dimanche 4 septembre 2011

La dette de l'amour !

23e Dim. T.O. 11. A

Depuis quelque temps, c'est la reprise du travail, des classes... C'est aussi, en quelque sorte, la rentrée pour les Communautés chrétiennes : on est heureux de retrouver des visages éloignés durant quelque temps ; de se retrouver… ! Aussi, puissions-nous nous poser certaines questions essentielles, en ce temps de rentrée : comment vais-je nourrir ma vie de chrétien, cette année ? Quel engagement prendre pour mieux assumer mon identité chrétienne, mon “enracinement en Jésus Christ“, disait le pape Benoît XVI aux Jeunes, à Madrid ? - St Paul nous suggère aujourd’hui : "Frères, dit-il aux Romains, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l'amour mutuel“, car tous les commandements de Dieu peuvent se résumer en celui-ci : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”.

C'est très agréable de pouvoir se dire : “je ne dois rien à personne, je n'ai aucune dette, je suis quitte !”. Eh bien ! L'Apôtre déclare : un chrétien n'est jamais quitte. Même si vous n'avez aucune dette d'argent, vous avez toujours envers votre prochain une dette d'amour. Vous ne pouvez jamais dire : "je peux désormais vivre pour moi tout seul sans m'occuper des autres". Devant un homme, une femme, une famille en difficulté, nous ne pouvons jamais nous dire : "ce n'est pas mon problème" !

Chrétiens, nous sommes liés les uns aux autres comme les membres d'un même corps, comme les sarments d'une même vigne. Nous sommes tous responsables les uns des autres. "Si un membre souffre, nous dit St Paul par ailleurs, tous les membres partagent sa souffrance" (I Co. 12.26).

Cette responsabilité mutuelle nous devons en prendre conscience surtout à l'intérieur de notre Communauté chrétienne. Dans le passé, les chrétiens ont parfois vécu leur vie chrétienne, d'une manière purement individualiste : "Moi et Dieu, Dieu et moi". Ce n’était pas mauvais, mais ce n’était pas excellent !

Les chrétiens, depuis le Concile Vatican II surtout, redécouvrent que la vie chrétienne est aussi communautaire : on n’est pas chrétien tout seul, chacun pour soit ; on est chrétien ensemble : chacun a besoin des autres ; et la Communauté chrétienne a besoin de chacun de ses membres. C'est d’abord en prenant conscience de cette responsabilité mutuelle que nous pratiquerons le commandement du Christ : "tu aimeras ton prochain comme toi-même", car notre prochain, n'est-ce pas chacun de nos frères chrétiens avec lesquelles nous prions et communions chaque dimanche ? L'apôtre St Pierre avait même employé un mot très précis pour désigner l'amour que nous devons pratiquer entre chrétiens. Il parlait de "philostorgia" ce qui veut dire : un amour entre membres d'une même famille ; et cette famille, c'est la famille même de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit dans laquelle nous devons entrer pleinement un jour. - Il est probable sinon certain que la foi sera proclamée et transmise aujourd’hui et demain par les familles chrétiennes, certes (même si elles sont moins nombreuses qu’autrefois !) mais également par l’intensité de foi, d’espérance et de charité au sein des Communautés chrétiennes, reflet de l’Eglise Universelle, elle-même reflet de la Famille divine !

Mais cette responsabilité mutuelle à l'intérieur de la Communauté chrétienne, comment l'assumer ?

Dans le premier texte d'aujourd'hui, celui d'Ezéchiel, Dieu nous dit : "je fais de toi un guetteur pour la maison d'Israël". - Guetteur, c'est celui qui est attentif à tout ce qui se passe et à tout ce qui peut arriver, afin d'avertir les autres, donner l'alerte en cas de danger, apporter les remèdes ou secours nécessaires, afin de signaler aussi les signes de la présence du Seigneur. St Paul, en cette même lettre aux Romains (8.19) et en celle aux Philippiens (1.20) a un mot particulier pour évoquer la silhouette de ce guetteur plein d’espérance : il emploie le mot “apokaradodia“ : le guetteur dresse la tête (kara) pour épier (dokein) et tâcher de découvrir au loin (apo) ce qui se passe, “apo-kara-dokia“.
Ainsi, en cette rentrée 2011, le Christ dit à tous et à chacun : “soyez éveillés !“ (Mc 13.33 – Cf Ep. 6.18 ; Rm 13.11-12). Dans la langue religieuse, dormir, c’est le symbole de la négligence, le contraire de l’esprit vigilant du guetteur ! En ce sens, avec humour, je dirais que le guetteur doit être un “insomniaque“ ! Soyons tous des guetteurs pour tous tes frères !... surtout pour les plus pauvres, les plus fragiles, matériellement ou spirituellement. Soyons attentifs à cette ambiance d'amitié, de charité joyeuse qui doit être le propre de toute Communauté chrétienne… qui sera ce que chacun la fera : unie, fraternelle, dynamique, chaleureuse, ou au contraire anonyme, amorphe, froide, somnolente et endormie. Chacun en est responsable !

C'est surtout lors des rassemblements eucharistiques qu'il faut y veiller : on ne va pas à la messe chacun pour soi comme on va au cinéma ; on y va pour constituer l’Eglise, visage du Christ pour notre temps, pour offrir notre vie commune à Dieu par l’offrande du Christ, pour faire et refaire le lien visible et le lien invisible de Dieu avec tous ceux qui nous entourent. - Si on comprenait mieux ce don extraordinaire que Dieu fait par l’Eucharistie, ce “repas de l’Amour”, comme l’appelaient les premiers chrétiens !
Une Eucharistie, ce n'est pas l'affaire du prêtre, affaire de rites à observer, affaire de bonne ambiance ; c'est une affaire d'amour et d'esprit fraternel entre tous ceux qui sont là pour rendre présent, ensemble, le Christ au milieu des hommes ! Rendre présent le Corps du Christ ! Alors, une absence est comme une blessure dans le Corps du Christ ; un retard, c’est une blessure au Christ qui saigne au lieu d’être panser ; un éloignement au fond de l’Eglise est un gémissement du Christ en croix, du Christ aux membres écartelés ! Oui, soyons des guetteurs !

Mais une communauté chrétienne ne vit pas seulement de l’Eucharistie. Elle vit aussi à travers les mouvements, les groupes, les services auxquels on adhère et dans lesquels on agit. Elle vit par des engagements divers que plusieurs prennent. Dans beaucoup de cas, c'est le meilleur moyen de ne pas rester, dans la Communauté, un membre passif ou anonyme.
Il y a les mouvements et les groupes au service de la Communauté chrétienne ; il y a aussi ceux dont l'action et les engagements sont davantage orientés sur le monde extérieur qui doit, lui aussi, entendre la Parole de Dieu, etc... Car toute Communauté chrétienne doit rayonner ; elle doit agir pour plus de justice, plus de paix, moins de divisions, moins de misères et de souffrances cachées. Elle doit apparaître aux yeux de tous comme "un lieu de vérité et de liberté, de justice, de paix où tout homme puisse retrouver les raisons d'espérer". Ce que rappelait encore le pape aux JMJ de Madrid !

Etre un membre vivant d’une Communauté chrétienne, c'est être attentif à tout cela : se vouloir partie prenante, proposer des initiatives, et faire progresser le Royaume de Dieu autour d’elle.

Aussi, je terminerais en vous exprimant un souhait : que chacun de nous, en cette période de rentrée, se pose très sincèrement les questions : "Qu'est-ce que je vais essayer d'apporter cette année à la Communauté chrétienne dont je fais partie, comment faire ensemble et visiblement “Corps du Christ”, comment, selon nos possibilités, compétences, m’engager à témoigner du Christ qui aime tout homme ?

Un chrétien tout seul n’existe pas ! Un prêtre seul n’a pas de sens. Avec le prêtre, une Communauté chrétienne, c’est le Corps du Christ. Et quel Corps du Christ voulons-nous présenter à nos frères ? Celui du Christ en croix souffrant par nous ou celui du Corps du Christ ressuscité, glorieux ? Peut-être et mieux le Corps du Christ en son mystère pascal ! Alors, que vive le Christ… en nous et par nous !

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