jeudi 3 septembre 2009

L’intelligence - T.O. 22 imp. Jeudi - (Col. 1. 9-14)

Un mot revient avec insistance dans l’épître d’aujourd’hui, le mot “connaissance“ (gnosin – epignosiv) :“Nous demandons à Dieu de vous combler de la vraie connaissance de sa volonté en toute sagesse et intelligence spirituelle. … Ainsi vous porterez du fruit et vous progresserez dans la vraie connaissance de Dieu“.

Beaucoup de commentateurs se réfèrent à ce qu’on appelait à l’époque la gnose. Paul lutterait contre l’ambiance qui régnait alors en Asie mineure, particulièrement dans cette Phrygie qui était la terre d’élection des enthousiasmes mystiques et des spéculations fuligineuses (1). On invoquait facilement des “esprits“ célestes à qui on attribuait un rôle important dans le gouvernement, tant physique que moral, du monde. Dans ces invocations, il y avait beaucoup d’imaginations vaines et de pratiques plus ou moins magiques. Il me semble que ces invocations et leurs pratiques curieuses sont de tous les temps et de tous les pays !

Paul parle de fait à des païens qui baignaient dans cette atmosphère intellectuelle assez malsaine. Il y avait aussi dans la région beaucoup de juifs, juifs d’avant le judaïsme “orthodoxe“ qui est né par la suite lorsque domina le seul courant pharisien. D’ailleurs, parmi les juifs que rencontre St Paul en Asie, autour d’Ephèse, il y en a qui, eux aussi, sont contaminés par la gnose païenne. Apparaissait ainsi un judaïsme syncrétiste qui professait un intérêt spécial pour les hiérarchies angéliques, un judaïsme plus ou moins hétérodoxe, dont les courants divers subissaient l’influence de la philosophie grecque et des religions asiatiques.

Mais on aurait tord de penser que l’épître aux Colossiens est un écrit polémique, uniquement occupé à lutter contre des idées et pratiques nuisibles.

Parmi les meilleurs commentateurs, le P. Benoît (2) pense que Paul aurait plutôt tiré parti des conceptions de son temps à l’endroit où il se trouvait. Il les purifie plus qu’il ne les combat - et c’est toujours mieux ainsi quand c’est possible - ; et il exprime la pure doctrine chrétienne dans le cadre de la pensée ambiante. Il n’y a rien de vraiment polémique quand il parle de toutes ces spéculations qui lui paraissent somme toute assez dérisoires. Il ne perd pas son temps à préciser clairement le caractère moral - bon ou mauvais, - angélique ou démoniaque - des esprits célestes dont on parlait beaucoup autour de lui. Il ne les mentionne que pour les traverser et aller droit à l’essentiel, à ce qui lui tient le plus à cœur. Il s’agit pour lui de maintenir à travers tout ce fatras de spéculations, la primauté absolue du Christ. Il est préoccupé avant tout de ne pas laisser compromettre cette primauté absolue du Christ par toutes ces puissances fantomatiques que vénérait le monde ancien, juif ou païen.

Demain nous l’entendrons parler encore plus longuement de cette suprématie du Christ Jésus, Seigneur sur tout l’univers. Sa lettre aux Colossiens va prendre une dimension cosmique.

Pour aujourd’hui, retenons cette invitation qui nous sollicite à réfléchir sur l’importance de la connaissance. Nous vivons dans une époque qui n’est pas sans analogie avec celle de St Paul en Asie. Nous avons besoin d’une part de fortifier notre connaissance en la purifiant et d’autre part de retrouver la primauté du Christ. C’est la vraie connaissance qui doit éclipser toutes celles que nous glanons à droite et à gauche. - Ne méprisons rien, dira par ailleurs l’apôtre, sauf le mal ! -. Il est bon de nous intéresser à ce tout ce qui est proposé partout dans le monde actuel ; mais profitons de la faculté de discernement qui nous est donnée par l’Esprit Saint pour accéder à la vraie connaissance. “Aussi, dira l’apôtre, j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié“… de sorte que vous puissiez vous rendre compte que “ma parole et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l’Esprit (c’est lui qui la dispense), afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu“. (1 Co 2.6).

Sans mépriser quoi que ce soit, ne négligeons surtout pas cette vraie connaissance si nécessaire pour naviguer dans l’existence.

Il faut être encore plus soucieux de la santé de son intelligence que de celle de son corps. Sinon, on risque trop d’être comme un “navire sans boussole ni gouvernail…“.

  1. Rûmî, ce mystique musulman (13ème s.) est de cette région (Konya - Iconium ancien). Son nom est intimement lié à l'ordre des “derviches tourneurs“ qu’il fonda. A remarquer aussi qu’il reprit à son compte les fables d’Esope dans son principal ouvrage (le “Masnavi), que La Fontaine retraduira partiellement à son tour en français. Reconnu de son vivant comme un saint, Rûmî avait des prises de position assez novatrices par rapport au pouvoir politique et au dogme musulman. Il aimait à fréquenter les Chrétiens et les Juifs tout autant que ses frères en religion.
  2. cf. Introduction faite dans la 1ère édition en fascicules de la BdJ.

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