samedi 27 avril 2013

Voir Dieu au-delà du voile déchiré


Pâques 4 Samedi    -     (Jn 14.7-14)   

“Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi le Père. Dès maintenant, vous le connaissez et vous le voyez !"

VOIR Dieu ! C'est l'appel lancé à Abraham, notre Père dans la foi : "Va vers le pays de Moriah (la racine de ce mot est "raa" : voir), vers le pays de la vision !" pour voir celui qui nous voit sans cesse.
Telle est notre vocation également : répondre comme Abraham. Même au fond de l'absurde, alors que le couteau était déjà sur Isaac, malgré toutes les promesses de Dieu à propos de ce fils unique, Abraham fait l'expérience que Dieu le voit, qu'il est sous le regard de Dieu. C'est comme s'il voyait déjà Celui qui le voit ! "Je sais maintenant, lui est-il dit, que tu crains Dieu", - littéralement, et c'est beaucoup mieux : "je sais que tu frémis d'Elohim !" (Gen 22.12). Frémir de Dieu, n'est-ce pas déjà "voir Dieu" ?

A la suite d'Abraham, nous sommes tous en pèlerinage vers la montagne de Moriah, la montagne de la vision. Nous sommes comme les pèlerins du psaume 84ème qui arrivent enfin à Jérusalem : "Ils marchent de hauteur en hauteur (le mot hébreu peut se traduire : "de muraille en muraille" ou encore - et c'est mieux pour nous ! - "de vertu en vertu"). Et Dieu leur apparaît en Sion !".

C'est l'histoire de toute destinée de ceux qui prennent la route à la recherche de Dieu, pour "voir Dieu". La Sainte Vierge, dans son Magnificat, chante l'accomplissement des "promesses faites à Abraham et à sa descendance pour toujours". Aussi, avec son aide, nous nous mettons en route sans savoir trop où nous allons. Un jour viendra où nous serons, nous aussi, à notre mont "Moriah". Et nous ferons l'expérience - peut-être au fond de l'absurde, car on ne sait pas par où Dieu nous mène - que Dieu ne nous a pas quittés du regard ; nous serons au seuil de cette vision de Celui qui nous voit ; nous le verrons alors comme il nous voit ; nous serons divinisés, dit St Jean avec des mots de même assonance pour mieux le souligner : "nous lui serons semblables - esométha - puisque nous le verrons" - epsométha -. (I Jn 3.2).

Aussi, à la demande de Philippe : "Montre-nous le Père !", Jésus répond : "Qui me voit, voit le Père !". Qui le voit, voit le Père, puisque, comme dit St Paul : "Il est l'image de Dieu invisible !" (Col. 1.15). Et le Christ ressuscité que nous célébrons ces semaines-ci est capable, selon une expression un peu énigmatique du psaume 48ème, de nous mener "al mouth", par de-là, par delà tout, par de-là nos événements apparemment absurdes, par-delà la mort elle-même !

C'est ce qu'exprime, dans un autre contexte, le grand prophète de la foi : “Il a détruit sur cette montagne (Moriah !? - de la vision -) le voile qui voilait tous les peuples… ; il a fait disparaître la mort à jamais…  On dira, en ce jour-là : C'est notre Dieu, en lui nous espérions pour qu'il nous sauve… !" (25.7)

La notion du voile, dans le contexte est fort importante, intéressante. Qu’est-il donc ce voile ?

1. Le voile est signe qu’on ne peut, ici-bas, voir Dieu face à face, et même qu’on ne peut s’approcher de lui véritablement :
- Elie , dès qu'il l'entend le signes de la présence de Dieu - la brise légère -, se voila le visage… (I Rois19:12sv).
- Les hommes pécheurs, sont empêchés de voir véritablement et de comprendre : “car Dieu, leur dit Isaïe, a répandu sur vous un esprit de torpeur, il a fermé vos yeux, il a voilé vos têtes. Et toutes les visions sont devenues pour vous comme les mots d'un livre scellé…" (Is 29:10)
- L’arche de Dieu, dans le désert ou dans le temple à Jérusalem, signe de la présence de Dieu était recouvert d’un voile : "Ainsi, dit Dieu à Moïse, tu dresseras la Demeure… Tu feras un rideau de pourpre… ; et le rideau marquera pour vous la séparation entre le Saint et le Saint des Saints". (Ex 26:30). Et encore : "tu voileras l'arche avec le rideau“. (Ex 40.2).

- Seul Moïse, "en homme qui voit l'invisible", dit la lettre Hébreux (11.27), lors de l'Alliance au Sinaï, parlait à Dieu "face à face" (Ex 33.11) ; Donnant des ordres, il parlait "al pi Adonaï", "sur les lèvres de Dieu" ; il s’approchait de Dieu, lui parlait, recevant un reflet de la Divinité si bien que "les fils d'Israël, rapporte St Paul (2 Co 3.7-8) ne pouvaient fixer les yeux sur le visage de Moïse à cause de la gloire de son visage". Aussi, Moïse mettait un voile sur son visage…. (Cf. Ex 34.35).

C’est le Christ qui enlève tout voile, lui qui avait dit : “Détruisez ce Temple…". Aussi, au moment de sa mort, le voile du temple se déchire pour que tout homme puisse accéder à Dieu, le connaître véritablement et le voir un jour face à face : "Oui, dit encore St Paul, jusqu'à ce jour, toutes les fois qu'on lit l'Ancien Testament, un voile demeure... C'est quand on se convertit au Seigneur que le voile tombe. Car le Seigneur, c'est l'Esprit, et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, allant de gloire en gloire, par le Seigneur, qui est Esprit". (2 Co. 3.8-18)

2. Le voile est donc signe de méconnaissance… et donc de mort. Il est encore signe de souffrance, de deuil.
- Fuyant Absalom, son fils, "David gravissait en pleurant le Mont des Oliviers, la tête voilée et les pieds nus ; et tout le peuple qui l'accompagnait avait la tête voilée et montait en pleurant". (2. Sam. 15.30). Et à la mort d'Absalon, il est dit : "Le roi s'était voilé le visage et poussait de grands cris : "Mon fils Absalom ! Absalom mon fils ! mon fils !"  (2. S 19.5)
- Et Ici, on peut citer encore le livre d'Esther (6.12) : grâce à l'intercession de la jeune fille auprès du roi de l'empire babylonien, le peuple juif est libéré de son persécuteur, Haman, qui "se précipita chez lui, la tête voilée", en signe de sa condamnation et de son exécution...
- Cf. encore Jr 14.3-4     -                             

Ainsi trouve-t-on, chez Isaïe déjà cité (25.8) le signe du voile liée à la mort : Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples… ; il a fait disparaître la mort à jamais…
Il y a dévoilement... !
Le mot “apocalypse” signifie précisément “dévoilement” ; et il est employé à propos des nations dans le cantique de Siméon : "Maintenant…, mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer (littralement "pour le dévoilement - eis apokalupsin") les nations et pour la gloire de ton peuple Israël." (Lc 2:29).

C’est la lettre aux Hébreux, surtout, qui donnera sens au déchirement du voile du temple lors de la mort du Christ en croix :
- "Nous avons pleine assurance d’accéder au sanctuaire (pour voir Dieu !) par le sang de Jésus. Nous avons là une voie nouvelle et vivante qu’il a inaugurée à travers le voile, c’est-à-dire par son humanité…" (Heb 10:19).
- Le Christ, survenu comme grand prêtre des biens à venir, traversant la tente plus grande et plus parfaite qui n'est pas faite de main d'homme, entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle…. Le sang du Christ qui s'est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant". (Heb 9:11)
Une fois pour toutes ! A travers le voile de son humanité !

Aussi, avec l'aide de Marie, confions-nous au Christ qui nous dit sans cesse : Qui me voit - qui croit en moi - voit déjà le Père !

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