vendredi 19 avril 2013

Eucharistie et Présence !


3e semaine de Pâques Vendredi     (Jn 6.52)


Avec l'évangile d'aujourd'hui, nous sommes à la fin de ce que l'on a appelé : "le discours sur le Pain de vie" qui suit le récit de la multiplication des pains, Cette multiplication est à mettre en parallèle avec l'institution de l'Eucharistie, le Jeudi Saint, que Jean ne rapporte pas. Car cette multiplication des pains est le "Signe" par excellence en lequel Jésus se met tout entier comme dans l'Eucharistie en un geste à la fois royal et sacerdotal :
- il prend le pain ("tout est à vous", dira St Paul ; vous êtes rois de la Création)
- il rend grâce ; il fait hommage à Dieu de ce que Dieu donne. Faire "eucharistie" de tout ce que l'on possède, en faire "action de grâce" - geste sacerdotal - doit être au cœur de toute vie chrétienne. C'est simplement savoir dire "Merci" à Dieu !
- et Jésus partage, donne le pain... Il s'agit non d'amasser égoïstement (tentation des Hébreux dans le désert à propos de la manne, tentation toujours actuelle)..., mais de partager, car Dieu n'est que Don de lui-même...

Cette multiplication des pains, on en trouve déjà trace, bien sûr, dans l'Ancien Testament, dans la geste d'Elisée (cf. 2 Rois 4.42-44) et surtout à propos de la manne, ce pain imploré par Moïse et donné par Dieu dans le désert. Jésus en fait lui-même allusion pour signifier que par ce geste de la multiplication des pains, il se révèle le vrai Moïse que Moïse lui-même avait annoncé de la part de Dieu (Cf. Dt 18.18 : "Je susciterai un prophète semblable à toi !").

On peut noter encore que dans Matthieu et Marc, il y a deux récits de multiplications des pains, issus probablement de deux traditions, l'un d'un milieu juif et l'autre d'un milieu païen ; mais les deux récits qui se reflètent pour souligner l'importance du geste de Jésus, à la fois royal et sacerdotal : il prit le pain ; il rendit grâce et le partagea.

Après ce récit, il y a donc le discours sur "le Pain de vie". Jésus veut donner la signification du "Signe" posé : "Je suis le Pain de vie ! Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim", ajoutant : "celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif !", allusion évidente à ce que Jésus avait dit à la Samaritaine : "celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle" (Jn 4.14).

Après le discours, Jésus se sent incompris, même de ses apôtres : "Ne comprenez-vous donc pas ?" (Mc 8.17). C'est que nous, nous pensons trop dans la dimension uniquement horizontale. La pensée de Jésus évolue toujours dans la dimension verticale de signification. Le signifié est pour lui plus important que le signifiant et beaucoup plus réel : le vent, c'est l'Esprit ; les noces, c'est l'Alliance avec Dieu ; l'eau c'est l'eau pure de vie éternelle ("lave-moi tout entier de mon mal", demandait David après sa faute, et j'aurai un cœur pur ; je pourrai alors avoir "la joie de ton salut". Les apôtres raisonnent au plan horizontal ! L'eau, à quoi ça sert ? L'eau c'est H2O : un liquide qui lave et désaltère... Jésus, lui, pense toujours dans la dimension de signification.
Ainsi, d'après Marc, Jésus, incompris et vivement attaqué par les pharisiens, s'éloigne en barque, avec ses apôtres. Il leur dit : "Méfiez-vous du levain des pharisiens !". Et ceux-ci pensant sans doute au bon pain de la multiplication, s'aperçoivent qu'ils n'ont même pas réservé du pain pour le pique-nique, si je puis dire. Un peu agacé, Jésus leur explique : le levain  des pharisiens, c'est une doctrine qui bouche l'intelligence... A un autre moment, Jésus parlera très cruellement de ceux qui ont pris la clef de la science, qui empêchent les autres d'entrer et qui ne sont pas entrés eux-mêmes ! C'est terrible cela !

Mais ne nous moquons pas ! Souvent, nous aussi, nous avons une intelligence au ras des pâquerettes. Alors, lisons et relisons ce discours du "Pain de vie". Ne nous étonnons pas trop des répétitions que fait Jésus. Souvent, il dit, redit : "Je suis le Pain de vie" en ajoutant une nuance pour que notre cœur parvienne à la vérité. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, il toute une pédagogie divine de la répétition. Il ne faut pas en faire l'économie à l'exemple de Marie qui méditait, ressassait en son cœur les événements. St Luc note le fait par deux fois (2.19 ; 2.51). Ce n'est donc pas insignifiant ! Jésus répète aujourd'hui en notre cœur : "Je suis le Pain de vie".

Dans St Marc encore, après la multiplication, Jésus guérit un aveugle ! Ce n'est pas relation anodine : un aveugle qui voit clair, qui devient disciple, qui suit Jésus. La signification est évidente : que notre intelligence souvent aveugle accède à la compréhension du dessein de Dieu, à la folie de Dieu qui est plus sage que la sagesse des hommes. On a tous besoin de ce miracle pour mieux comprendre cette parole de Jésus : "Je suis le Pain de vie !"

Et pour conclure je vous dirai : moi qui suis allé maints fois en Terre Sainte (et je vous le conseille si vous le pouvez), je vous dirai cependant que l'important, ce n'est pas tant le pèlerinage ; l'important, c'est de comprendre que les sacrements de la Nouvelle Alliance - comme celui de l'Eucharistie que nous allons célébrer et que rappelle le discours du "Pain de vie" - véhiculent à travers le temps et l'espace la réalité même de ce qu'ils signifient. Quand on célèbre l'Eucharistie en France, au Japon ou en un autre endroit du globe, nous touchons la présence de Dieu : "Celui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui !" (Jn 6.56). Ce qui s'est passé "une fois pour toutes" (Heb 7.27 ; 9.12 ; 10.10) à Jérusalem où l'on peut se rendre en pèlerinage, lorsque le voile du temple s'est déchiré (cf Mth 27.51)..., ce qui s'est passé là est rendu présent, de présence réelle, à travers le temps et l'espace...

Remarquons que chez St Jean, à la suite du discours du "Pain de Vie", il y a comme une seconde "confession de foi" de la part de St Pierre. Trop étonnés par les paroles de Jésus, "beaucoup de ses disciples se retirèren... Jésus dit alors aux Douze : "Voulez-vous partir, vous aussi ?". Pierre lui répondit : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu."

Retenons encore de la lecture que Paul de Tarses (l'ancien persécuteur) a véritablement rencontré la personne du Christ ressuscité. C’est de la réalité de cette rencontre qu’il tirera l’assurance et la force de sa foi pour aller proclamer la présence toujours actuelle du Christ ressuscité... Et cette présence nous est toujours signifiée et donnée par le sacrement de l'Eucharistie : "Je suis le Pain de Vie"... de vie divine ! Aussi, proclamons, nous aussi notre foi, là où nous vivons !

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