dimanche 10 avril 2011

Mort-Résurrection

5ème Dimanche de Carême A.11

“Jésus cria d'une voix forte : "Lazare, dehors !".

Un ami qui vient de mourir... une famille en larmes... une foule nombreuse qui s'associe à son deuil... C'était au temps de Jésus : l'enterrement de Lazare à Béthanie.

Mais, c'est aujourd'hui encore… et tous les jours... C’était il y a quelques temps : un garçon de huit ans participait à la cérémonie de sépulture de son grand-père. Il avait beaucoup de chagrin, il voyait surtout sa maman qui pleurait. Au cours de la cérémonie, on a lu le récit de “la résurrection de Lazare”. Les yeux de l'enfant fixaient le prêtre qui lisait, et son visage se détendait progressivement, jusqu'au dénouement où l'on a vu un sourire éclairer quelque peu son regard. Et puis, le garçon s'est retrouvé, sans savoir comment, au cimetière. Mais là, n'y tenant plus, il s'est pendu au bras de sa maman : “Dis maman, pourquoi Jésus n'est-il pas venu, comme pour Lazare ?”.

La vérité sort de la bouche des enfants ! Il avait raison, ce garçon, de demander des explications : - Où est Jésus quand on enterre un parent, un ami ? - Que fait Jésus pour ceux qui meurent ? Relisons l'Evangile pour recueillir quelques réponses. On peut dire que ce récit comporte trois secrets :


Le premier secret : “Jésus pleura”

; un secret... en deux mots. Ces deux mots ont une signification intense. St Jean qui est comme au sommet de la révélation néo-testamentaire, écrit tout son Évangile pour enseigner que Jésus est le Fils de Dieu ! “Et le Verbe s’est fait chair !“. Or, il nous dit que Jésus, ce Fils de Dieu, a pleuré. Il nous révèle un Dieu qui pleure quand nous pleurons. Le Fils de Dieu a pris visage d'homme et ce visage est donc parfois baigné de larmes. “Il est venu chez les siens“. Et leur pays devient parfois “un pays où Dieu pleure !“

Le Dieu révélé par Jésus est donc un Dieu qui pleure ! On se trompe en imaginant un Dieu impassible, lointain, souverainement distant ! Pire, un maitre souverain faisant souffrir celui-ci, épargnant celui-là... Jésus, Fils de Dieu, pleura ! “Il a plu à Dieu de rappeler à Lui”, annoncent certains faire-part de décès ! Non ! Et non ! Il ne plaît pas à Dieu de rappeler à Lui ! Dieu souffre avec les hommes qui souffrent, Dieu n'est pas l'inventeur de la mort-punition. Il est l'accompagnateur de la mort qui nous éprouve. Et si on pose la question : “Où est Dieu, où est Dieu quand on souffre cruellement ?”... on peut répondre simplement, mystérieusement : “Il est avec celui qui souffre...”. Oui, le Dieu révélé par Jésus : C'est un Dieu qui pleure quand nous pleurons, C'est un Dieu à qui on peut parler de ceux qui souffrent, C'est un Dieu qui nous invite à consoler ceux qui pleurent ! Oh, certes, ce n’est pas toujours facile à comprendre !

Elie Wiesel, ce juif rescapé des camps de la mort, écrivait, faisant allusion à cette période terrible : “Souvent j’étais contre Dieu ; quelques fois avec Dieu ; jamais sans Dieu !”. Et lorsque, spectateur révolté et impuissant d’une pendaison d’enfants juifs, il entendit derrière lui cette récurrente question : “Où donc est-il ton Dieu ?“, il murmura, regardant les petits corps mutilés : “Il est là !“ Oui, le croyant peut répéter, sans toujours parfaitement comprendre : “Jésus pleura !”. C'était le premier secret.

Le deuxième secret : Jésus dit : “Je suis la Résurrection et la vie”. Devant le tombeau de Lazare, Jésus a pleuré... Mais, il va aussi agir, faire surgir l'inattendu, recréer la vie : “Lazare, dehors !”. Cette nouveauté stupéfiante est un miracle. Jésus a fait plusieurs miracles dans sa vie. Mais qu'est-ce qu'un miracle ? Qu'est-ce que cela signifie? Comme tous les miracles accomplis par Jésus, celui-ci est un signe, un signe qui révèle qui est Jésus. En effet :

- Lorsque Jésus guérit un paralysé, par exemple, ce n'est pas pour que jamais plus, il n'y ait de paralysés... mais pour signifier, révéler qui il est : non pas un super-orthopédiste, mais un sauveur, celui qui nous sauve de la paralysie du péché et veut que nous vivions debout.

- Lorsque Jésus guérit un aveugle, ce n'est pas pour que jamais plus la cécité ne frappe personne, mais pour signifier qui il est : non pas un super-ophtalmologiste mais celui qui peut dire : “Je suis la lumière du monde, celui qui marche à ma suite ne marche pas dans les ténèbres”.

- De même, lorsque Jésus ressuscite Lazare, ce n'est pas pour que jamais plus la pierre du tombeau ne se referme sur un mort, mais pour signifier, révéler qui il est : “Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra”. Jésus n'est pas venu pour que les hommes ne connaissent plus la mort, mais pour nous donner la vie au-delà de la mort ! Car, dit un psaume, “Dieu seul a les issues de la mort !“ Ce deuxième secret est immense ! Oui, nos anciens sont morts, mais ils sont vivants d'une vie nouvelle, de la vie du Christ ressuscité ! “La gloire de Dieu, dira St Irénée, c’est l’homme debout !“

Le troisième secret enfin : “Viens dehors !”. Oui, Dieu nous appelle dès aujourd’hui à nous lever de nos tombeaux. Jésus est la Résurrection et la Vie, non seulement parce qu'au terme de notre existence, il nous fera vivre pour toujours, mais parce que, tout au long de notre existence, il nous fait vivre, vivre vraiment. Déjà, il nous fait vivre d'une vie nouvelle ! “Viens dehors”, “Relève-toi”, “Déliez-le”.

Oui, Jésus nous crie d'une voix forte : “Viens dehors !”. Cette parole traverse les siècles. C'est à nous tous aujourd'hui que Jésus crie : “Viens dehors !”.

Dans le récit de l'Évangile, on dit qu’à ces mots, Lazare est sorti entouré de bandelettes. Nous avons beau être empêtrés dans les bandelettes de nos étroitesses et de nos peurs, ficelés dans nos culpabilités, bâillonnés par notre égoïsme, Jésus nous appelle dehors. “Sors de toi-même”, “Sors de ton péché”, “Sors de ta routine”, “Sors de la prison de toi-même“… et regarde au-delà de tes frontières...”. Regarde loin et va rejoindre - à ta façon - ceux qui agissent pour un monde plus solidaire, plus vivable, plus vivant. Ce cri de Jésus a fait se lever tant de femmes et d'hommes qui refusent que le monde ne soit que ce qu'il est. Même au creux des difficultés, des dangers, des échecs, ils s'acharnent. Incontestable victoire de l'obstination et de l'espérance sur la détresse, l'injustice, la souffrance. Oui, dès aujourd’hui, Dieu nous appelle à nous lever de nos tombeaux !

Voilà trois secrets que comporte ce texte, mais trois secrets qu'il ne faut pas tenir secrets... A nous d’en vivre pour mieux les divulguer !

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