lundi 12 août 2013

"Frémir" de Dieu !

T.O. 19 - Lundi  -  Ste Jeanne-Françoise de Chantal

Il y a deux ans, j'avais résumé la vie de Ste Jeanne-Françoise de Chantal que nous fêtons aujourd'hui, une vie toute dévouée à l'Amour de Dieu, selon la grande spiritualité du "Traité de l'Amour de Dieu" de St François de Sales, son "père spirituel" et l'initiateur de l'"Ordre des Visitandines" qu'elle fonda.

Le Saint évêque de Genève affirmait que l'Amour "fait son séjour sur la plus haute et relevée région de l'esprit, là où il fait ses sacrifices et holocaustes à la Divinité. Car l'Amour n'a point de forçats, ni d'esclaves, mais réduit toutes choses à son obéissance avec une force si délicieuse que comme rien n'est fort que l'amour, rien non plus n'est si aimable que la force".

"Amour, Amour, je ne sais plus autre chose", disait Ste Jeanne-Françoise de Chantal à la fin de sa vie. Comme l'apôtre St Jean lui-même, très âgé, ne faisait que répéter son ultime message : "Dieu est Amour !".

Au mot "amour" trop commun à son goût, St François de Sales préférait le mot "dilection" - désuet de nos jours -, mot qui exprimait un amour de choix, d'élection. L'amour est pure "adhésion", disait-il en son style inimitable du 17ème siècle, "parce que, par elle, - par cette adhésion - l’âme demeure prise, attachée et collée à la divine Majesté”. Et il ajoutait : C’est ce que Dieu requiert de nous, qu’entre tous nos amours, le sien soit le plus cordial, dominant sur tout notre cœur ; le plus affectionné, occupant toute notre âme ; le plus général, employant toutes nos puissances ; le plus relevé, remplissant tout notre esprit ; et le plus ferme, exerçant toute notre force et vigueur".

Or, par coïncidence, c'est ce qu'exprime notre lecture d'aujourd'hui du Temps Ordinaire. "Et maintenant, Israël, que te demande le Seigneur ton Dieu ? Rien d'autre que de craindre le Seigneur ton Dieu, de suivre toutes ses voies, de l'aimer, de servir le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, de garder les commandements du Seigneur... !".

"Rien d'autre que de craindre le Seigneur !". Je préfère mille fois la traduction littérale qui correspond d'ailleurs à la spiritualité et aux expressions de St François de Sales et de Ste Jeanne-Françoise de Chantal : "Rien d'autre que de "frémir" du Seigneur ton Dieu!" (traduction A. Chouraqui). Un "frémissement" qui est comme une "adhésion" spontanée et libre envers Dieu !

Il y a quelque temps, j'ai accueilli une personne qui demandait à voir un prêtre : baptisée, elle n'avait pratiquement pas été élevée dans la religion chrétienne. Mais elle conservait ce "frémissement", cette "fides qua" dont parle St Augustin, ce "par quoi je crois", une sorte d'adhésion à Dieu - qui est grâce divine -, une adhésion qui se situe bien au delà de la raison en laquelle cependant peut s'exprimer la "fides quod" de St Augustin : "ce que je crois", les formules de notre Credo, par exemple.
Mais c'est la "fies qua", cette "adhésion", ce "frémissement" de Dieu qui importe avant tout. Certains intellectuels, philosophes... peuvent avoir une connaissance approfondie de "ce que" nous croyons ("fides quod"), sans avoir, malheureusement, ce "frémissement", cette "adhésion" spontanée envers Dieu ("fides qua"). Sachons faire ce discernement pour nous-mêmes. Ne soyons surtout pas de grands savants sans foi !

La foi exclut donc la crainte au sens commun du terme.
Quant à son passé, le fidèle ne doute pas d'être justifié par le baptême.
Quant au présent, il se sait dans la voie du salut, comme sauvé déjà en acte.
Quant à l'avenir, "l'Esprit, dit St Paul, nous fait attendre de la foi les biens qu'espère la justice". (Gal 5.5.).
Si le fidèle s'attache au Christ immuable - "le même hier et aujourd'hui, il le sera à jamais" (Heb 13.8) -, c'est qu'il s'appuie sur son secours indéfectible, de sorte que la foi exclut toute crainte : "En toute assurance, dit la lettre aux Hébreux (13.6) nous pouvons dire avec hardiesse : Le Seigneur est mon secours; je ne craindrai rien !".

Aussi, dans la Bible, la crainte de Dieu est à peu près synonyme de notre vertu de religion : un respect souverain de Dieu, de la transcendance de Dieu. C'est en ce sens que l'impie de craint pas Dieu, ne tient pas compte de ses préceptes : "Il y avait dans une ville, rapporte St Luc dans l'une des paraboles du Christ, un juge qui ne craignait pas Dieu et n'avait de considération pour personne" ; (Luc 18,2,4 - Cf. Rm 3.18).
Aui contraire, les croyants qui sont des adorateurs (Cf. Lc 1.50 ; Ac. 10.22 ; 13.16), vivant dans une humble obéissance à la volonté divine, "marchent" et "se sanctifient dans la crainte de Dieu", cette crainte qui est vénération ressentie comme un "frémissement", une "adhésion" totale à Dieu Créateur et Rédempteur. "Les Eglises dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, dit encore St Luc, s'édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit" (Ac. 9.31). "Purifions-nous donc de toute souillure, disait St Paul, achevant de nous sanctifier dans la crainte de Dieu" (II Co. 7.1), dans cette "adhésion" à Dieu, aurait traduit St François de Sales, dans ce "frémissement" de Dieu toujours ressenti.

"Il n'y a pas de crainte dans l'amour, disait encore St Jean. Au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour" (I Jn 4.18).

La crainte c'est la "reverentia" (révérence), l'"obsequium" (soumission, obéissance) inspirés par le Sacré : l'âme pleine de révérence et de sujetion devant la Majesté divine est comme anxieuse de lui rendre l'honneur et le service qui lui sont dûs. Autrement dit, crandre Dieu, c'est le glorifier : "Craignez Dieu et glorifiez-le" (Apoc 14.7). Glorifier Dieu ! N'est-ce pas la vocation de tout baptisé, et, a fortiori, de toute vie consacrée ?

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