Baptiste, nous avons à être des témoins du Christ. Mais pour cela, il nous faut son humilité : “Il faut qu’il croisse et que moi, je diminue”, car “je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale”. C’est l’humilité, cette vertu sur laquelle St Benoît insiste tant, qui nous fera véritable témoin du Christ, cette vertu qui nous manque plus que nous ne le pensons !

Demandons cette grâce à Notre Dame, elle qui s’est faite “humble servante du Tout-Puissant". Et alors, de même qu’elle a reçu Dieu en son corps, nous le recevrons en notre cœur, en notre vie pour le présenter à tous les hommes. St Augustin, en l’un de ses sermons de Noël, disait : Si Marie a eu la grâce de recevoir le Fils de Dieu en son corps, c’est qu’elle l’avait déjà reçu en son cœur ! Nous aussi, nous pouvons recevoir le Christ en notre cœur, en notre vie, en détournant nos regards de nous-mêmes pour les fixer de plus en plus vers lui, le Christ, qui sans cesse vient comme il est venu… Voilà la réalité, la seule qui importe. Prions pour qu’une nouvelle ’incarnation“ s’accomplisse en nous, de sorte que nous puissions dire avec St Paul : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi !“ (Gal 3.20). Alors, Noël sera chaque jour !

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