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T.O. Lundi 12/B - (I Co. 5.1-8)
St Paul, après
avoir fortement réprimé l’orgueil des Corinthiens, va leur montrer que leurs
diverses expressions de suffisance sont vraiment malvenues et très déplacées au
vu d’une inconduite notoire au sein de leur Communauté. Vraiment, quelle
prétention s’ils pensent être la “fine fleur“ de la chrétienté !
“On entend parler“, dit-il. Le verbe grec est au
parfait, ce qui signifie : on entend parler et l’on entend toujours parler
non seulement d’une inconduite qui a été commise mais qui dure
encore… ! “On entend parler d’une inconduite“ : “porneïa“, terme qui
s’applique à tout désordre d’ordre sexuel. En effet, l’un des membres de la
Communauté vit avec la femme de son père… !
Au temps de Jacob,
ce fut la faute de Ruben (Gen
49.3-4)
qui perdit, de ce fait, son droit d’ainesse, faute qui fut ensuite sanctionnée
dans le Livre du Lévitique (Lv 18.8). Cependant, au cours de l’histoire,
certains rabbins toléraient de telles unions chez les païens convertis au Judaïsme.
Cette tolérance expliquerait-elle l’indulgence de la Communauté de
Corinthe ? C’est possible. Pourtant le Concile de Jérusalem venait
d’interdire de telles situations (Ac 15.20sv). Et St Paul écrira aux Philippiens,
dans le même sens : “Agissez sans compromission
au milieu d’une génération dévoyée et pervertie où vous devez apparaître comme
des sources de lumière“ (Phil. 2.15).
Aussi l’apôtre
d’ironiser à nouveau : Devant une telle situation, vous restez encore
enflés d’orgueil ! C’est un comble ! Ne vous souvenez-vous donc pas
des consignes de Dieu et de ce qu’il affirme par la bouche du prophète
Jérémie : “J’abandonnerai mon
peuple… Tous sont des adultères, un ramassis de traitres…“ (Jr 9.1). Aussi, devant une
telle situation, vous auriez dû porter le deuil comme à l’occasion d’un décès
d’un frère, puisque le fautif, de par son inconduite, s’est exclu lui-même de
la Communauté… !
En tous les cas, “vous et mon esprit étant assemblés“,
est-il dit en mot-à-mot… Paul ne peut se rendre présent corporellement à
Corinthe ; aussi insiste-t-il sur sa présence spirituelle afin d’avoir au
moins une voix - et une voix prépondérante - dans les délibérations de la
Communauté de Corinthe qui, seule, est responsable de la qualité de la vie
chrétienne en son sein… Ainsi donc, dit
l’Apôtre, comme si j’étais présent, j’ai déjà porté la sentence. Le verbe grec
est encore au parfait : ce n’est donc pas une sentence passagère, portée à la
légère sous le coup d’une émotion ; c’est une sentence réfléchie et
durable : “nous livrerons cet homme
à Satan !“.
Dure sentence dont
l’expression elle-même reste mystérieuse ! S’agit-il d’une
“excommunication“ au sens moderne du mot ? Probablement pas !
D’ailleurs, le mot lui-même est absent de la Bible et il n’est certainement pas
synonyme de “anathème“, pratique plus courante au cours l’histoire d’Israël. - Par
contre, divers peines d’exclusion étaient en usage dans l’A.T., dans le
judaïsme (Cf.
l’aveugle-né),
…à Qumran. Ce qui est certain : le coupable, tenu plus ou moins à l’écart,
privé du soutien de la Communauté, se trouvait fragilisé et comme davantage “livré à Satan“, à son “action“. La
peine est plus médicinale qu’afflictive : les souffrances - même physiques -
consécutives à l’“action“ plus pressante de Satan devaient amener le pécheur à
la conversion, et donc au salut. On espère toujours le repentir, le retour du
coupable. … Peut-être faut-il voir ici la source des diverses
“excommunications“ dont parle St Benoît dans sa règle (ch. 23sv) avec, toujours,
l’espérance d’une conversion.
En
tous les cas, conclut l’apôtre, il n’est vraiment pas beau et opportun votre
sujet d’orgueil ! Et comme approchait, probablement, la fête de Pâques que l’on célébrait déjà à
cette époque, Paul se souvient de cette tradition juive : à l’approche de la
solennité juive, tous les aliments préparés avec du levain - symbole d’impureté
- devaient être détruits afin de mieux goûter au pain sans levain (azyme), symbole de
pureté. Et l’apôtre d’en profiter pour reprendre le fondement de sa
morale : Vous êtes purs, mais purifiez-vous encore ! Réalisez en
votre vie ce que le Christ a réalisé en vous quand vous êtes devenus chrétiens.
Devenez ce que vous êtes, réalisez en votre vie ce que vous êtes par votre
identification au Christ ! “Considérez,
dira-t-il aux Romains, que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus“. (Rm 6.11). Et aux
Colossiens : “Vous êtes morts, et
votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie,
alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire. Mortifiez donc vos membres terrestres : fornication,
impureté, passion coupable, mauvais désirs…“. (Col 3.3sv).
Autrement dit, on ne naît pas chrétien ; on le
devient sans cesse en s’efforçant de ne pas donner prise au Satan, de n’être
pas “livré à Satan“.
C’est la raison pour laquelle l’Eucharistie pascale qui
nous rassemble est si importante pour notre vie. St Augustin nous dirait :
Sans cesse “recevez ce que vous êtes et
devenez ce que vous recevez !“. C’est l’élan salutaire de toute vie chrétienne !
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