MERCREDI DES
CENDRES 2016
"Soit
que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout
pour la gloire de Dieu" : c'était souvent la consigne de St Paul (Cf. 1 Co 10/31). Aux Philippiens, il livre un
des secrets de sa conduite : "Je
sais me priver comme je sais être à l'aise. En tout temps et de toutes
manières, je me suis initié à la satiété comme à la faim, à l'abondance comme
au dénuement". Et il continue en précisant le ressort de toute sa vie
: "Je puis tout en Celui qui me
rend fort". (4/12-13).
"Je
puis tout en Celui qui me rend fort" ! C'est peut-être cette certitude
qu'il faut retenir en ce début de Carême ! L'Eglise a toujours présenté les
quarante jours qui viennent comme des "manœuvres", au sens militaire
de ce mot, pour nous aguerrir dans la lutte contre le démon, pour que le Christ
nous rende forts contre ses attaques multiples. Il s'agit donc d'un
entraînement qui nous rendra plus souples, plus efficaces dans le combat, et non
d'un championnat d'ascèse ni d'un concours de privations matérielles, encore
que l'ascèse et les privations ne soient pas inutiles, bien sûr.
En tous les cas, l'important n'est pas de promettre de nouvelles
primes à la vanité, à l'orgueil naturel, mais "d'offrir à Dieu quelque chose de son propre mouvement, au-delà de
ce qui est prescrit, dans la joie du Saint-Esprit" (St Benoît - Règle ch. 49ème). "Le Règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson,
écrit encore St Paul ‑ aux Romains cette fois ‑, il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint". (Rm 14.17).
Manger, boire ou jeûner - et autre plaisir humain -, c'est égal,
dans la mesure où l'on mange, boit ou jeûne - ou que l'on mène une activité -, non
pour soi, mais pour Dieu, pour montrer au Père dans le secret qu'on l'aime
et que qu'on le préfère à tout, et surtout à soi-même.
Une parole du Seigneur adressée au prophète Zacharie le dit sans
ambages : "Quand vous avez jeûné,
avec des lamentations, au cinquième et au septième mois et cela depuis
soixante-dix ans, ce jeûne, l'avez-vous pratiqué pour moi ? Et quand vous
mangiez et buviez, n'était-ce pas pour vous-mêmes que vous mangiez et buviez ?"
(Za. 7, 5‑6).
Depuis le péché originel, nous sommes naturellement égoïstes,
orgueilleux ; Et l'orgueil aveugle facilement notre discernement
spirituel et de bon sens.
Et pour reprendre l'exemple traditionnel - mais cela s'applique à
bien des activités de notre vie - : quand nous mangeons, mangeons-nous pour
l'amour du Seigneur, selon l'expression du prophète Zacharie ? C'est-à-dire
mangeons-nous pour plus de convivialité entre nous ? Mangeons-nous avec
justesse de façon à mieux servir Dieu et nos frères dans le travail ou
ailleurs. Mangeons-nous en pensant à ceux qui ne mangent pas ?
Autrement dit, quand nous mangeons ou buvons - ou toute autre
activité humaine - le faisons-nous pour notre seul besoin ou plaisir ? Et cette
interrogation, encore une fois, peut s'appliquer à toutes sortes d'activités.
Et St Paul a bien raison de nous enseigner à manger et à boire - à tout faire -
pour la gloire de Dieu et le service de nos frères.
"Est-ce
pour le Seigneur ?". C'est toujours la seule question qui vaille !
Nous le savons bien d'ailleurs, le jeûne, par exemple, peut être
salutaire, à telle enseigne qu'il existe des cliniques où l'on fait à grands
frais une longue cure de diète contrôlée ; mais il faut alors remarquer que l'amour-propre
se nourrit dans le même temps que le poids diminue. En fait, on jeûne pour soi,
heureux de finir le repas commun avant les autres et de publier les kilos
perdus.
C'est alors qu'il nous faut écouter la voix concordante du
Seigneur et chez Zacharie et dans l'Évangile : Quand vous avez jeûné et gémi,
était‑ce pour l'amour de moi, ou pour bien montrer aux hommes, par votre air
abattu, que vous jeûnez et, par votre amincissement visible, que vous avez
jeûné ?
J'ai pris cet exemple du jeûne. Mais comprenons surtout que le temps
de pénitence que nous entreprenons aujourd'hui n'est pas fait pour la
présomption ni pour la vaine gloire : car, on peut travailler, se dévouer
aux autres, à l'Eglise, à Dieu même en vue de notre propre satisfaction et
de notre orgueil qui nous attire à être le centre du monde et à nous
prendre pour Dieu lui-même.
Que les humbles et persévérants retranchements spirituels ou
physiques que le Carême nous invite à offrir à Dieu nous libèrent de cette
satiété orgueilleuse qui nous ferme à lui, et nous ouvrent au désir spirituel
de la sainte Pâque.
Si nous recevons les cendres aujourd'hui, c'est pour que le feu de
l'Esprit réduise nos diverses obésités spirituelles et souffle sur nos
prétentions orgueilleuses, afin qu'en la Vigile pascale nous chantions la
lumière qui nous sera donnée.
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