mercredi 14 septembre 2011

La Sainte Croix !

14 Septembre : Exaltation de la Sainte Croix

Au témoignage de la célèbre Egérie, pèlerine à Jérusalem à la fin du 4ème siècle, ce jour - 14 Septembre - avait été choisi en 335 comme anniversaire de la découverte, quelques années plus tôt, de la croix du Christ. Ce culte était déjà attesté par St Cyrille de Jérusalem (+350) en ses fameuses “Catéchèses“, tandis que St Ambroise (+397) affirme que cette découverte de la vraie croix aurait été le fait de l’impératrice Hélène, quelques années après le concile de Nicée (321). Pourtant, Eusèbe de Césarée (+340), dans son ouvrage sur “La Vie de Constantin“ parle bien du voyage d’Hélène en Terre Sainte, mais ne mentionne nullement la découverte de la Sainte Croix.

Quoi qu’il en soit des interrogations historiques, c’est avec le lectionnaire arménien de Jérusalem qui témoigne des usages liturgiques de la Ville Sainte au 5ème siècle que l’on trouve quelques précisions : Le 13 Septembre était jour de la dédicace des lieux saints de Jérusalem. La fête durait huit jours en réalité. Ainsi, le 13 Septembre, on célébrait la dédicace de la Sainte Anastasie (basilique de la résurrection) ; et le jour suivant, on s’assemblait dans le “martyrium“ où l’on montrait la croix du Christ à la dévotion des fidèles.
Curieusement, le souvenir de la Dédicace se perdit, tandis que la fête de la Croix se développa, prenant le nom d’“Exaltation de la Sainte-Croix“.

La fête se répandit rapidement en Orient, puis en Occident. Et l’on sait qu’à Poitiers, le monastère fondée par la reine Radegonde (femme de Clotaire) en 552 aurait accueilli en 567 des fragments de la Sainte Croix envoyés par l’empereur de Constantinople. Un peu plus tard, Venance Fortunat, l’évêque-poète de Poitiers (+609) aurait composé en l’honneur de la Croix, l’hymne célèbre “Vexilla regis“ (“O crux, ave, spes unica…“ - “Salut, ô croix, unique espoir…“). Au 11ème siècle, St Odilon, abbé de Cluny, écrira : "Ô Croix mon refuge, ô Croix mon chemin et ma force, ô Croix étendard imprenable, ô Croix arme invincible. La Croix repousse tout mal, la Croix met les ténèbres en fuite ; par cette Croix je parcourrai le chemin qui mène à Dieu".

C’était excellemment exprimer l’objet de notre fête. Et, dix siècles plus tard, comme en écho, le Saint Curé d’Ars disait : "La croix est le plus savant des livres qu'on peut lire. Ceux qui ne connaissent pas ce livre sont des ignorants, quand bien même ils connaîtraient tous les autres livres. Il n'y a de véritables savants que ceux qui l'aiment, la consultent et l'approfondissent... “. Le Saint prêtre qu’on qualifiait facilement d’ignorant ne faisait que reprendre l’enseignement de la Tradition chrétienne fortement affirmée dès le 6ème siècle par André de Crête : “Nous célébrons la fête de la Croix, de cette Croix qui a chassé les ténèbres et ramené la lumière. Nous célébrons la fête de la Croix et, avec le Crucifié, nous sommes portés vers les hauteurs, nous laissons sous nos pieds la terre et le péché pour obtenir les biens du ciel. Quelle grande chose que de posséder la Croix : celui qui la possède, possède un trésor… Car c’est en lui que tout l’essentiel de notre Salut consiste et a été restauré pour tous“. Il est bon d’ailleurs de remarquer qu’aux premiers siècles, la croix est une croix glorieuse et qu’elle n’est jamais représentée avec le Corps du Christ. Les “crucifix“ n’apparaîtront qu’au Moyen-âge.

Et si l’“ignorant“ Curé d’Ars affirmait, à sa façon, que la Croix du Christ était un “trésor“, c’est que, parlant d’expérience, il en devinait tous les étonnants secrets : la splendeur du ciel, l’esclavage affreux du péché, l’insondable amour de Dieu, la valeur sans prix de la patience dans les épreuves endurées avec le Christ…

Il s’agit là d’une science très difficile : un mystère, comme l’on dit ! Oui, parce que le mystère est une connaissance de Dieu ! Mais le mystère n’est pas une réalité que l’on ne peut pas comprendre ; c’est une réalité qu’on n’aura jamais fini de comprendre ! Le mystère est une connaissance que Dieu seul peut donner. St Paul avait bien compris cela : “enracinés et fondés dans l’amour (de Dieu, manifesté dans le Christ), disait-il, vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… (de la Sagesse de Dieu - Cf. Job 11.5-8 -) et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu’à recevoir toute la plénitude de Dieu“ (Eph. 3.8).
Si nous ne savons pas recevoir comme un don inestimable cette science de Dieu, disait le Curé d’Ars, nous manquons de tout !

Seule cette science permet d'éviter les deux grands dangers qui guettent les hommes en face de la souffrance accablante et souvent injuste (et elle l'est souvent...).
- Ou bien ils se révoltent, risquant d'aggraver encore le poids de leurs souffrances par de nouvelles violences qui se retourneront contre eux ;
- ou bien ils se résignent trop vite et se laissent injustement anéantir.
Alors, bien souvent, rien ne se résout et le mal progresse.

C'est pour nous arracher à cet engrenage que Jésus a voulu vivre la croix. Le Christ n'est pas venu supprimer la souffrance, ni même expliquer le mal. Il est venu nous aider à l'assumer. Et comment l'a-t-il fait ? En illuminant la croix de son amour. La souffrance humaine détruit quelque chose de la beauté de la création. L'amour vient lui restituer sa beauté intérieure.

A l'encontre de tant de promesses illusoires, nos ancêtres, en érigeant solennellement des croix, rappelaient que si l'on ne peut esquiver la mort et sa souffrance, le Christ, lui, a réussi à les transformer. De la mort qu'on lui imposait, il en a fait un acte de confiance envers son Père et un acte d'amour envers ses frères, les hommes !
- Aussi, il s'est soumis en toute liberté, condition de l'amour.
- Il s’est livré lui-même, avec une douceur et une force incroyables, à ce que des hommes lâches, tyranniques, cruels peuvent inventer.
- Il ne cèdera pas pour autant à la lâcheté, au dolorisme, à cette sorte de complaisance douteuse de la victime par rapport à son bourreau.
- Il ne donne pas raison à la foule qui hurle ni aux autorités égarées par de sordides calculs.
Simplement mais avec un lucide courage, il veut, face à la souffrance injuste, montrer la force de l'amour et de la vraie liberté.

Depuis lors, Jésus veut faire descendre
- dans les abîmes de l'angoisse humaine, creusés par le péché, sa paix divine,
- dans l'accablement intolérable de la douleur, sa joie,
- dans les impasses du désespoir sa lumière pleine d'espérance.

Car il n'y a pas
- de gouffre où Jésus ne soit descendu,
- pas d'humiliation qu'il n'ait connue,
- pas d'horreur qu'il n'ait visitée
pour que tout homme, quelle que soit son épreuve, puisse toujours trouver des sentiers inconnus pour sortir, avec lui, vers la vie.

C'est ainsi que les plus effrayants tourments, les terreurs infligées aux martyrs, loin de les abattre, leur a conféré, au contraire, une grandeur, une pureté, un rayonnement indicibles.
La petite Bernadette, pendant ses nuits sans sommeil à l'infirmerie de Nevers, cramponnée à son crucifix, savait qu'elle remplissait pleinement sa mission de prière et d’offrande pour les pécheurs, à la suite du Christ.

Comme Jésus lui-même l'explique si mystérieusement aux pèlerins d'Emmaus, en s'appuyant sur toute l'Ecriture : "Il fallait que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire". Saint Paul médite dans l'épître aux Philippiens cet abaissement au plus bas, cette condition d'esclave misérable condamné au plus infamant supplice qui permettra à Dieu d'exalter son Fils au plus haut et de lui donner un nom qui est au-dessus de tout nom. (Ph. 2.6sv)

Tel est en effet ce mystère incompréhensible que St Jean, le premier et, après lui, tous les fidèles, va contempler :
- c'est dans son abaissement même que Jésus est grand,
- c'est au cœur de cette horreur du plus affreux supplice que brille mystérieusement la splendeur de l'espérance;
- c'est quand la haine pense avoir gagné que la miséricorde paraît, au pied de la croix, en la personne de la mère de Dieu !

La résurrection ne vient pas après comme une récompense, elle fait éclater la réalité qui est cachée au cœur de la croix et que seule la foi peut voir. Oui, le curé d'Ars a raison : le livre de la croix est le plus important des livres. Seule la croix peut transformer ce qui empoisonne la vie des hommes en une source de joie, de purification, de dynamisme incompréhensibles.

Bien sûr, ce langage est toujours très difficile pour les hommes malades que nous sommes à cause du péché qui nous rend si myopes. Aussi que le Seigneur nous accorde de plus en plus cette science du livre de la croix !

Aucun commentaire: