mercredi 7 septembre 2011

La Morale !

T.O. 23 imp. Mercredi - (Col. 3. 1-11)

Aujourd’hui, Paul nous parle de morale ! Remarquons une fois pour toutes que Paul ne parle de morale qu’après s’être longuement étendu sur l’incorporation du baptisé dans le Christ. “Poursuivez votre route dans le Christ Jésus, le Seigneur, a-t-il dit, tel que vous l’avez reçu, enracinés en lui, fondés sur lui…“ (2.6) (thème de Benoît XVI aux JMJ de Madrid). La pratique des vertus n’est possible pour le chrétien que par la puissance vivifiante du Sauveur qui ne cesse de se développer en lui. La morale du baptisé est une “vie dans le Christ“ (Cf. Rm 8.2). Et tout au long de ses lettres, St Paul conjugue avec toutes les réalités de l’existence cette grande vérité : le rattachement vital au Christ est la condition indispensable pour porter du fruit, “comme le sarment rattaché à la vigne“, disait Notre Seigneur lui-même (Jn 15.2.4.7). Qu’il s’agisse de persévérer (I Thess 3.8), de penser (Phil 4.7), de parler (2 Co. 8.17 ; 12.19), de bonne entente (Phil 4.2), d’humilité (2.5), d’accueil fraternel (2.29) ou même de mariage (I Co 7.39 ; 11.11), tout est apprécié en fonction de la communion avec le Christ !

N’enseigner que les exigences de la morale chrétienne en faisant l’économie de cette incorporation dans le Christ, de cet enracinement en lui, est grave. Car cela n’a pour résultat, le plus souvent, que de mettre les gens dans l’impasse. St Thomas d’Aquin dit que les commandements du Nouveau Testament seraient occasion de chute, plus encore que ceux de la Loi ancienne, s’ils n’étaient pas enseignés dans le cœur par l’Esprit Saint.
St Paul s’est justement étendu longuement dans la première partie de sa lettre sur la connaissance, sur la primauté du Christ ressuscité en qui habite corporellement la plénitude de la divinité.

Aussi, la morale dont il nous parle aujourd’hui est une morale de ressuscité. La connaissance du Christ n’est pas une “gnose“ qui se perd dans les spéculations creuses, c’est une incorporation au Christ. Nous sommes appelés non seulement à l’imiter comme un maître que l’on admire, mais à vivre ses mystères.

St Jean Eudes écrivait magnifiquement : “Considérez que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef et que vous êtes ses membres…. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés ; et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu.
Voilà bien le fondement de la morale !
Non seulement le Christ est à vous, mais il veut être en vous… Il veut que tout ce qui est en lui soit vivant et régnant en vous : son Esprit dans votre esprit, son cœur dans votre cœur, toutes les puissances de son âme dans les facultés de votre âme, afin que la vie de Jésus paraisse visiblement en vous.
… Tout ce qui est en vous doit être incorporé en lui et recevoir vie et conduite de lui... “
(Cf. Temps présent : 19 août et vendredi de la 33ème semaine du T.O.).

C’est ainsi que Paul a été jusqu’à dire : “ … Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Eglise“ (Col 1,24). Par le baptême, à tout instant, nous sommes plongés dans sa mort et, à tout instant, nous sommes déjà ressuscités. Aussi, dès ici-bas, nous sommes appelés à vivre une vie de ressuscités ; rejetant ce qui ne peut que vieillir et revêtant l’homme nouveau qui va se renouvelant à l’image du Créateur.

St Thomas d’Aquin met ce mot d’“image“ au point de départ de la seconde partie de sa “Somme théologique“ consacrée à la morale. “Dieu a crée l’homme à son image“ (Gn 1,26). Ceux qui se ressemblent s’assemblent !

L’homme est en voyage vers Dieu, ce Dieu dont il a traité dans la première partie. La morale consiste à adopter les mœurs divines. La vie humaine est une marche progressive au terme de laquelle nous verrons Dieu et jouirons d’une connaissance dont la puissance transformante nous divinisera.

Le péché a ralenti et ralentit encore cette marche de l’homme vers Dieu, de sorte que l’humanité et tout l’univers dont elle est solidaire retournent parfois vers le désordre du chaos, du “tohu-bohu“ d’avant la création ! - Dieu a empêché et empêche cette chute, ce vertige du néant : Il a envoyé son Fils Unique, qui est l’« Image » parfaite de sa Gloire (He 1,3), qui, de toute éternité, est en élan vers le Père dans l’Esprit-Saint (“pros ton théon“, dira St Jean). Et cet élan, cette éternelle relation subsistante du Fils vers le Père, est passé parmi nous : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Ainsi, la trajectoire de ce passage, de cette pâque parmi nous, ramasse la condition humaine au plus profond de sa détresse. “Il est passé si bas, dit le P. de Foucault, que personne ne se trouve en dehors de cette trajectoire “.

Possibilité est donc donnée à chacun d’être rencontré, à l’être le plus misérable et à l’univers entier d’être saisi par le Christ et emmené par Lui, dans l’élan eucharistique de l’Esprit Saint, vers son Père devenu « notre Père ». Dans cet élan, tout redevient harmonieux.

St Paul, aujourd’hui, met justement l’accent sur l’harmonie dans laquelle les chrétiens sont appelés à s’ouvrir à cette vie nouvelle de ressuscités quel que soit le genre de Communauté auquel ils appartiennent. “Maintenant débarrassez-vous de tout cela : colère, emportement, méchanceté, etc… Débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien …, revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours à neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. … Il n'y a que le Christ : en tous, il est tout ».

Voilà la véritable morale ! Il nous faut du temps, souvent, pour comprendre cela ! Dans la Bible, mourir jeune est une calamité ! Parce que, bien sûr, cela heurte la sensibilité. Mais surtout parce que celui que la mort fauche en sa jeunesse n’a pas eu le temps de “marcher devant Dieu, avec Dieu“ ! Il n’a pas eu le temps nécessaire pour s’ajuter à Dieu. Peut-être, finalement, que, paradoxalement, il nous faut accepter de mourir vieux pour devenir jeune, de la jeunesse même de Dieu ! Comme Jésus semblait le dire à Nicodème !

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