dimanche 7 février 2016

Vocation !

5e Dim. Ord. 16/C - Vocation !

La liturgie de ce 5ème dimanche du T.O. est une méditation sur la vocation, celle d’Isaïe, des apôtres, celle de chacun de nous..., car nul baptisé n’en est exclu.

Et personnellement, j’aime beaucoup l’histoire de la vocation du prophète Isaïe dont il est question dans la première lecture.

Isaïe entre dans le temple comme nous entrons dans cette chapelle, dans une église, le dimanche. Il n’y allait pas pour chercher un mandat de prophète ! Pas plus que nous une mission précise. Mais la splendide liturgie du temple lui fait entrevoir - est-ce une réelle vision, peu importe - non pas tant la gloire de Dieu que sa sainteté. Les lèvres des anges - des séraphins - proclament : “Saint, Saint, Saint, le Seigneur !”

Et cette solennelle proclamation lui fait prendre conscience, comme “a contrario”, - première constatation importante ! - de son impureté à lui : “Malheur à moi ; je suis un homme aux lèvres impures !”. Entendant les séraphins, il prend conscience que l’usage qu’il fait de ses lèvres n’a aucun rapport avec l’usage que ces séraphins font de leurs lèvres. Or ce qui sort des lèvres sort du cœur, n'est-ce pas ; on ne le sait que trop !
Autrement dit, face aux séraphins, Isaïe sent que son langage sort d'un cœur entièrement profane et donc impur. Sinon, il aurait proclamé, lui aussi, que la terre est inondée de la gloire du Seigneur. Mais son cœur, ses lèvres sont comme monopolisés par des projets purement humains et secondaires qui ne s’accordent nullement à la confession de la sainteté du Seigneur qui occupe l’activité des séraphins.

C’est la première étape de toute vocation : la prise de conscience de la sainteté de Dieu. Et c’est en même temps une confession de sa condition de pécheur.
Avant, tout allait bien ! Isaïe n’avait pas de motifs pour sentir comme "inauthentique", si je puis dire, l’usage qu’il faisait de ses lèvres, de son langage, de son cœur, de sa vie. Mais maintenant qu’il a vu, il a conscience qu’il est habité par des projets qui sont sans aucun rapport avec ce qu’expriment les séraphins.

Donc il se désavoue, se condamne, se découvre perdu. “Malheur à moi !”  Et - fait extraordinaire - c’est à ce moment précis, justement, qu’un séraphin va intervenir pour le consacrer, lui fait découvrir sa vocation.
En toute vocation authentique, il y a toujours ces deux phases : la phase de l’“abattage de l’arbre”, si je puis dire, et la phase de la naissance du surgeon. Ou si l’on veut, le passage de la mort à la vie, ce mystère pascal qu’actualise l’Eucharistie.

Ainsi, pour Isaïe, Dieu est un feu, un feu brûlant qui consume ce qui n’est pas en accord avec sa sainteté. Il se sent "brûlé" en quelque sorte parce qu’il se voit "combustible" en tant qu’il se voit profane, impur !
Alors un séraphin - dont le nom signifie “flambant”, “être de feu” - s’approche. Or cet “être de feu” - ce séraphin – a besoin, lui-même, de se voiler le visage devant la gloire du Seigneur (Is 6.2). C’est dire que Dieu est un être de feu (de sainteté) à puissance infini. Aussi va-t-il prendre une braise du feu divin avec des pincettes et l’approcher des lèvres d’Isaïe qui vont en être purifiées : “Ceci a touché tes lèvres, ta faute est pardonnée, enlevée !”.

Isaïe passe - c’est sa Pâques - d’un être aux lèvres impures qui, de ce fait, le condamnaient, à un être dont les lèvres sont consacrées. Il a fallu cette constatation du profane, de l’impur pour qu’il puisse “passer” à la consécration. Isaïe n’est plus un homme aux dimensions purement horizontales, mais il se dresse dans une consécration verticale.

Et alors, au moment précis où les lèvres d’Isaïe sont consacrées, c’est à ce moment que ses oreilles peuvent entendre la voix du Seigneur.
Tout se passe comme si la voix du Seigneur appelait depuis un temps fou. Mais tous les hommes avaient les lèvres tellement sales qu’ils avaient également les oreilles bouchées, “incirconcises”, leur cœur étant habité par des projets qui n’étaient absolument pas en harmonie avec ceux du Seigneur. Des hommes aux lèvres impures ne peuvent entendre la voix du Seigneur et encore moins lui répondre ! Mais quand l’un d’eux constate que ses lèvres sont impures et qu’il crie son impureté : “Malheur à moi !” -, alors, à ce moment-là, le feu du Seigneur le consacre. Et non seulement il peut entendre la voix du Seigneur, mais il se veut soudainement solidaire de cette Parole divine qu’il va, lui aussi, proclamer. Il s’écrie alors : “Envoie-moi !”.

La Parole du Seigneur résonnait depuis toujours. Et personne ne disait : “Envoie-moi !”, parce que personne n’arrivait à être sur la même longueur d’onde de cette Parole divine. Et soudain, Isaïe s’y trouve accordé. Alors il entend et il répond. Isaïe n’a plus la solidarité d’avant, cette solidarité de la crainte de la mort ; désormais il survit dans la consécration !

Et le Seigneur peut lui annoncer alors l’efficacité de sa Parole divine qu’il reçoit, cette Parole qu’il va aller proclamer désormais. Cette Parole sera un travail d’élagage, d’abattage de l’arbre - de cet arbre qu'est le peuple d’Israël, le peuple de Dieu -, pour que la souche devienne souche sainte. C’est toujours le mystère pascal de mort et de vie.

Et c’est ce que rappelle également St Paul dans la seconde lecture. Lui aussi s’est senti pécheur, inadapté à la gloire de Dieu. Il se traite même d’avorton. Mais ce qu’il est devenu, c’est par la grâce de Dieu - feu qui purifie et édifie tout à la fois -. Et désormais il ne fait que rappeler la “Bonne Nouvelle” : Le Christ est mort, mais il est ressuscité. Voilà son unique message, dit-il, la seule réalité qu’il faut s’appliquer à soi-même, “qu’il s’agisse de moi ou des autres”, dit-il.

Et l’évangile ne fait que reprendre cette pédagogie divine pour toute mission. “Eloigne-toi de moi, Seigneur, dit Pierre, car je suis un homme pécheur !". Et c’est à ce moment que Jésus le consacre pour lui confier la barque de son Eglise.

La Parole du Seigneur ne cesse de crier depuis toujours : “Qui enverrai-je ?”. Cette Parole est transmise par les Evangiles, par l’Eglise, par les sacrements. Cette Parole se fait encore entendre à travers les événements et nos diverses rencontres.

Oui, dans toute vie, il y a des moments privilégiés où Dieu surgit, bouscule, dérange, bouleverse, purifie comme un feu. C’est alors qu’il faut d’abord reconnaître sa pauvreté, son indignité, son impureté, comme Isaïe, Paul et tant d’autres : “Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres impures”. Et c’est à ce moment que le Seigneur intervient et consacre. C’est quand je suis faible que je suis fort, dira St Paul, que la force du Christ habite ma faiblesse.

Et l’on ne cesse d’entendre alors : “Qui enverrai-je ?” - Une voix ne cesse de murmurer, insistante : “Avance au large et jette le filet !”

Aucun commentaire: