mercredi 6 avril 2011

Fidélité !

Carême 4. Mercredi (Isaïe 49.8sv)

Le grand intérêt de lire la Bible, c’est que, finalement, notre histoire personnelle s’inscrit tellement dans celle des hommes dont il est question ! Ainsi en est-il de nos infidélités récurrentes : comme pour les Hébreux, notre cœur oscille entre Dieu et les idoles de ce monde (argent, pouvoir, plaisirs…). Et lorsque Moïse descendit du Sinaï pour signifier l’Alliance particulière que Dieu proposait à son peuple, celui-ci adorait un veau d’or. Or n’avons-nous pas, nous aussi, nos divers veaux d’or (quels qu’ils soient) qui éloignent de l’Alliance avec Dieu, d’une relation profonde avec Dieu ?

Et nous rencontrons alors dans la Bible des hommes que Dieu suscite pour nous relever de nos infidélités, et parfois avec grande vigueur. Tel Moïse - l’homme le plus doux que la terre ait porté - qui s’enflamme contre le peuple infidèle. Tel encore Elie qui s’emporte facilement, lui ! Dieu avait du choisir un homme quelque peu irascible ! C’était un prophète capable, pour l’amour de Dieu qui le brûlait, de rentrer dans une “colère noire“. [“Dies irae, dies illa“ – “Jour de colère que ce jour-là !“, devait-on chanter parfois à son sujet !]. “Jusques-à-quand danserez-vous d’un pied sur l’autre ? Si c’est le Seigneur qui est Dieu, suivez-le ! Et si c’est Baal, suivez-le !“ (I Rois 18.21). - “Nul ne peut servir deux maîtres“, dira Notre Seigneur.

Mais ces prophètes plus ou moins coléreux d’une sainte colère rappelleront tous, les uns après les autres, à un peuple infidèle que le Seigneur, lui, est fidèle, que sa tendresse ne cesse d’entourer son peuple ! “Une femme peut-elle oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même s’il s’en trouvait une pour l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas !“.

Pour Matthieu, surtout, toute l’Histoire Sainte est comme l’accomplissement des promesses faites à Abraham, promesses que le Dieu fidèle ne peut renier ! Dans sa généalogie, au début de son Evangile, Matthieu ramasse, depuis Abraham - notre Père dans la foi -, toute l’humanité pècheresse pour la faire converger, dans le Christ, vers une sainte et définitive “re-création“ ! Le dernier mot de sa généalogie le souligne quand il dit : “Jésus sera appelé « Nazôréen »“ (2.22). Ce mot ne fait pas allusion à “Nazareth“ nullement connu dans l’A.T. Avec le P. Benoît (Cf Synopse II/66), on peut penser que ce mot vient de deux racines, deux mots : “garder“ ou “former“ que l’on trouve dans notre texte d’aujourd’hui : “Je t’ai formé, je t’ai gardé pour mon alliance avec le peuple, pour relever le pays…, pour dire aux prisonniers : « Sortez »“ (Cf aussi Is. 42.6).

Autrement dit, Matthieu reprend toute l'Histoire Sainte depuis Abraham, notre Père dans la foi ; et puis il montre que tout cela converge vers Celui que Dieu a formé, vers Celui que Dieu a gardé pour que, malgré tous nos refus, toutes nos infidélités, la fidélité divine se manifeste en Jésus.

Et St Paul qui traversait pourtant moult épreuves au cours de ses voyages missionnaires, s’écrie, lui, à chaque instant : “Il est fidèle le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son Fils !“. (I co. 1.9). Oui, “Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces“ ( I Co 19.13). - “Celui qui vous appelle est fidèle ; c’est lui qui encore agira“ (I Thess. 5.28). - “Si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même !“ ( 2 Tim. 2.13).

Et quand le Fils Unique de Dieu, “celui que Dieu a formé, a gardé“, viendra dans l’histoire des hommes, il ne se contentera pas de parler de l’amour du Père. Il en vivra fidèlement. Au début de sa vie publique, les tentations du Christ sont les nôtres, tentations de l’avoir, de la puissance… Il les écarte dans un abandon confiant à son Père : “Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : « Le Seigneur ton Dieu tu adoreras ; et c’est à lui seul que tu rendras un culte »“.

“A Lui seul !“ C’est certainement là le secret de sa merveilleuse liberté intérieure. Jamais le cœur du Christ ne fut partagé. Il refuse qu’on tire l’épée pour être défendu ! Et devant le Sanhédrin, Hérode, Pilate, il apparaît souverainement libre. Et sa vie elle-même, on ne la lui arrache pas ! Il la donne ! Et c’est librement qu’après lui des milliers et des milliers de disciples agiront ainsi librement, par fidélité au Dieu Unique.

Je crois que c’est cette liberté “d’enfant de Dieu“ qui doit être le secret de tout chrétien, ainsi formulé par St Paul : “tout est vous ; mais vous, vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !“.

Cette liberté-là s’inscrit comme naturellement dans la fidélité à l’amour de Dieu. Car la fidélité ne perd jamais Dieu et n’est jamais privée de lui ! Car l’amour dépasse le commandement… et de loin !

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