vendredi 16 décembre 2011

“Maison de prière !“

Avent 3 Vendredi - “Ma maison, une “Maison de prière ! “ (Is 56.1-8)

Le prophète Isaïe (Les exégètes vous parleront du 3ème ou 4ème Isaïe, mais peu importe) était un esprit très universaliste. Il prévoit une “Maison de Dieu“ comme “universelle Maison de prière“. Il prédit l’entrée dans le temple de tous ceux qui, habituellement, y étaient exclus !

- Il y avait d’abord les boiteux et les aveugles, en conséquence d’une malédiction prononcée à leur encontre par David lors de la conquête de la colline de Sion : Il marcha, est-il dit, contre les Jébuséens qui habitaient le pays. Or ceux-ci lui dirent : "Tu n'entreras pas ici ! Les aveugles et les boiteux t'en écarteront" ! “Mais David s'empara de la forteresse de Sion…“ … et il fut dit : "Les boiteux et aveugles, David les hait". C'est pourquoi il fut prescrit : “Aveugles et boiteux n'entreront pas au Temple“. (Cf. 2 Sam. 5.7-8).
Seul, le Messie pouvait les y réintroduire. Aussi, on voit Jésus guérir nombre d’aveugles et de boiteux ; et on comprend mieux la réponse qu’il fit à Jean-Baptiste : “Allez dire à Jean : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés…“ (Lc 7.22). On comprend mieux que, juste avant sa passion et sa résurrection, il guérit l’aveugle de la piscine de Siloë au sud du temple, et le paralytique de la piscine de Bethzatha au nord du temple. Ils peuvent entrer dans le temple ! C’était symbolique : ne sommes-nous pas tous des aveugles et des boiteux guéris par Jésus qui nous fait entrer en son Temple qui est son Corps, au point que St Paul dira : “Le temple de Dieu est saint ; et ce temple, c’est vous !“ (I Co. 3.17).

- Il y a une deuxième catégorie d’exclus : les étrangers parce qu'ils n'ont pas de racines dans le Peuple élu ; et les eunuques, car ils n'ont pas d'avenir ! Alors, d’après le passage d’Isaïe (qui, dans la version liturgique, a été tronqué des v/ 4-5 ; on peut le regretter ! - (1) -), Dieu console ces derniers : “s’ils observent mes sabbats et sont fermement attachés à mon alliance, je leur donnerai dans ma maison un monument et un nom ; ce sera mieux que des fils et des filles !“. - “Un monument et un nom“ ! “Yad vashèm“.
Et c’est par cette expression que les Juifs ont nommé le “lieu-mémorial de la shoah“, à Jérusalem ! Le martyre d’étrangers à Israël, qui n’ont pas eu de descendants (comme les eunuques), est reconnu comme avoir une fécondité mystérieuse pour la “Maison d’Israël“ !
Et nous, chrétiens, grâce au mystère pascal du Christ, nous intégrons cette réalité mystérieuse, en vue du Royaume de Dieu : “Il y en a, dit Jésus, qui se sont rendus eux-mêmes eunuques à cause du Royaume des cieux“ qui sera “Maison de Dieu“, “Maison de prières“ où éternellement, nous chanterons : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux !“. C’est ce que tous les “Consacrés“ essayent de signifier par toute leur vie de prière !

“Comprenne qui peut comprendre“, ajoutera Jésus !
A ce sujet, je ne peux m’empêcher de vous citer Georges Bernanos : “Nous nous faisons généralement de la prière une si absurde idée. Comment ceux qui ne la connaissent guère - peu ou pas - osent-ils en parler avec tant de légèreté ? … Si la prière était réellement ce qu'ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d'un maniaque avec son ombre, - ou moins encore, une vaine et superstitieuse requête en vue d'obtenir les biens de ce monde -, serait-il croyable que des milliers d'êtres y trouvassent jusqu'à leur dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs - ils se méfient des consolations sensibles - mais une dure, forte et plénière joie. Oh ! Sans doute, les savants parlent de suggestion. C'est qu'ils n'ont sûrement jamais vu de ces vieux moines, si réfléchis, si sages, au jugement inflexible, et pourtant tout rayonnants d'entendement et de compassion, d'une humeur si tendre. Par quel miracle ces demi-fous, prisonniers d'un rêve, ces dormeurs éveillés, semblent-ils entrer plus avant chaque jour dans l'intelligence des misères d'autrui ? Etrange rêve, singulier opium qui, loin de replier l'individu sur lui-même, de l'isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l'esprit de l'universelle charité. - Hélas ! On croira sur place les psychiatres, et l'unanime témoignage des saints sera tenu pour peu ou pour rien. Ils auront beau“ dire… ! “On se contentera de hausser les épaules. Quel homme de prières a-t-il pourtant jamais avoué que la prière l'avait déçu ?“. (Journal)

Mais qu’est-ce que la prière ? Il y a toutes sortes de prières… ! Oui, mais fondamentalement qu’est-ce que prier ?
Personnellement, je pratique et j’encourage cette forme de prière que Bernanos décrit ailleurs, dans son “Journal d’un curé de campagne“. C’est la prière du “pèlerin russe“. Un dimanche, il avait entendu le pope, dans son prêche, rappeler le mot de St Paul : “Priez sans cesse”. Il alla lui demander comment s’y prendre... Le pope ne savait pas trop…
Alors il partit d’église en ermitage. Il posait partout la question mais personne ne connaissait la réponse... jusqu’au jour où un saint homme, au fond des bois, après avoir éprouvé le sérieux de son désir, lui donna le secret. Il fallait prier du plus profond de son être, avec le souffle même qui donne vie à chaque instant… Il fallait dire en inspirant : “Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur”, et en expirant : “Aie pitié de nous, pécheurs”.

Si on s’applique à ‘respirer’ cette “prière de Jésus”, on constate avec joyeuse surprise que respiration et invocation demeurent tressées l’une à l’autre. Et c’est ainsi qu’on arrive à prier sans cesse, et que Jésus devient compagnon de vie. Toujours, il est là ; et, parfois, à l’instant le plus inattendu, il est là … dans la gorge…, dans la vie !

Certes, on peut prendre quelque liberté : les deux versants de la formule peuvent paraître un peu trop longs pour les respirations… vieillissantes. On peut les remplacer par deux invocations brèves. Avec l’inspiration, on peut dire simplement : “Jésus”, et avec l’expiration : “Pitié”. Ou, plus souvent : “Jésus… Merci”. Ainsi, selon la couleur du jour, on multiplie imploration ou action de grâces.

C’est ainsi que, parfois, la prière se “réduit”, se simplifie et devient permanente ! Peut-être faut-il faire autrement, je ne sais… ! Pourtant…, en bien des moments, il y a plaisir à reprendre ce monologue simplet devant Jésus toujours présent… !

Au fond, la prière, c’est un souffle…, un souffle de vie! S’il vous plaît, en toutes circonstances, que votre souffle devienne ainsi prière permanente ! Et ce sera tout bénéfice et pour vous, et pour moi. Car votre prière devenant permanente, vous ne pourrez pas me refuser de parfois penser et à Jésus et à moi-même ! Merci !“.

(1) Is. 56.4-5 : "Que l'eunuque ne dise pas : " Voici, je suis un arbre sec." Car ainsi parle le Seigneur aux eunuques qui observent mes sabbats et choisissent de faire ce qui m'est agréable, fermement attachés à mon alliance : Je leur donnerai dans ma maison et dans mes remparts un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles; je leur donnerai un nom éternel qui jamais ne sera effacé“.

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