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T.O. Jeudi 12/B - (I Co. 15.1sv)
Il
semble que St Paul avait répondu à tous les problèmes que posait la Communauté
de Corinthe. – Mais très probablement - et on ne sait ni comment ni par qui -,
l’Apôtre a eu connaissance d’un danger qui, s’il prenait corps, serait bien
plus grave que ceux qu’il vient de contrer !
Il
est des “sages“, des “Spirituels“ n’est-ce pas (des “Pneumatiques“) ou des libertins
qui, tout en admettant la résurrection du Christ, montrent un certain scepticisme
à l’égard de ce qui fait l’objet de l’espérance chrétienne : la
résurrection des corps !
Sans
doute y sont-ils amenés, ces fameux “sages“ pourtant inconséquents, par les
préjugés de la sagesse grecque qui tient la matière comme méprisable. Et le
corps fait partie de cette matière méprisable dont la mort nous délivrera (cf. mythe de la
caverne chez Platon).
De ce fait, à ces “sages“ l’immortalité de l’âme leur suffit ! (1) Ces
“Spirituels“ (ou
“Pneumatiques“)
ne voient pas, une fois de plus, ou ne veulent pas voir l’inconséquence de leur
raisonnement ; car, de façon toute logique, niant la résurrection des
corps, ils devraient nier tout autant la résurrection de Jésus ! Mais
alors, la preuve que le Christ est le Maître de la vie et de la mort, qu’il est
venu nous “racheter“…, bref, toute la foi chrétienne perdrait ses fondements,
ne serait qu’une illusion parmi tant d’autres.
L’apôtre Paul veut remettre la
Communauté chrétienne sur le chemin d’une bonne intelligence de la foi en
évitant impérieusement deux embûches :
-
ou bien se figurer une résurrection qui serait le prolongement des mesquines
conditions corporelles de la vie présente…
-
ou bien attendre un corps qui ne serait plus le nôtre - par excès de
“spiritualisation“
(1)
- ; il ne répondrait plus alors à notre réelle personnalité !
Aussi son discours suit un
schéma simple :
-
d’abord, il rappelle les attestations détaillées de la résurrection du
Seigneur ! C’est notre lecture.
-
Puis il va argumenter : la résurrection du Christ atteste la possibilité
de résurrection de tout corps humain. Car si on nie cette dernière possibilité,
il faut nier la résurrection du Christ. Ce sera la lecture de demain.
-
Enfin, il parlera du mode de résurrection.
Il fixe donc tout d’abord
l’attention sur un point capital de son évangile : “Je vous ai transmis ce que j’ai reçu moi-même ! “Je vous ai
transmis…“. Le verbe rappelle le mot de “Tradition“.
Les
auteurs qui pensent que Paul aurait joui d’une révélation directe, privée,
particulière sont gênés par le sens précis du verbe, du mot “Tradition“ qui
véhicule tout ce que la Providence divine a transmis et transmet aux hommes
depuis les origines (Ce
que les Orientaux appelle l’“Economie divine“) – Evidemment, cette “Tradition“ est
bien plus importante que la tradition d’une révélation privée que Paul mettrait
en exergue !
Aussi,
vaut-il mieux penser que le converti de Damas a été simplement instruit,
surnaturellement peut-être mais ecclésialement certainement et d’abord par
Ananias à Damas (Act
9 17-18)
de cette immense vérité du Christ, Dieu fait homme, qui lui est apparu, vérité
tout à fait conforme à la Tradition, conforme aux Ecritures (expression qu’il
reprendra d’ailleurs deux fois de suite).
A
cette occasion il me plaît de demander parfois quel fut le temps écoulé entre
l’instant du chemin de Damas et l’instant où Barnabé vint chercher Paul à Tarse
(Act.
11.25)
pour “l’œuvre de l’Esprit Saint“ (Act. 13.2) : l’évangélisation
des païens. Un certain temps, me
dit-on ! Oui, un temps assez long : une bonne dizaine d’années.
Alors, autre question : Qu’a donc pu faire, pendant tout ce temps, le
bouillant et actif Paul ? Il me plaît encore de penser que ce “pharisien, fils de pharisien“ (Act. 23.6), cet ancien élève
de Gamaliel à Jérusalem (Act.
22.3),
relut et relut encore toutes les Ecritures à la lumière du Christ ressuscité.
Il fit, dirions-nous, une longue et profonde “lectio divina“, au point que plus
tard, pendant ses longs voyages apostoliques, il n’avait nul besoin de
parchemins pour citer les nombreux passages de la Bible qui émaillent ses
écrits et ses discours. Une grande et belle leçon paulinienne, me semble-t-il…
Ceci étant dit entre
parenthèses, Paul a transmis, en tous les cas, le message essentiel de la
foi : “le Christ est mort pour nos
péchés, conformément aux Ecritures ; il a été enseveli…“ :
précision d’un fait qui semble indiscutable et qui exprime la certitude de la
mort du Christ ! “Il est ressuscité
le troisième jour, conformément aux Ecritures“, précise-t-il encore. “Il a été vu par Pierre, puis des
Douze !“. Les apôtres n’étant que onze à ce moment-là, on peut penser
que l’expression “les Douze“ fut très vite une expression collégiale désignant
les apôtres. “Puis, il a été vu de plus
de cinq cents frères en une seule fois - la plupart sont encore vivants !
-“.
“En tout dernier lieu, il m’est aussi apparu à moi, l’avorton“. Le
mot employé par l’apôtre “ektrômati“ se
dit d’un enfant mort-né ou du fruit de couches prématurées qui en porte physiquement
certaines conséquences. On sait que Paul n’avait pas très belle apparence ;
d’après les “Actes de Paul et Thècle“ (2ème s. – Mais faut-il se fier
à cet ouvrage, une “supercherie“ d’après Tertullien ?), il était petit de
taille, chauve, les jambes arquées, les sourcils se rejoignant au-dessus du nez
légèrement busqué. Bref, extérieurement, ce n’était pas un parangon d’humanité.
Il me plait de souligner cet aspect, non parce que moi-même fus un grand
prématuré -
on annonça ma mort avant ma naissance ; je ne sais s’il en reste quelque
chose ; mais, de ce fait, aussitôt né, aussitôt baptisé et par une femme
de surcroît ! Oh ! Rassurez-vous une “sage femme“ ! -, … mais il me plaît de souligner cet
aspect physique de l’apôtre parce que certains, certaines dénués de beauté
extérieure révèle une beauté intérieure qui transfigure admirablement leur
aspect physique plus ou moins défavorable. D’ailleurs, “la beauté physique ne dure pas“, dit le livre des Proverbe (31.30), - “l’espace d’un matin“, dirait Ronsard -.
Et le sombre mais réaliste Siracide d’ajouter : “Ne loue pas un homme pour sa beauté“ (11.2), “ne te laisse pas entraîner par la beauté
d’une femme“ (25.21) ; et surtout,
“qu’elle ne te captive pas par ses
œillades“, précise le livre des proverbes (6.25). Ceci étant dit avec humour (2), je
veux souligner que la véritable beauté est intérieure ! D’ailleurs, les
mêmes “Actes de Paul et de Thècle“ disent de Paul que “parfois il avait l’air d’un homme et parfois sa figure était celle
d’un ange“
(même si on n’a jamais vu un ange… peu importe !). - “Je suis noire (halée par les
travaux des champs, sans doute), mais je suis
belle“, disait la bien-aimée du Cantique des cantiques (1.5). La véritable
beauté, révèle St Pierre (I
Pet 3.4) est
une “disposition cachée dans le cœur“.
Mais
peut-être et même certainement, par le mot employé - “avorton“ -, St Paul fait
allusion au caractère anormal, violent - je dirais chirurgical - de sa
naissance à la foi chrétienne sur le chemin de Damas, d’autant plus qu’il exprimera
toujours son indignité ayant été persécuteur de l’Eglise ; aussi, ajoute-t-il,
“je ne suis pas digne d’être appelé
apôtre“. Mais mon message, avec celui des autres apôtres, n’en a pas moins
de portée : Oui, le Christ est vraiment
ressuscité… Voilà mon message et ce que vous avez cru !
(1)
Cette
pensée est demeurée parfois en chrétienté !
(2)
ce qui
va certainement me valoir quelques récriminations féminines… !
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