T.O.
19 - Lundi - Ste Jeanne-Françoise de Chantal
Il y a deux ans, j'avais résumé
la vie de Ste Jeanne-Françoise de
Chantal que nous fêtons aujourd'hui, une vie toute dévouée à l'Amour de
Dieu, selon la grande spiritualité du "Traité
de l'Amour de Dieu" de St François de Sales, son "père
spirituel" et l'initiateur de l'"Ordre des Visitandines"
qu'elle fonda.
Le Saint évêque de Genève
affirmait que l'Amour "fait son
séjour sur la plus haute et relevée région de l'esprit, là où il fait ses
sacrifices et holocaustes à la Divinité. Car l'Amour n'a point de forçats, ni
d'esclaves, mais réduit toutes choses à son obéissance avec une force si
délicieuse que comme rien n'est fort que l'amour, rien non plus n'est si
aimable que la force".
"Amour, Amour, je ne sais plus autre chose", disait
Ste Jeanne-Françoise de Chantal à la fin de sa vie. Comme l'apôtre St Jean
lui-même, très âgé, ne faisait que répéter son ultime message : "Dieu est Amour !".
Au mot "amour" trop
commun à son goût, St François de Sales préférait le mot "dilection"
- désuet de nos jours -, mot qui exprimait un amour de choix, d'élection. L'amour
est pure "adhésion", disait-il en son style inimitable du 17ème
siècle, "parce que, par elle,
- par cette adhésion - l’âme
demeure prise, attachée et collée à la divine Majesté”. Et il ajoutait : “C’est
ce que Dieu requiert de nous, qu’entre tous nos amours, le sien soit le plus
cordial, dominant sur tout notre cœur ; le plus affectionné, occupant toute
notre âme ; le plus général, employant toutes nos puissances ; le
plus relevé, remplissant tout notre esprit ; et le plus ferme, exerçant toute
notre force et vigueur".
Or,
par coïncidence, c'est ce qu'exprime notre lecture d'aujourd'hui du Temps
Ordinaire. "Et
maintenant, Israël, que te demande le Seigneur ton Dieu ? Rien d'autre que de craindre
le Seigneur ton Dieu, de suivre toutes ses voies, de l'aimer, de servir le
Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, de garder les commandements du Seigneur...
!".
"Rien d'autre que de craindre le Seigneur !".
Je préfère mille fois la traduction littérale qui correspond
d'ailleurs à la spiritualité et aux expressions de St François de Sales et de
Ste Jeanne-Françoise de Chantal : "Rien
d'autre que de "frémir"
du Seigneur ton Dieu!" (traduction A. Chouraqui). Un "frémissement"
qui est comme une "adhésion" spontanée et libre envers Dieu !
Il y a quelque temps, j'ai
accueilli une personne qui demandait à voir un prêtre : baptisée, elle n'avait
pratiquement pas été élevée dans la religion chrétienne. Mais elle conservait
ce "frémissement", cette "fides qua" dont
parle St Augustin, ce "par quoi je crois", une sorte d'adhésion
à Dieu - qui est grâce divine -, une adhésion qui se
situe bien au delà de la raison en laquelle cependant peut s'exprimer la "fides
quod" de St Augustin : "ce que je crois", les
formules de notre Credo, par exemple.
Mais c'est la
"fies qua", cette "adhésion", ce "frémissement"
de Dieu qui importe avant tout. Certains intellectuels, philosophes...
peuvent avoir une connaissance approfondie de "ce que" nous
croyons ("fides quod"), sans avoir, malheureusement,
ce "frémissement", cette "adhésion" spontanée
envers Dieu ("fides qua"). Sachons faire ce
discernement pour nous-mêmes. Ne soyons surtout pas de grands savants sans foi
!
La
foi exclut donc la crainte au sens commun du terme.
Quant
à son passé, le fidèle ne doute pas d'être
justifié par le baptême.
Quant
au présent, il se sait dans la voie du salut,
comme sauvé déjà en acte.
Quant
à l'avenir, "l'Esprit,
dit St Paul, nous fait attendre de la foi
les biens qu'espère la justice". (Gal 5.5.).
Si
le fidèle s'attache au Christ immuable - "le même hier et aujourd'hui, il le
sera à jamais" (Heb 13.8) -, c'est qu'il s'appuie sur son
secours indéfectible, de sorte que la foi exclut toute crainte : "En toute assurance, dit la lettre
aux Hébreux (13.6) nous pouvons dire
avec hardiesse : Le Seigneur est mon secours; je ne craindrai rien !".
Aussi, dans la Bible, la
crainte de Dieu est à peu près synonyme de notre vertu de religion : un
respect souverain de Dieu, de la transcendance de Dieu. C'est en ce sens que
l'impie de craint pas Dieu, ne tient pas compte de ses préceptes : "Il y avait dans une ville, rapporte
St Luc dans l'une des paraboles du Christ,
un juge qui ne craignait pas Dieu et n'avait de considération
pour personne" ; (Luc 18,2,4 - Cf. Rm 3.18).
Aui contraire, les
croyants qui sont des adorateurs (Cf. Lc 1.50 ; Ac. 10.22 ;
13.16), vivant dans une humble obéissance à la volonté divine, "marchent" et "se sanctifient dans la crainte de
Dieu", cette crainte qui est vénération ressentie comme un
"frémissement", une "adhésion" totale à Dieu Créateur et
Rédempteur. "Les Eglises dans toute
la Judée, la Galilée et la Samarie, dit encore St Luc, s'édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur et elles
étaient comblées de la consolation du Saint Esprit" (Ac.
9.31). "Purifions-nous donc
de toute souillure, disait St Paul,
achevant de nous sanctifier dans la crainte de Dieu" (II
Co. 7.1),
dans cette "adhésion" à Dieu, aurait traduit St François de Sales,
dans ce "frémissement" de Dieu toujours ressenti.
"Il n'y a pas de crainte dans l'amour, disait
encore St Jean. Au contraire, le parfait
amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui
craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour" (I
Jn 4.18).
La crainte c'est la "reverentia" (révérence),
l'"obsequium" (soumission,
obéissance) inspirés par le Sacré : l'âme pleine de révérence et de
sujetion devant la Majesté divine est comme anxieuse de lui rendre l'honneur
et le service qui lui sont dûs. Autrement dit, crandre Dieu, c'est le
glorifier : "Craignez Dieu et
glorifiez-le" (Apoc 14.7).
Glorifier Dieu ! N'est-ce pas la vocation de tout baptisé, et, a fortiori, de
toute vie consacrée ?
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