mercredi 17 février 2016

Prière : Ni moralité ni savoir !

Epsilon de Carême - Comment prier ?  -

Comment prier ? Car, prier, c'est difficile, parce que, a-t-on dit paradoxalement, prier c'est dangereux ! C'est qu'en priant, on prend des risques majeurs : celui de s'isoler des autres, celui de se tromper sur Dieu, celui de gâcher sa vie !

La parabole du pharisien et du publicain le dit à sa façon (Lc 18.9-14).
Vous la connaissez bien, cette parabole. C'est une "parabole de combat" ! On la croit rassurante parce qu'on se range très vite du côté du publicain - non sans pharisaïsme d'ailleurs -, alors que cette parabole est décapante, puisque Jésus a l'audace de déclarer, en quelque sorte, que la prière peut séparer et de Dieu et des autres !

Aujourd'hui encore la force subversive de cette parabole reste intacte. Aussi faut-il y regarder de plus près... "Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L'un était pharisien et l'autre publicain…".

Le premier avait grande allure. Il faisait partie des pharisiens, hommes pieux et exigeants ! Ils étaient des modèles pour les Juifs du temps. C'étaient, pour la grande majorité, des "Justes" !

Mais alors, pourquoi la prière de ce Juste sera-t-elle finalement refusée ?
Aurait-il oublié quelque faute ? La parabole ne le donne nullement à entendre. Pas plus qu'elle n'insinue que le publicain fût meilleur qu'il ne disait. Les données sont claires : le pharisien était un "pur", un vrai ; et le publicain un de ces hommes véreux. C'est clair !
Prier ne suppose donc pas une déclaration de "bonne conduite". Et heureusement ! Pourtant, on entend souvent : “S'il m'arrive tel malheur, c'est que je le mérite sans doute ! - Si je ne suis pas exaucé, c'est que je ne suis pas assez saint !"  - Or, rien n'est plus faux. Ce ne sont pas des bilans de moralité que Jésus confronte, mais deux attitudes à l'abrupt de la prière…
Ainsi donc, premier constat : la prière n'est pas d'abord une question de moralité ! Et heureusement, car, alors personne ne pourrait prier ! Et d'ailleurs, l'une des plus belles prières de la Bible est celle de David après sa faute : le "Miserere" (Ps 50).

De plus, l'un savait prier ; et l'autre ne savait guère. Le pharisien avait une longue expérience de "l'accès à Dieu". On lui avait appris... Il savait, par exemple - ce que nous ignorons si souvent - que toute prière doit commencer par l'action de grâce.

Et faut-il le taxer d'orgueil et de prétention, alors qu'il remercie Dieu - qu'il fait "action de grâce - d'être un honnête homme et qu'il lui présente l'offrande de sa vie ? Ce serait trop facile, et nous serions encore sur le terrain de la morale.

Non, ce n'est pas sur la façon de prier que porte l'accusation de Jésus. Il sait trop bien - lui qui nous a appris le "Notre Père" - il sait que nous ne savons pas prier "comme il faut" !

La prière peut utiliser des "techniques" (recueillement - écouter, ruminer la Parole de Dieu... etc.). Et c'est bien, très bien. Mais il reste que la technique en ce domaine n'y suffit pas, loin s'en faut ! Et heureusement !

La Prière n'est pas d'abord "savoir prier". La faille est plus profonde, plus difficile à déceler. Jésus va y porter le scalpel avec une lucidité inconnue jusqu'à lui.

La prière n'est ni moralité ni savoir ! Qu'est-elle donc ?

(à suivre)

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