samedi 16 avril 2011

Ultime préparation

Carême 5. Samedi - Ephraïm ! (Ez 37, 21-28 - Ct Jr 31 - Jn 11,45-57)

Aujourd’hui, nous rejoignons Jésus, non plus dans le Temple de Jérusalem, non plus en Transjordanie où il se trouvait quand il apprit la mort de son ami Lazare, mais dans la montagne d’Ephraïm, en bordure du désert, sur les collines qui dominent la vallée du Jourdain et la région de Jéricho : “Jésus partit pour la région proche du désert, dans la ville d’Éphraïm où il séjourna avec ses disciples”.

Ephraïm a une belle signification. פרי (pheri) c’est le fruit. Ephraïm, disent les grammairiens, est le duel de surabondance : c’est la fécondité. Est-il inconvenant de penser que Jésus se prépare à manifester la fécondité de son mystère pascal qu’il va pleinement accomplir ? En tous les cas, on peut retenir que cette région, en bordure du désert, est à proximité du désert où Jésus fit une retraite de 40 jours. Comme si Jésus avait besoin de retrouver ces options messianiques que Satan, par ses tentations, lui avait donné l’occasion de formuler et de préciser au début de sa vie publique, après son baptême dans le Jourdain. Quoi qu’il en soit, d’Ephraïm, on peut embrasser du regard toute la montée à Jérusalem, de Jéricho au Mont des Oliviers. C’est un merveilleux site de pèlerinage aux approches de la semaine sainte pour méditer sur la dernière étape de Jésus montant à Jérusalem !

A Jérusalem, la décision est prise de faire disparaître ce personnage gênant. Caïphe qui préside le Grand Conseil pratique ce qu’on appelle, tout au long de l’histoire, la « real politik », avec un cynisme remarquable : “Caïphe, étant grand prêtre cette année-là, leur dit : "Vous n'y entendez rien. Vous ne songez même pas qu'il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière".

Sa charge de Grand Prêtre, remarque St Jean, fait qu’il est doué d’un charisme qui, inconsciemment, lui a donné d’annoncer, au service même de cette « real politik », la célèbre prophétie d’Isaïe sur le grand rassemblement d’Israël et des nations qui se réalisera un jour dans le dessein de Dieu : “Et maintenant le Seigneur a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu'Israël lui soit réuni... Il a dit : "C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre". Ainsi parle le Seigneur, le rédempteur, le Saint d'Israël, à celui dont l'âme est méprisée, honnie de la nation, à l'esclave des tyrans : des rois verront et se lèveront, des princes verront et se prosterneront, à cause du Seigneur qui est fidèle, du Saint d'Israël qui t'a élu“. (Is 49,5-7).

C’est une occasion de méditer sur les voies de Dieu dans l’histoire du monde, de méditer sur cette sorte d’alchimie par laquelle, comme dans l’histoire de Joseph, Dieu transforme le mal en bien : “Les frères de Joseph, eux-mêmes, vinrent et, se jetant à ses pieds, dirent : Nous voici pour toi comme des esclaves ! Mais Joseph leur répondit : Ne craignez point ! Vais-je me substituer à Dieu ? Le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l'a tourné en bien, afin d'accomplir ce qui se réalise aujourd'hui : sauver la vie à un peuple nombreux“. (Gn 50,18-20) Et le psaume 118 affirme : “La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; c'est là l'œuvre du Seigneur, ce fut merveille à nos yeux“. (22-23)

Dieu, plus jaloux que les hommes de la liberté dont il les a doués, dirige l’histoire sainte vers l’harmonie d’un Royaume qui se fera à la fin des temps. Pour réveiller notre espérance et nos certitudes, en le décrivant, la liturgie d’aujourd’hui fait appel à ce grand visionnaire qu’était Ezéchiel, dans la 1ère lecture de cette liturgie.

Oui, à la veille du dimanche des Rameaux (Shabbat), la liturgie nous offre une riche méditation sur les voies de Dieu qui ne sont pas les nôtres. Que cela nous prépare à nous engager dans la voie étroite et le chemin de croix qui débouche au matin de Pâques sur la victoire du Christ sur la mort.

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