vendredi 25 septembre 2009

Silence et vie intérieure - T.O. 25 imp. Vendredi - (Ag 1,15 – 2,9)

Ceux et celles qui prient avec l’office du "Temps présent", ont lu hier soir ou ce matin la vision grandiose dans laquelle Ezéchiel entrevit la restauration future d’Israël : Dieu qui fait sa rentrée solennellement dans son Temple. Et le peuple ressuscité se structure autour de cette présence de Dieu, revenu demeurer avec son peuple. Toujours avec une très grande imagination, le prophète Ezéchiel décrit ce retour. Il est emmené sur une haute montagne pour contempler le retour de Dieu afin de raconter à la Maison d’Israël ce dont il a été le témoin : “Il me conduisit vers la porte qui est tournée vers l’Orient….. et la Gloire du Seigneur entra dans le Temple, par la porte qui fait face à l l’Orient …, et j’entendis qu’on me parlait depuis le Temple … ‘Fils d’homme, c’est l’emplacement de mon trône, c’est là que j’habiterai, au milieu des fils d’Israël pour toujours’“.

Avec la lecture du prophète Aggée, nous passons de cette vision grandiose, à la réalité : c’est le calendrier qui tout d’abord est révélateur. Rappelons quelques dates. En 538, avec l’édit de Cyrus, une minorité d’exilés revient et, dans sa ferveur, reprend le culte dans les ruines du Temple qu’on n’a pu encore commencer de restaurer. Mais le zèle se refroidit assez rapidement devant les difficultés rencontrées ; et les préoccupations matérielles l’emportèrent sur le souci de la reconstruction du Temple, qui avait motivé principalement le retour. Nous avons vu cela déjà.

Aujourd’hui, nous assistons, une petite vingtaine d’années après, à un réveil, à une remise en place de la hiérarchie des valeurs ; et, sous le règne de Darius, vers 520, sous l’impulsion du prophète Aggée, du gouverneur Zorobabel et du grand prêtre Josué, la construction du Temple est reprise et mener à bon terme en 4 ans et 6 mois. C’est la tribu de Juda qui fait cette œuvre, surtout.

Juda n’est alors qu’un infime canton dans l’immense empire Perse, et la réalisation du deuxième Temple est si dérisoire que les anciens qui ont gardé le souvenir des splendeurs du Temple salomonien ne peuvent s’empêcher de pleurer. Le Saint des saints de ce Temple est vide, l’arche ayant disparu.

De l’achèvement de ce second temple à l’avènement du Christ, cinq siècles s’écoulent. (Transposons dans l’histoire de France : 5 siècles, c’est ce qui sépare l’époque de Jeanne d’Arc 1430 à la guerre franco-allemande de 1870). Dans la Bible, de ces 5 siècles, on n’a presque rien, entre l’époque du retour et le livre des Macchabées. Pas d’écrits… Les prophètes se taisent pratiquement. “On dirait“, dit un historien (Daniel Rops), “que les rédacteurs bibliques ont voulu marquer, par ce silence, qu’en ces années d’attente, il faille considérer, plutôt que les évènements, la vie intérieure du peuple élu

Et puis, on ne peut s’empêcher cette réflexion : quel contraste avec le monde environnant : les conquêtes d’Alexandre, l’Empire hellénistique, Et Rome à l’horizon….

Au milieu de tout cela, Israël est comme un tout petit îlot de certitudes, qu’il préserve dans une résistance farouche. Comme il est écrit par exemple, dans le libre d’Esther : “Aman put en effet constater que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui ni ne se prosternait“ ( Es 3, 5).

C’est dans ce silence de cinq siècles que la Bible a pris la forme dans laquelle nous la possédons actuellement, l’héritage le plus précieux que nous avons sans cesse à redécouvrir : pour notre “vie intérieure“, en essayant, nous aussi, de ne pas fléchir le genou devant les idoles de ce monde.

Ainsi, du 5ème au 1er siècle avant J.C., se poursuit un grand travail rédactionnel en Babylonie, à Jérusalem, à Alexandrie. Et se dégage le caractère progressif d’un enseignement divin ! C’est un long temps de mise en forme des écrits, un long temps de grand recueillement, de méditation. Dieu éduque l’humanité, le peuple élu, et, à travers lui, toute l’humanité. Non par des théories théologiques, mais, par une méditation sur le vécu de l’histoire dans une perspective surnaturelle.

On ne méditera jamais assez sur ce contraste d’une petite communauté, un tout petit “reste“ pour parler comme les prophètes, et la fermentation qu’il crée dans l’univers. Un reste qui va se rétrécissant jusqu’à ce que tout s’accomplisse dans une Personne, la Personne du Verbe Incarné, mort et ressuscité, en qui le monde entier est appelé à se retrouver, à “se récapituler“, comme dit St Paul.

Retenons cette leçon de cinq siècles : "Dieu ne parle pas avec ceux qui se tiennent à l’extérieur d’eux-mêmes", disait St Bernard.

“Mon Dieu, écrivait déjà St Augustin, je te cherchais dehors… ; et tu étais dedans !“.

“Ce qui m’importe avant tout, dira dans le même sens Thérèse d’Avila, c’est d’entrer en nous-mêmes pour y rester seul avec Dieu“. Comme les apôtres avec la vision de la Transfiguration : “Ils ne virent plus que Jésus seul !“. Et cela n’est pas de l’égoïsme spirituel, car “habiter avec soi-même, c’est la première réconciliation qui permet toutes les autres“.

Et en voulant ce lieu de prière, en cette chapelle de la Visitation, notre évêque souscrirait à ce que Claudel écrivait : “Le grand besoin de l’homme contemporain est la prière, la vie intérieure, la reprise à tout prix des relations avec Dieu. Nous mourons tous de faim et de soif !“.

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