Epsilon
de carême - Comment prier ? (3) -
Mais alors, si la prière est à ce point
dangereuse,
si elle risque de s'enliser dans un narcissisme
qui s'ignore,
mieux vaut se contenter de vivre, sans
s'aventurer dans ces zones spirituelles où dansent tant de mirages ! Tout le
monde, finalement, ne peut pas faire de l'escalade vers l'oxygène des sommets…
de Dieu !
C'est vrai, mais tous ont besoin
pourtant de respirer pour vivre. Nous savons combien d'hommes aujourd'hui
respirent mal. Le besoin est grand de dilater les respirations de l'homme. Non,
il ne faut pas renoncer à l'aventure de la prière !
Et si l'on donnait à cette fameuse parabole
du pharisien et du publicain un aboutissement heureux ?
On pourrait imaginer : « Le pharisien eut
un frisson soudain et se prosterna la face contre terre en disant : “Seigneur,
aie pitié du pharisien que je suis. Ah ! Je suis bien comme les autres hommes
qui sont si aveugles à regarder vers toi et à regarder leurs frères. Seigneur
que je connais si peu, enlève la poutre de mon œil !”… Puis le pharisien se
releva et descendit au fond du Temple, à côté du publicain, pour partager son
silence et sa prière ».
La trajectoire de la prière, toujours à
refaire, c'est cette courte distance du pharisien au publicain. Il suffit de
quelques pas intérieurs, il suffit de se retourner, il suffit de modifier son
regard. Mais c'est déjà changer d'humanité et changer de Dieu !
La
prière : changer d'humanité.
Changer d'humanité ! Car, en nous-mêmes, trop souvent pharisiens,
que de manières de s'isoler, et de regarder de loin le reste des hommes ! Celui
qui se met à distance des hommes est déjà loin de Dieu.
Prier, c'est d'abord recevoir en soi le
monde entier,
s'avancer vers Dieu avec tous les hommes dans son cœur, se mettre "dans
l'axe de la misère humaine".
Que serait la prière de quelqu'un qui
oublierait
tant de drames sanglants de par le monde,
tant d'injustices et de souffrances à côté
de nous,
tant de grandeur, de fragilité et de misère
dans notre humanité ?
Est-il possible de prier sans entendre sans
cesse la voix de Jésus : "J'ai eu
faim, j'ai eu soif, j'étais malade, j'étais en prison… …! ".
Prier, c'est d'abord être avec tout le
monde. Car Dieu, depuis l'Incarnation, habite la foule des hommes. Prier,
c'est partir en humanité. Et conséquemment peiner ensuite pour changer
l'humanité, autour de nous et en nous.
La
prière : changer de Dieu.
Et c'est aussi changer de Dieu ! Car la manière dont l'homme traite l'homme
atteint Dieu ; et la manière dont l'homme traite Dieu atteint l'homme. Qui
détruit Dieu détruit l'homme ; et qui tue l'homme tue Dieu.
Le pharisien, établi loin des hommes,
dressait devant lui l'image d'un Dieu qui lui ressemblait : Dieu n'était
pour lui qu'un "détour" pour ne pas sortir de lui-même.
Quel Dieu nous donnons-nous lorsque nous
prions ?
Il n'est pas facile de répondre, mais
n'oublions jamais le mot terrible d'un écrivain (Proudhon) : "J'ai cessé de croire en Dieu le jour
où j'ai rencontré un homme meilleur que lui !".
Prendre le sentier de la prière, c'est
percevoir que Dieu est autre que l'image de Lui que nous secrétions nous-mêmes.
Prendre le sentier de la prière, c'est
consentir à la mort du dieu que nous avions habillé de notre propre image.
(Conclusion : à suivre)
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