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T.O. Vendredi 12/B (I Co.4 .1-5)
St
Paul, aujourd’hui, définit, précise les devoirs des apôtres du Christ, tout en
réservant à Dieu seul d’apprécier ceux-ci selon
leurs justes mérites !
Il
le fait en revenant sur les réflexions quelque peu amères et incisives qu’il a
précédemment exprimées : Je n’ai pu, disait-il, vous parler comme à des
hommes spirituellement adultes, mais comme à des petits enfants qui ne peuvent
se nourrir que de lait ! De nourriture solide, vous n’en étiez pas
capables ! D’ailleurs, en êtes-vous capables actuellement ? Je ne le
pense pas puisqu’il y a chez vous jalousies, querelles et divisions, l’un
disant : “Moi, j’appartiens à
Paul !“, l’autre : “Moi,
j’appartiens à Apollos !“. C’est une façon de penser et d’agir vraiment
infantile ! Qu’est-ce donc que Paul ? Qu’est-ce donc qu’Apollos ?
Et
l’Apôtre de nous répondre aujourd’hui : “Qu’on nous considère donc comme des serviteurs du Christ !“, des “ministres du Christ“,
traduit la Vulgate de façon lénifiante. En fait, le terme employé par St Paul
est presque humiliant : “upèretès“. Ce terme est attribué au rameur sur un
bateau et, par extension, à l’homme de peine, au manœuvre ! Et St Paul de
préciser encore : l’apôtre est un “intendant
des mystères de Dieu“. Un “intendant“ - “oikonomos“ (d’où vient notre
mot “économe“) -.
Ce mot, “oikonomos“, désigne facilement l’esclave chargé de distribuer à ses
compagnons le travail, les repas ou les salaires (Cf. parabole de N.S.). Ainsi donc, l’apôtre est
chargé simplement de distribuer “les mystères de Dieu“, c’est-à-dire non
seulement la prédication de la doctrine, mais tous les moyens de grâce qui
mettent en relation avec Dieu (sacrements… etc…) –
Transmettre
“les mystères de Dieu !“.
Aussi, St Thomas d’Aquin de remarquer merveilleusement : Si les
Corinthiens ne regardaient pas les apôtres comme les ministres de Jésus Christ…,
comme des dispensateurs des grâces
divines, ils refuseraient - eux si indisciplinés déjà - de recevoir leurs
dons ; et l’apôtre ne pourrait pas dire : “Ce que j’ai donné, si j’ai donné quelque chose, je l’ai donné à cause
de vous, au nom de Jésus Christ“ (2 Co. 2.10).
Et
ce que l’on demande à de tels intendants (oikonomoi), c’est d’être
fidèles ! L’apôtre n’est que le dépositaire d’une doctrine qu’il n’a pas
le droit de modifier. Il doit en rendre compte à son Maître. Et pas à d’autres,
semble sous-entendre malicieusement St Paul !
Alors,
foin de raisonnements et de considérations : peu m’importe, après tout,
d’être jugé par vous ou par quelque “jour humain“, c’est-à-dire par un tribunal
de ce monde. St Paul réfute ironiquement qu’un tribunal humain puisse porter un
jugement qui est du seul ressort du “Jour du Seigneur“, c’est-à-dire du jugement
dernier. Sinon, ce serait un comble quand même ! Celui qui instruit ma
cause et qui l’instruira, c’est le Seigneur. Lui seul. Oui, seul, avait déjà
dit Isaïe, “le Seigneur traduit en
jugement les anciens de son peuple et ses chefs“ ( Is 3.14).- En conséquence,
ne jugez donc de rien avant le moment voulu, jusqu’à ce que vienne le
Seigneur ! N’allez donc pas faire des considérations de personnes !
Paul ? Apollos ? Céphas ? … C’est au Seigneur Jésus qu’il faut s’attacher,
à Lui seul !
Si
St Paul se croit lui-même tenu à une telle réserve en matière de jugement,
combien les Corinthiens - tels que nous apprenons à les connaître - doivent-ils s’abstenir de jugements
précipités, imprudents et trop humains en une matière qui les dépasse
totalement !
Au
temps voulu, Dieu seul mettra en évidence ce qui est caché et les desseins des
cœurs, comme le dit si bien le prophète Sophonie : “Je fouillerai, dit Dieu, Jérusalem
avec des torches et j’interviendrai contre les hommes qui croupissent dans leur
ordure et qui disent en eux-mêmes : « Le Seigneur ne peut faire ni du
bien di du mal ! »“ (Soph. 1.12).
Oui,
dit Paul, “chacun recevra de Dieu la louange
qui lui revient !“, de Dieu seul ! Et non de Paul, d’Apollos ou
de Céphas ! Alors pourquoi cet orgueil qui se croit tout permis et qui
veut juger de tout ?
Certes,
chacun, face à un apôtre…, à un “intendant des mystères de Dieu“, dirait St
Paul, devant tel ou tel responsable…, chacun peut légitimement se dire parfois,
comme ce rabbin juif : “Mon
problème, c’est que je sais que je ne suis rien. Et pourtant j’existe !“
. Et bien, même ce petit “j’existe quand même !“ - légitime selon la
sagesse humaine - peut conduire, selon l’exemple des Corinthiens, à toutes sortes de dérives surtout dans une
vie communautaire. – Aussi, la véritable humilité que nous recommande si
fortement St Benoît, c’est d’avoir le sens de ses limites, de ses
insuffisances, de sa petitesse et en même temps de s’estimer à sa juste
valeur, mais s’estimer en pensant véritablement que l’on a rien en propre et
que l’on tout reçu, tout ! - “Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi
t'enorgueillir comme si tu ne l'avais pas reçu ?“ (I Co. 4.7),
demandera St Paul (juste après notre texte). Alors, ce que l’on a reçu, ce sont des talents à faire
valoir magnifiquement… avec l’aide de celui qui nous les a donnés et qui est en
nous : l’Esprit de Dieu !
Et
je me dis que si le pape, l’intendant suprême des mystères de Dieu, aime à se
nommer “le Serviteur des serviteurs“,
je n’ai pas encore trouvé de plus grand superlatif pour me qualifier et trouver
ma place. Alors, je vais simplement, comme le pèlerin de la parabole de Hilton,
en me disant : “Je n’ai rien, je ne
suis rien…, je ne désire qu’une chose, c’est d’arriver à Jérusalem !“.
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