24ème
Dimanche du T.O. 12/B
Dans l’évangile, les images,
les situations se succèdent à une vitesse déconcertante : Jésus pose une
question à ses apôtres : “Qui
dites-vous que je suis ?“. - Pierre répond correctement et de tout
son cœur : “Tu es le
Messie !“ - Et voilà que Jésus, quelques instants plus tard, le
traite de “Satan“ ! Comment comprendre ?
Et puis, les dernières
phrases prononcées par Jésus sont un peu déconcertantes : “Si quelqu’un veut être mon disciple,
qu’il prenne sa croix et qu’il me suive“ ; et en conclusion
pratiquement : Si vous voulez sauver votre vie, il faudra accepter de la
perdre ! Essayons de réfléchir !
- Jésus pose la
question à Pierre ! Qu’a-t-il répondu ?
- Jésus pose la
même question à son Eglise ! Que peut-elle répondre ?
- Jésus pose à
chacun de nous cette question ! Quelle est notre réponse ?
C’est Pierre qui a répondu le premier, de tout son cœur et de toute sa
foi : “Tu es le Messie !“.
St Matthieu précisera sa réponse : “Tu
es le Messie, le Fils du Dieu vivant !“. Jésus le félicite et lui
confie, ce jour-là, la charge de sa future Eglise : “Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise !“. [Il est à remarquer
au passage que c’est dans les hauts lieux de l’Hermon où se trouvaient alors
Jésus et ses apôtres, lieux profondément païens, qu’a lieu la fondation de
l’Eglise !]
- Un autre jour, Pierre aura une réponse encore plus belle : - “Allez-vous me quitter, vous aussi ?“,
demande Jésus. - Et Pierre de répondre : “A qui irions-nous, tu as les paroles de la Vie éternelle !“.
Oui, Pierre peut donc devenir le “roc“
sur lequel se bâtira l’Eglise. Avec des apôtres comme lui tout au long des
siècles, la foi au Christ vivant pourra se transmettre fidèlement !
Le “roc“ ! Oui ! Mais quelques instants plus tard, ce “roc“
devient “pierre d’achoppement“.
Quand Jésus annonce la manière tragique dont il prévoit la fin de sa vie,
Pierre s’écrie : “Cela, non
jamais !“. Pas question pour le Messie de souffrir et de mourir !
- Car, naturellement, quand Pierre disait “Messie“, il entrevoyait un Messie
puissant qui redonnerait à la nation juive sa puissance politique et sa pureté
religieuse. Il se trompait de Messie. Jésus ne sera pas ce Messie-là. Le
prophète Isaïe l’avait déjà affirmé dans la lecture que nous avons entendue :
“J’ai présenté mon dos à ceux qui me
frappaient… Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des
crachats !“. - Entre la réponse généreuse de Pierre et la démarche
courageuse de Jésus, la distance est si grande que Jésus ne peut s’empêcher de
faire à Pierre un vif et sévère reproche : Pierre, ne me tente pas !
Ne sois pas le Satan qui me détourne de ma mission !
Et si Jésus, maintenant, pose
la question à l’Eglise, notre Eglise :
“Qui dites-vous que je suis ?“,
sa réponse lui méritera certainement le beau titre de “roc“, tant sa foi est solide, même si, comme Pierre, elle a été,
elle est parfois “pierre d’achoppement“ !
“Roc“, certainement ! Depuis 2000 ans ! Depuis 2000 ans,
elle a transmis l’Evangile de Jésus jusqu’à nous ! C’est elle qui a
suscité tant de vrais apôtres divers - nous pouvons penser à St Martin,
évangélisateur de notre région ; à Mgr Siméon Berneux, né à Château du
Loir, martyr de la foi en Corée ! Oui, c’est l’Eglise qui a reconnu et
fait découvrir la vraie nature du Christ ! Un prophète, oui, un grand
prophète de Dieu. Mais pas seulement ! L’Eglise proclame qu’en cet homme
Jésus, c’est Dieu qui s’est approché de l’homme, - “Emmanuel !“ -, Dieu proche de nous ! Dieu lui-même est
venu parmi nous partager notre vie humaine, rejoindre tous les hommes sans
exception, à commencer par les petits et les pauvres, les deshérités et les
pécheurs, et connaître l’enfer de la
souffrance et de la mort pour les transfigurer en amour et en vie !
Car la vie est au prix de cet amour qui va jusqu’au don total de soi, fusse sur
une croix !
Oui, c’est ce Jésus-là que
l’Eglise n’a cessé d’annoncer depuis 2000 ans ! Et elle continue de
susciter des hommes, des femmes qui croient véritablement en lui et dont la foi se lit à livre ouvert dans
leur existence. Je me permets de donner un exemple que j’ai lu
dernièrement : Quand Mgr Helder Camara, alors évêque dans le nord-est du
Brésil, entendait parler de quelqu’un qui avait été injustement arrêté, il
téléphonait à la police : “j’apprends,
disait-il, que vous avez arrêté mon
frère !“. Et la police se confondait en excuses : “Oh ! Monseigneur, nous sommes
confus ; venez le chercher, s’il vous plaît !“. Mais, au
commissariat, on lui disait parfois : “Monseigneur,
cet homme-là n’a pas le même nom que vous !“. Et l’évêque de répondre
alors que les pauvres étaient tous son frère, sa sœur !
Oui, l’Eglise a été, est ce “roc“ sur lequel la vraie foi au Christ
s’est transmise. Oui ! Pourtant ce roc a été, est parfois “pierre d’achoppement“ :
- Et cela quand
beaucoup oublient le “Christ-Serviteur“ et que, comme Pierre, ils rêvent de
puissance, tels certains papes de la Renaissance…
- Quand beaucoup
oublient les pauvres et se lient facilement aux puissants et à leur argent…
Aussi Dieu suscite-t-il parfois un François d’Assise…
- Quand certains
responsables imitent les princes de ce monde…
- Quand certains
aiment à régenter les consciences en menaçant trop facilement les hommes du
châtiment d’un dieu tout-puissant qui tonne et fulmine, comme si le Christ
n’était pas venu révéler un Dieu proche, un Dieu d’amour, de pardon !...
- Et que dire des récents
scandales de notre époque, ceux qui, par leurs divisions, tentent encore de
déchirer la tunique du Christ, ou ceux qui la ternissent pas des actes
inadmissibles…
Ne cessons pas de prier pour
que ces reproches, si entendus de nos jours, et qui font de l’Eglise une
“pierre d’achoppement“ pour beaucoup, ne concernent plus que le passé !
Mais une dernière réflexion,
et d’importance : La question de Jésus : “Qui dites-vous que je suis ?“ est posée ce matin à chacun d’entre nous ! Quelle
sera notre réponse ? L’année de la foi voulue pas notre pape Benoît XVI
est certainement l’occasion d’affiner notre réponse. Et sachons qu’il ne s’agit
pas seulement de répondre par des formules, par tout un cadre d’institutions ou
de pratiques diverses. Notre évêque lui-même cherche et cherchera avec nous,
lui qui disait récemment : “Dans une
société marquée par un vide intérieur, où l’on vit comme si Dieu n’existait
pas, il nous faut tous nous demander comment manifester la joie de croire et
d’annoncer la Parole… Peut-être, ajoutait-il avec audace, nous faut-il délaisser les “débats
stériles“ relatifs au fonctionnement interne de l’Eglise pour témoigner
d’abord par notre comportement. Il
nous faut d’abord donner envie de croire à travers ce que nous sommes“ .
Aussi, ne cessons pas de
prier pour obtenir l’aide du Seigneur, car il faut en convenir : notre
réponse, à nous aussi, n’est pas dépourvue d’ambiguïté. Notre foi au Christ est
parfois solide comme le “roc“ -
heureusement ! - ; mais parfois aussi, la manière de vivre notre foi
fait de nous une “pierre d’achoppement“ pour
ceux qui nous voient vivre ! Prendrons-nous le temps aujourd’hui ou durant la
semaine, grâce à l’évangile d’aujourd’hui que nous sommes appelés à méditer,
d’enrichir, d’ajuster notre réponse ?
Et si la phrase de
Jésus : “Celui qui veut être mon
disciple, qu’il prenne sa croix !“, si cette parole de Jésus nous
choque, nous heurte encore quelque peu comme elle a choqué Pierre, essayons de
la comprendre pour la vivre, car elle est essentielle au message du Christ.
Comprenons que Jésus ne nous demande pas de souffrir. Il ne veut pas la
souffrance pour la souffrance ; il n’agrée pas le sacrifice pour le
sacrifice. Il nous demande d’aimer ; il nous demande l’amour. Et l’amour
authentique - surtout celui qui a sa source en Dieu, car “Dieu est Amour !“ - est - nous le savons bien - souvent pour
ne pas dire toujours, coûteux.
Et un peu d’humour pour terminer :
Péguy, naguère, racontait l’histoire d’un homme qui arrive au ciel. L’ange qui
garde la porte lui dit : “Montre-moi
tes blessures !“ - L’homme de répondre : “Mes blessures ? Je n’ai pas de blessures !“ - Alors
l’ange lui dit : “Tu n’as donc
jamais rien trouvé qui vaille la peine de te battre véritablement ? “.
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