21.09 :
Fête de St Matthieu - Le
“bon Scribe !“ (Mth.
9,9s)
St Matthieu est une figure
familière parce que premier évangéliste (son évangile a été perdu ; on n’en a qu’une
traduction grecque plus tardive. Mais peu importe…). Sa vocation constitue un des épisodes les
plus populaires de la vie de Jésus, en raison de sa personnalité : un
collecteur d’impôts qui de “scribouillard“, de tabellion devint un “bon
scribe“, mettant parfaitement en lumière
la continuité entre les deux Alliances, entre l’A.T. et le N.T., pour fortement
affirmer l’amour de Dieu-Sauveur qui vient couronner son récit.
Matthieu, on le rencontre
d’abord entre Bethsaïde et Capharnaüm à la frontière entre les états d’Hérode
Antipas et les Etats de Philippe. Lui aussi était au bord du Jourdain. C’était donc
un fonctionnaire-douanier (1). De même que Jésus a pris des pêcheurs du lac
pour en faire des pêcheurs d’hommes, de même il a pris ce douanier pour en
faire son premier évangéliste. Oui de “scribouillard voleur“, Matthieu est devenu
un “bon scribe“ du Royaume de Dieu !
D’abord, à sa conversion, il
organise un festin -
j’avoue que cela me plaît -. Les gens “bien pensants“ se scandalisent de
voir Jésus chez des pécheurs ! Matthieu a bien retenu la réflexion de
Jésus : “Je ne suis pas venu appeler
les justes, mais les pécheurs !“. Et si ces justes demandent :
“Et nous alors ?“, je crois que c’est une réflexion d’une intelligence quasi
irrécupérable ! Péguy dira de façon mordante: “Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est
d’avoir une pensée toute faite ! Il y a quelque chose de pire que d’avoir
une mauvaise âme, c’est d’avoir une âme toute faite. On n’a pas vu mouiller ce
qui était verni… Les “honnêtes gens“ - ceux qu’on nomme tels et qui aiment à se
nommer tels -, n’ont point de défauts
dans leur armure. Leur peau de morale intacte leur fait une cuirasse
sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse
blessure… Ils ne présentent point cette entrée à la grâce qu’est le péché…
C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa ;
c’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un
mouchoir. Or ce qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé, et celui qui n’est
pas sale ne sera jamais essuyé. Les “honnêtes gens“ ne mouillent pas à la
grâce !“.
Ainsi de “scribouillard voleur“,
Matthieu devient “bon scribe“. Pourtant, apparemment, le scribe n’est pas une
référence. “Malheur à vous scribes et
pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des cieux !
Vous-mêmes n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le
voudraient !“. Et c’est bien Matthieu qui notera qu’à la naissance du
Sauveur, ces scribes non seulement n’allèrent pas à la crèche à la suite des
mages, mais ils provoquèrent Hérode à empêcher qu’on y aille, la “Sainte
famille“ étant obligée de fuir sa jalousie.
Oui, être scribe, c’était un
métier dangereux. Ils cherchaient leur gloire des hommes et non de Dieu : “Comment pouvez-vous croire, vous qui
recevez votre gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient
du Dieu unique ?“ (Jn 5.44). C’est terrible, cela ! C’est donc un métier
dangereux parce que pour être sur la trajectoire de Dieu qui toujours passe, il
faut d’abord être ce que l’on est (comme
David après sa faute !). Or, ce métier offrait la tentation de vivre
uniquement au niveau du paraître. C’est fréquent cela ! …
Cependant, il y a quand même de
“bons scribes“, ceux que décrit, par exemple le Siracide au ch. 39… : “Il réfléchit sur la loi du Très-Haut ;
il étudie la sagesse des anciens, consacre ses loisirs aux prophéties… De bon
matin, en présence du Très-Haut, il prie. Pour ses péchés, il supplie. Il
réfléchira sur les secrets de Dieu. Dans la Loi du Seigneur, il mettra son
orgueil…“ etc. Toutes bonnes choses et attitudes chères à des moniales, des
moines…, à un chrétien.
Ce qui caractérise le “bon
scribe“ du Royaume de Dieu est donné par Matthieu lui-même, à la fin du
discours en paraboles -
et le P. Benoît, un bon exégète, dit que Matthieu a signé, là, son évangile - :
“Tout bon scribe devenu disciple du
Royaume des cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf
et du vieux !“. (Math 13.52). Que veut dire cette expression ? C’est une
allusion au Cantique des cantiques : “Les
mandragores exhalent leur parfum ; à nos portes sont tous les meilleurs
fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon
bien-aimé !“. (Cant
7.14).
Autant la tradition juive que la
tradition chrétienne se réfèrent à ce texte pour dépeindre le “bon scribe“.
C’est celui qui fouille dans le passé pour ramener des “fruits anciens“ afin de
mieux produire, dans la même continuité, des “fruits nouveaux“. C’est aller
dans le passé cueillir le meilleur afin de mieux prendre son élan pour façonner
un avenir plus merveilleux encore. C’est le jeu de la mémoire qui fouille le
passé pour prédire l’avenir. On tire de son trésor “de l’ancien et du nouveau“
pour tout présenter au Seigneur.
C’est ce que faisait Marie… : “Elle méditait en son cœur“…
Puissions-nous faire, chacun
d’entre nous, comme un bon scribe, une lecture de notre propre vie, à la façon
de Matthieu : discerner dans le passé tous les signes de notre vocation à
être véritablement “enfant de Dieu“, “héritier du Royaume de Dieu“ pour mieux discerner
notre avenir avec Jésus… en Dieu !
(1) Même si on n’a pas prouvé de façon absolue que ce
collecteur d’impôts est bien notre évangéliste, on peut le supposer fortement.
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