jeudi 9 avril 2009

Le lavement des pieds – Jeudi Saint

L’heure est venue pour Jésus de passer de ce monde à son Père. Il le sait : sorti de Dieu, il s'en retourne maintenant à lui. La “descente“ vertigineuse d'auprès de son Père jusque dans l'humanité, comme le soulignera si bien St Paul, cet extraordinaire abaissement de Dieu, est sur le point de prendre fin. Il amorce déjà sa “remontée“. Mais non pas sans que Jésus ait eu à traverser le point le plus bas de cet abaissement humain : la mort, extrême faiblesse de l'homme où Dieu vient le rejoindre.

Avant d'en arriver là, et pour préparer ses disciples encore ignorants de ce qui les attend dans les heures à venir, Jésus leur donne un signe prémonitoire, comme un sacrement de ce parcours pascal qu'il est sur le point d'achever : il se met à laver les pieds de ses disciples. Lui, le Maître et le Seigneur, prend la place du serviteur, à genoux devant ses frères. Il s'abaisse jusque-là.

Plus bas, il ne le pouvait pas. Car c’est un geste incompréhensible pour une sensibilité juive. Pierre proteste, refuse : “Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais !”. La fierté, la générosité de Pierre achoppent à ce signe, véritable pierre de scandale. Non, Jésus ne peut pas aller jusque-là ! Ce Messie vise trop bas ! Si bas que, au moment le plus crucial de la destinée de Jésus où ce dernier va entrer dans sa Pâque préfigurée par ce geste d'humilité, ses disciples, dans la personne de leur chef, Pierre, refusent le cérémonial du serviteur et empêcheraient même le Christ d'avancer plus avant.

Déjà, lorsque Jésus avait pour la première fois annoncé sa mort, Pierre avait tout aussi violemment protesté. Aujourd'hui, plusieurs semaines plus tard, il en est toujours là, prêt à s'opposer à la Pâque de Jésus. “Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant, lui réplique Jésus, plus tard tu le comprendras”. Il l'en excuse presque.

Arrivé à ce point, Jésus ne peut pas se laisser contraindre par le refus de Pierre. Il doit passer outre. Sa Pâque va jusque-là, jusqu'à cet extrême abaissement, même si personne ne le comprend. Et Pierre, bon gré mal gré, devra le suivre jusque-là. C'est le sens de la réponse de Jésus : “Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi.”. L’abaissement est le passage obligé qui seul rend possible la promesse d'avoir part avec Jésus. L’abaissement est le lieu du partage avec Jésus.

En effet, l'abaissement, la faiblesse, le péché n'étaient pas, au point de départ, la part de Jésus. Ils étaient notre part. Mais Jésus est venu les partager avec nous. S'il s'agenouille devant Pierre pour lui laver les pieds, c'est précisément pour lui signifier qu'il veut s'abaisser jusque-là, jusqu’à nous pécheurs, partager notre condition. Même s'il pense le contraire, Pierre - et nous avec lui - a bel et bien besoin qu'on lui lave les pieds. Jésus veut s’abaisser jusqu’à l’homme pécheur, partager sa condition… pour le relever.

“Tu n'auras pas de part avec moi”, ces paroles suffisent pour que Pierre change d'attitude sur-le-champ. N'avoir pas de part avec Jésus ! C'est impensable, se dit-il. Mais, a-t-il vraiment compris ce que Jésus voulait lui dire par là ? Non, sans doute : “plus tard, tu comprendras”, lui dit Jésus. Plus tard, c'est-à-dire d'ici quelques heures, lorsque Pierre aura lamentablement renié son Maître. Car il lui faudra encore cette chute et l'évidence criante de sa misère, pour que Pierre puisse vraiment rejoindre Jésus là où celui-ci l'attend depuis toujours, c'est-à-dire : au creux de cet abaissement et de cette pauvreté qui sont le lot de Pierre et qu'il avait mis toute une vie à préférer ignorer. Et pour qu'il puisse enfin dire en toute vérité : “Alors, lave-moi, Seigneur, et pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête”.

Oui, c’est souvent et même toujours dans notre faiblesse et jusque dans le mal que le Christ nous rejoints !

Aucun commentaire: