5e
Dim. Ord. 16/C - Vocation !
La liturgie de ce 5ème dimanche
du T.O. est une méditation sur la vocation, celle d’Isaïe, des apôtres, celle
de chacun de nous..., car nul baptisé n’en est exclu.
Et personnellement, j’aime beaucoup
l’histoire de la vocation du prophète Isaïe dont il est question dans la
première lecture.
Isaïe entre dans le temple comme nous
entrons dans cette chapelle, dans une église, le dimanche. Il n’y allait pas
pour chercher un mandat de prophète ! Pas plus que nous une mission précise.
Mais la splendide liturgie du temple lui fait entrevoir - est-ce une réelle
vision, peu importe - non pas tant la gloire de Dieu que sa sainteté.
Les lèvres des anges - des séraphins - proclament : “Saint, Saint, Saint, le Seigneur !”
Et cette solennelle proclamation lui fait
prendre conscience, comme “a contrario”, - première constatation
importante ! - de son impureté à lui : “Malheur à moi ; je suis un homme aux lèvres impures !”.
Entendant les séraphins, il prend conscience que l’usage qu’il fait de ses
lèvres n’a aucun rapport avec l’usage que ces séraphins font de leurs lèvres.
Or ce qui sort des lèvres sort du cœur, n'est-ce pas ; on ne le sait que trop !
Autrement dit, face aux séraphins, Isaïe
sent que son langage sort d'un cœur entièrement profane et donc impur. Sinon,
il aurait proclamé, lui aussi, que la terre est inondée de la gloire du
Seigneur. Mais son cœur, ses lèvres sont comme monopolisés par des projets
purement humains et secondaires qui ne s’accordent nullement à la confession de
la sainteté du Seigneur qui occupe l’activité des séraphins.
C’est la première étape de toute
vocation : la prise de conscience de la sainteté de Dieu. Et c’est
en même temps une confession de sa condition de pécheur.
Avant, tout allait bien ! Isaïe n’avait pas
de motifs pour sentir comme "inauthentique", si je puis dire, l’usage
qu’il faisait de ses lèvres, de son langage, de son cœur, de sa vie. Mais
maintenant qu’il a vu, il a conscience qu’il est habité par des projets qui
sont sans aucun rapport avec ce qu’expriment les séraphins.
Donc il se désavoue, se condamne, se
découvre perdu. “Malheur à moi !” Et - fait extraordinaire - c’est à ce moment
précis, justement, qu’un séraphin va intervenir pour le consacrer, lui
fait découvrir sa vocation.
En toute vocation authentique, il y a
toujours ces deux phases : la phase de l’“abattage de l’arbre”, si
je puis dire, et la phase de la naissance du surgeon. Ou si l’on veut,
le passage de la mort à la vie, ce mystère pascal qu’actualise
l’Eucharistie.
Ainsi, pour Isaïe, Dieu est un feu, un
feu brûlant qui consume ce qui n’est pas en accord avec sa sainteté. Il se
sent "brûlé" en quelque sorte parce qu’il se voit
"combustible" en tant qu’il se voit profane, impur !
Alors un séraphin - dont le nom signifie
“flambant”, “être de feu” - s’approche. Or cet “être de feu” - ce séraphin – a
besoin, lui-même, de se voiler le visage devant la gloire du Seigneur (Is 6.2).
C’est dire que Dieu est un être de feu (de sainteté) à puissance infini. Aussi
va-t-il prendre une braise du feu divin avec des pincettes et l’approcher des
lèvres d’Isaïe qui vont en être purifiées : “Ceci a touché tes lèvres, ta faute est pardonnée, enlevée !”.
Isaïe passe - c’est sa Pâques - d’un
être aux lèvres impures qui, de ce fait, le condamnaient, à un être dont
les lèvres sont consacrées. Il a fallu cette constatation du profane, de
l’impur pour qu’il puisse “passer” à la consécration. Isaïe n’est plus un homme
aux dimensions purement horizontales, mais il se dresse dans une consécration
verticale.
Et alors, au moment précis où les lèvres
d’Isaïe sont consacrées, c’est à ce moment que ses oreilles peuvent entendre
la voix du Seigneur.
Tout se passe comme si la voix du Seigneur
appelait depuis un temps fou. Mais tous les hommes avaient les lèvres tellement
sales qu’ils avaient également les oreilles bouchées, “incirconcises”, leur
cœur étant habité par des projets qui n’étaient absolument pas en harmonie avec
ceux du Seigneur. Des hommes aux lèvres impures ne peuvent entendre la voix
du Seigneur et encore moins lui répondre ! Mais quand l’un d’eux
constate que ses lèvres sont impures et qu’il crie son impureté : “Malheur à moi !” -, alors, à ce
moment-là, le feu du Seigneur le consacre. Et non seulement il peut entendre la
voix du Seigneur, mais il se veut soudainement solidaire de cette Parole divine
qu’il va, lui aussi, proclamer. Il s’écrie alors : “Envoie-moi !”.
La Parole du Seigneur résonnait depuis
toujours. Et personne ne disait : “Envoie-moi !”,
parce que personne n’arrivait à être sur la même longueur d’onde de cette
Parole divine. Et soudain, Isaïe s’y trouve accordé. Alors il entend et il
répond. Isaïe n’a plus la solidarité d’avant, cette solidarité de la
crainte de la mort ; désormais il survit dans la consécration !
Et le Seigneur peut lui annoncer alors l’efficacité
de sa Parole divine qu’il reçoit, cette Parole qu’il va aller proclamer
désormais. Cette Parole sera un travail d’élagage, d’abattage de
l’arbre - de cet arbre qu'est le peuple d’Israël, le peuple de Dieu -, pour
que la souche devienne souche sainte. C’est toujours le mystère pascal
de mort et de vie.
Et c’est ce que rappelle également St
Paul dans la seconde lecture. Lui aussi s’est senti pécheur, inadapté à la
gloire de Dieu. Il se traite même d’avorton. Mais ce qu’il est devenu, c’est
par la grâce de Dieu - feu qui purifie et édifie tout à la fois -. Et désormais
il ne fait que rappeler la “Bonne Nouvelle” : Le Christ est
mort, mais il est ressuscité. Voilà son unique message, dit-il, la seule
réalité qu’il faut s’appliquer à soi-même, “qu’il
s’agisse de moi ou des autres”, dit-il.
Et l’évangile ne fait que reprendre cette
pédagogie divine pour toute mission. “Eloigne-toi
de moi, Seigneur, dit Pierre, car
je suis un homme pécheur !". Et c’est à ce moment que Jésus le consacre
pour lui confier la barque de son Eglise.
La Parole du Seigneur ne cesse de crier
depuis toujours : “Qui
enverrai-je ?”. Cette Parole est transmise par les Evangiles, par
l’Eglise, par les sacrements. Cette Parole se fait encore entendre à travers
les événements et nos diverses rencontres.
Oui, dans toute vie, il y a des moments
privilégiés où Dieu surgit, bouscule, dérange, bouleverse, purifie comme un
feu. C’est alors qu’il faut d’abord reconnaître sa pauvreté, son
indignité, son impureté, comme Isaïe, Paul et tant d’autres : “Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres
impures”. Et c’est à ce moment que le Seigneur intervient et consacre.
C’est quand je suis faible que je suis fort, dira St Paul, que la force du
Christ habite ma faiblesse.
Et l’on ne cesse d’entendre alors : “Qui enverrai-je ?” - Une voix ne
cesse de murmurer, insistante : “Avance
au large et jette le filet !”
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire