vendredi 3 avril 2009

La Vengeance de Dieu…. ! - Carême 5. - Vendredi - (Jér. 20.10sv)

Dans la lecture d’aujourd’hui, il y a une belle prière, me semble-t-il, celle du prophète Jérémie. “Nous ne savons pas prier“, disons-nous. Alors pourquoi ne pas méditer les formules de tous ces priants à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui (Jean-Paul II, Benoît XVI et tant d’autres…) ?

Suivons Jérémie aujourd’hui :

- “Seigneur, Dieu de l’Univers…“, Toi qui as créé toutes choses et qui les maintiens dans l’existence, Toi qui as révélé ton “Nom“ à Moïse, en lui disant “JE SUIS“, sans toi, rien ne pourrait subsister… en ce moment même… ! – Jérémie exprime déjà ce que nous disons le dimanche : “Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre…“ : “Créateur de l’Univers“ hier, aujourd’hui et demain… ! C’est l’acte de FOI de Jérémie.

- “Toi qui examines avec justice“, parce que tu es le Juste qui ne cesses d’“ajuster“ toutes choses à toi… “Toi qui scrutes les reins et les cœurs“, qui sais ce qu’il y a dans le cœur de l’homme (Ce n’est pas ce qui entre dans le cœur qui souille l’homme ; c’est ce qui en sort, dira Notre Seigneur). – L’acte de foi de Jérémie se traduit en un acte de confiance totale

- “C’est à toi que je j’ai remis ma cause…“. Je m’en remets à toi. C’est toi qui es ma Force, mon Défenseur, mon Protecteur… Avec toi, je ne crains rien, je suis déjà sauvé… ! Après la foi pleine de confiance, c’est un acte d’espérance que pose Jérémie, le grand souffrant, figure du Souffrant sur la croix…

- “Que je puisse voir la vengeance que tu vas tirer de ces gens-là !“. – Du coup, vous allez dire : ce n’est pas l’acte de charité que l’on attendait !

Apparemment, c’est vrai !

Mais il faut dire que la Bible reflète une théologie morale qui avance pas à pas dans l’éducation de l’homme ! Au seuil de l’humanité, c’était la vengeance absolue : “Si l’on tue Caïn, il sera vengé sept fois“, c’est-à-dire une multitude de fois, ce qu’un certain “Monsieur Lamek“ saura bien interpréter : “J’ai tué un homme pour une blessure… Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lamek, soixante-dix-sept fois !“ (Gen 4.23).

Mais l’éducation de l’homme dans sa fréquentation avec un Dieu “de tendresse et de miséricorde“ se fera avec plus de retenue : ce sera la “Loi du talion“ : “œil pour œil, dent pour dent…“ (Cf. Ex. 21).

Cette éducation du cœur de l’homme se poursuivra à partir des prophètes qui révèlent un Dieu qui pardonne à son peuple, jusqu’au Christ qui enseignera : “Je ne te dis pas de pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois !“. C’est l’inversion totale de la vengeance demandée pour Caïn et Lamek. Et St Paul notera : “Laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : « A moi la vengeance ! C’est moi qui rétribuerai ! »“. Et il l’a fait en envoyant son Fils qui “de riche qu’il était s’est fait pauvre pour que dans sa pauvreté vous deveniez riches“ (II Co. 8.9). Dieu ne se venge que par l’Amour ! A un excès du mal, il répond par un excès d’amour ! Voilà la vengeance de Dieu !

Mais les étapes de cette éducation du cœur de l’homme que l’on constate tout au long de l’histoire biblique sont malheureusement contemporaines, toutes à la fois ! Il suffit d’ouvrir la télévision pour s’en rendre compte. Tout à tour nous entendons soit l’exclamation de Lamak : une vengeance absolue, soit la plainte de Jérémie qui s’en remet à Dieu pour être vengé, soit - malheureusement plus rarement encore - un appel à la vengeance de l’amour !

Je n’ai pas compris grand-chose à la pensée de Freud et à la “psychologie des profondeurs“ (et pour cause : je ne les ai guère étudiées !). Ce que j’ai simplement retenu, c’est qu’il y a en chacun de nous des étapes de l’évolution humaine jugées comme “anachroniques“ et qui, pourtant, sont encore contemporaines. Il y a encore des comportements “anachroniques“ qui montent de l’inconscient de l’homme, paraît-il, et qui viennent contredire les expressions conscientes d’un idéal possible : “Aimez-vous comme je vous ai aimés !“.

Et dès lors, je comprends mieux cette réflexion d’un prêtre brésilien qui disait : “Il ne faut surtout pas supprimer de la Bible (et du psautier en particulier) ces cris contre l’injustice, ces appels à la vengeance. Je les reçois comme une prière au nom de tous ces gens qui reçoivent des menaces de mort et qui vont parfois se faire tuer parce qu’ils défendent la justice“. C’est vrai : il ne faut pas prier seulement “en écrémant le sublime, si je puis dire ! La Bible doit être une lecture “existentielle“ de toute l’humanité telle qu’elle est aujourd’hui - avec tous les niveaux du cœur humain, avec toutes les étapes de l’éducation de son cœur -. Et le Christ vient aujourd’hui encore sauver l’homme tel qu’il est ! D’ailleurs, le Christ, en bon Juif, a dû lire des expressions comme celle de Jérémie et les faire siennes dans sa prière !

Tout cela pour vous dire que je n’ai pas honte de reprendre les expressions comme celle de Jérémie. La Bible, finalement, est un grand filet qui ramasse l’humanité - actuellement encore - là où elle en est et comme est, pour l’encourager à dépasser les étapes dites “anachroniques“ et qui sont malheureusement encore actuelles pour la diriger vers la vengeance de Dieu : celle de l’Amour !

Voilà comment, me semble-t-il, il faut lire certaines histoires un peu scabreuses ou certaines expressions très dures de la Bible. Elles sont encore - malheureusement - si actuelles ! C’est à nous de “christianiser“ toutes ces histoires et ces expressions dites “anachroniques“ et pourtant d’actualité !

En méditant devant le Christ crucifié, ces jours prochains, nous pourrons contempler toutes les “scories“ de notre humanité contemporaine que le Christ - avec nous-mêmes qui faisons partie de son Corps - veut purifier par sa “vengeance d’amour“ !

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