23 T.O. Mardi 12/B (I Co. 6.1-11).
Le
cas d’inconduite notoire que St Paul a condamné l’entraîne à réprimer également
d’autres abus : querelles, disputes, conflits qui provoquent des procès
judiciaires devant les tribunaux païens ! On sait que Corinthe, déjà de
mauvaise réputation morale, était une ville “chicanière“ !
Ce
passage de la lettre de Paul est instructif sur l’organisation interne que
l’apôtre voulait imposer aux convertis (V/1-8) et sur la moralité chrétienne en contraste
avec leurs anciennes mœurs (V/8-11)…
Le
ton de Paul est toujours abrupt, incisif : “Lorsque vous avez un différend, comment osez-vous le faire juger par
les païens… ?“ C’est indigne ! C’est un crime ! Un crime de
“lèse-majesté chrétienne“, si l’on peut dire ! Le monde païen ne saurait
juger selon le sens chrétien, surtout en certaines matières délicates (mariages, rapports
entre maître et esclave… etc). Comment des païens peuvent-ils comprendre les nouveaux
rapports que les chrétiens doivent entretenir entre eux, comprendre leur exigence
d’équité, de mansuétude par lequel l’enseignement de l’Evangile doit corriger certains
aspects du droit antique…?
Et
puis, avec Paul si instruit, il faut penser encore aux peines si dures
qu’infligeaient parfois les tribunaux d’alors : un chrétien tendant à une
véritable charité pouvait-il ainsi exposer son frère ? … Autrement dit, si
deux chrétiens ont le malheur (!) de n’être pas d’accord en affaires, l’apôtre
estime que leur cas ne peut être tranché, avec toutes les garanties d’une vraie
justice, que par d’autres chrétiens qui peuvent instruire selon une morale
chrétienne…
Et
puis il y a cet argument décisif : “Ne savez-vous pas que les fidèles jugeront
le monde… et les anges eux-mêmes ?“ - C’est la promesse annoncée par
le Christ à ses apôtres : “Quand le
Fils de l’homme siègera sur son trône, vous siègerez, vous aussi…“ (Mth 19.30). “Tout jugement a été remis au Fils“ (Jn 5.22)…. Et l’Eglise,
Corps mystique du Christ, participera au pouvoir royal et judiciaire de son
Chef ! - Ainsi donc, des hommes appelés à cette si haute distinction - avoir
part au jugement éternel du monde - devraient quand même se faire davantage
confiance pour trancher des difficultés relativement insignifiantes…
Alors,
ajoute St Paul avec un humour toujours ironique : Si vous êtes destinés à
avoir part au grand jugement céleste…, et bien soit ! Pour les choses de
cette vie, beaucoup plus terre-à-terre, faites donc siéger des gens terre-à-terre,
de peu d’importance !
L’ironie
est mordante ! L’apôtre le sent lui-même. Aussi l’explique-t-il par son
désir de les humilier avec raison : “je
le dis pour vous faire honte !“. N’y-a-t-il donc chez vous aucun frère
assez sage pour pouvoir juger entre ses frères ? Que des incroyants qui
normalement devraient être portés, devant le spectacle de votre charité
chrétienne, à s’ouvrir à la foi chrétienne soient pris comme juges de vos
défauts d’amour fraternel, cela dépasse tout !
De
toute façon, avoir des procès entre vous, c’est déjà une déchéance… ! Et pourquoi
alors, ajoute-t-il encore avec un humour grinçant, pourquoi ne pas aller
jusqu’à ces déchéances, ces injustices et ces dépouillements que certains
païens veulent vous faire subir en justice ? [Remarquons au
passage que Paul ne condamne pas tout recours aux autorités judiciaires qui, en
certains cas, peut être une nécessité ou même un devoir…]. Mais, en la
circonstance, c’est vous qui commettez l’injustice et dépouillez les autres… Et
ce sont vos frères ! C’est un comble !
“Ne vous y trompez
pas !“.
La vigueur et l’insistance marquée par cette apostrophe font penser que dans
cette Corinthe, à côté d’une pratique très large, il y avait encore
probablement des enseignements laxistes dont il sera fait allusion au ch. 8ème.
“Ne vous y trompez
pas !“ Ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les
adultères… etc… n’hériteront du Royaume de Dieu. Et Paul en revient au cliché
de sa morale habituelle. Tout cela vous l’étiez…, du moins un certain nombre.
Mais “vous avez été lavés, sanctifiés,
purifiés, au nom de Jésus Christ, et par l’Esprit de notre Dieu !“.
Pour
conclure rapidement, je dirais : Il est vrai que nous avons tous nos
limites. Et, en général, malheureusement, nous ne sommes pas limités par des
lignes courbes. Nous sommes plutôt des figures polygonales : alors, gare
au voisin ! Et que celui-ci se gare !
N’oublions
donc pas qu’au baptême, nous avons tous été engendrés comme fils de Dieu et que
nous avons tous reçu une grâce de nous aimer à titre d’enfants du même Père,
divinement et du fond du cœur. La charité fraternelle doit donc l’emporter en
toute circonstance, doit prendre, de ce fait, des nuances d’une “philostorgia“,
dira St Pierre (I
Pet 1.22),
c’est-à-dire d’une affection de famille ou l’on s’aime d’instinct. Il s’agit
d’une religieuse tendresse, fusionnant attachement spontané et respect
lucide comme le soulignera St Paul : “vous
aimant cordialement les uns les autres avec philadelphie (affection) ; vous prévenant les uns les autres en
marques d’honneur“ ! (Rm 12.10).
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