mardi 6 août 2013

Transfiguré !

Transfiguration 13

Un homme annonce à ses parents, le visage transfiguré : "Je suis père ! je viens d'avoir un fils et vous un petit‑fils ! Il vous ressemble".

C'est bien de cette ressemblance entre un père et son fils qu'il s'agit, quand on parle de transfiguration : la communication de sa propre figure à un autre, à la fois distinct et identique.

La transfiguration, c'est le rayonnement d'un visage qui se contemple dans le miroir vivant d'un autre visage. Déjà physiquement, un enfant ressemble à son père, à sa mère... Mais quelle fierté pour les parents lorsque le fils leur sera semblable non seulement physiquement, mais intellectuellement, spirituellement...

Avec la Transfiguration de Jésus, c'est la figure du Père, qui transparaît sur le visage humain de Jésus. Jésus manifeste à ses contemporains qui il est et qui est le Père, un Dieu de douceur, de miséricorde, un Dieu de paix et de justice, un Dieu rayonnant de tendresse, "lent à la colère et plein d'amour".

Depuis la création, Dieu avait essayé de transférer son visage et de communiquer son esprit aux hommes créés "à son image et ressemblance"
Mais pour "ressemblés" à Dieu, les hommes se sont fourvoyés. Au lieu d'écouter - "Shema, Israël !" -, pour mieux l'accueillir en eux, ils ont préféré imaginer, à leur propre ressemblance, un Dieu écrasant d'autorité qui s'impose même par la violence. Voltaire avait bien raison de s'exclamer : "Dieu a créé l'homme à son image !". Et d'ajouter, toujours sarcastique : "Et l'homme le lui a bien rendu !"

Moise et Elie représentent deux étapes impor­tantes et imparfaites de cette  transfiguration trop humaine de Dieu.

Moïse, c'est le résistant intrépide qui n'hésite pas à défendre ses compatriotes esclaves et opprimés en tuant un Egyptien, chef de corvée. Les plaies d'Egypte manifestent de même un Dieu vengeur qui frappe dure­ment ses opposants et va jusqu'à tuer tous les premiers nés d'Egypte. Ce Dieu terrible apparaîtra sur le Sinaï dans le fracas du tonnerre et la fulgurance des éclairs. Et le peuple tremble devant cette toute‑puissance éclatante, ce Dieu "jaloux" qui commande de détruire les autres dieux, les idoles qu'il ne supporte pas.

Sur une autre montagne, Elie, lui, entrevoit bien le visage et la figure de Dieu, non plus dans le feu, l'ouragan ou dans le tremblement de terre, mais dans le mur­mure silencieux d'un souffle lége - littéralement : dans "l'éclatement d'un silence" -. Mais il n'est pas resté assez longtemps à l'écoute du Seigneur ! Son tempérament fou­gueux reprend le dessus. Après avoir tué les prophètes de Baal (I Rois 18/40), il fera tomber le feu du ciel sur les soldats venus pour l'arrêter au nom du roi Achab (II Rois I/9‑12). Et le voilà qui part comme une fléche déposer le roi de Syrie et celui d'Israël, comme s'il ne voyait d'autre salut, d'autre espérance, que dans un engage­ment politique déterminé (I Rois 12/15‑16). Il se fait le chevalier d'un Dieu conquérant.

Jésus connut la même tentation de faire appel au feu de Dieu pour punir un village samaritain inhospi­talier, de pulvériser, en mobilisant des légions d'anges, ses adversaires qui veulent le tuer, de s'emparer par la force de tous les royaumes du monde, à la façon des grands conquérants de l'his­toire.
Mais Jésus résiste à cette volonté de puissance qui ne correspondait pas à l'image fidèle qu'il se fait de son Père.
En effet, ce Père unique et universel lui donne tous les hommes, non pas à commander mais à servir, non pas à haïr, mais à aimer, non pas à perdre, mais à sauver, non pas à détruire, mais à faire exister, y compris au détriment de sa propre vie.

Jésus choisit donc une certaine volonté d'impuissance face à l'agression. Devant le mal, la calomnie, les complots, l'humiliation, il se servira de toute la force de Dieu qui, face aux pécheurs et pour combattre le péché, envoie sa pluie et son soleil indifféremment sur les bons et sur les méchants. Jésus manifestera sa bénédiction, sa bienveillance à l'égard de tous sans exception.
Il se montrera ainsi témoin jusqu'au bout, jusqu'à la mort acceptée, de ce Dieu scandaleux, incapable de vouloir le mal et de le faire, de ce Dieu fou qui aime les pécheurs à la folie, car il les considère toujours comme ses fils.

Devant cette ressemblance totale entre Lui et son Fils, le Père se retrouve parfaitement. Il le dit, à tra­vers ce soleil qui rayonne sur le visage de son fils : "Celui‑ci est mon fils bien‑aimé, mon fils transfiguré. Écoutez-­le". Quand il parle, c'est moi qui parle, quand il agit, c'est moi qui agis ; quand il meurt, c'est moi qui depuis la création du monde meurs d'amour pour servir les hommes et les délivrer de leur péché.

Alors, une question  : nous, disciples du Christ, de quel Dieu sommes‑nous les témoins ? D'un Dieu autoritaire que les hommes ont souvent forgé et que Dieu a accepté par une sorte de pédagogie condescendante ? Ou d'un Dieu d'amour révélé sur la face transfigurée du Christ ?

Dieu, notre Père, nous dit, à travers son fils transfiguré, de ne pas juger, ni condamner, de ne perdre aucune brebis égarée, même si elle se dresse contre nous comme un loup enragé, mais de les sauver toutes.

Pour celui qui veut véritablement rencontrer et le Père et le Fils, il n'y a pas d'autre solution que de "voir le Christ seul", de toujours s'entretenir avec lui, comme Moïse et Elie, de "l'exode - c'est le mot qu'emploie St Luc -, ..."de l'exode qui allait se réaliser à Jérusalem" et de le suivre sur le chemin qu'il allait emprunter :
- le chemin de la croix, celui de la pauvreté, de la douceur et du pardon,
- le chemin aussi du vrai bonheur, des béatitudes, de la lumière et de la joie.


Dieu attend aujourd'hui des fils parfaitement ressemblants pour que sa paternité incondition­nelle, souvent défigurée par nos choix partisans et autocratiques, soit, rayonnante, glorieuse, soit transfigurée !

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