mardi 16 avril 2013

Eucharistie et partage


3e semaine de Pâques, Mardi   -  (Jn 6.30-36)

En lisant, en relisant le chapitre 6ème de l'évangile de Jean, on a l'impression parfois que Jésus prend plaisir à se répéter, d'une manière ou d'une autre, pour nous faire bien comprendre le signe - le signe par excellence, selon St Jean - qu'il vient de poser : la multiplication des pains.
Il nous dit aujourd'hui : "Je suis le pain de vie", comme il dira : "Prenez et mangez, ceci est mon Corps !". St Jean qui ne transmet pas l'institution de l'Eucharistie au soir du Jeudi Saint, en donne toute la signification en ce signe que Jésus pose : "Je suis le pain de vie" ; il ne cesse de nous répéter la signification de ce signe pour mieux l'enseigner à l'intelligence de notre cœur. Dans la tradition juive, on appelle l'enseignement : la "mishna", mot qui vient de "sheni" qui veut dire "deux" ! Autrement dit "bis repetita placet". L'enseignement est à base de répétitions ; et dans la Bible, il y a toute une pédagogie divine de la répétition. Il ne faut pas en faire l'économie.

Aussi, aujourd'hui, laissons couler en notre cœur les paroles de Jésus ; sachons les répéter pour qu'il nous en donne une parfaite compréhension : "Je suis le pain de vie" !

Jésus disait à la Samaritaine : "J'ai une nourriture que vous ne connaissez pas, c'est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé". Or, la volonté du Père, nous est-il dit aujourd'hui, c'est de "donner le pain venu du ciel", non un pain semblable à celui qu'il avait déjà donné au temps de Moïse - celui-là n'était qu'un présage -. Le vrai Pain que le Père donne, "le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde !".
Aussi, Jésus nous dit, nous redit en ce moment : "Celui qui vient à moi, celui qui croit en moi n'aura plus jamais faim !". Déjà, au début de son ministère, n'avait-il pas répondu à l'éternel tentateur : "L'homme ne vit pas seulement de pain (matériel), mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu" (Mth 4.4). Et "le Verbe - la Parole de Dieu - s'est fait chair !". Pour devenir "Pain de vie" !

Aussi, en ce signe par excellence selon St Jean - la multiplication des pains -, Jésus se met tout entier, il nous en laisse le mémorial : "Faites ceci en mémoire de moi !". Il prend du pain ; il rend grâce ; il le distribue, nous apprenant du même coup à formuler la prière qui soit vraiment parfaite : "Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour !".

Et c'est au nom de toute l'humanité que nous devons faire cette prière, une prière à la fois horizontale et verticale afin de recevoir et le pain de la terre et le pain du ciel. Et non l'un sans l'autre. Condition "sine qua non" !

Or, reconnaissons-le : actuellement, la moitié du monde est malade de trop manger, et l'autre moitié est malade de n'avoir pas assez à manger.
Du pain que Dieu avait donné au temps de Moïse, certains en ramassaient beaucoup pour en faire des réserves - tentation toujours actuelle ! -. Mais Dieu faisait en sorte finalement que "celui qui en avait beaucoup recueilli n'en avait pas trop, et celui qui avait peu recueilli en avait assez" (Ex 16.19). Un idéal qu'en accueillant le "pain de vie", nous devons réaliser, selon cette parole de St Paul : "Il ne s'agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut, c'est l'égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu'ils ont en moins, pour qu'un jour ce qu'ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins.. Ainsi se fera l'égalité, selon qu'il est écrit : Celui qui avait beaucoup recueilli n'eut rien de trop, et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien" (2 CO. 8.13). Et sachons que tous, même dans une gêne quelconque, matérielle ou morale..., nous avons quelque chose en trop. Car à chacun, sans exception, Dieu fait don d'une certaine richesse !

Mais, il y a toujours la tentation de faire des réserves, surtout en temps de crise, n'est-ce pas. Pourtant Jésus ne disait-il pas : "Ne faites pas de trésor ici-bas... Là où est ton trésor, là est ton cœur !" (Mth 6.21). C'est grave cela ! La tentation de tout accaparer ou de tout dominer - c'est la même chose - !

De cette tentation il y a un symbole très important dans la Bible : Dieu a créé l'homme pour qu'il soit "à son image et ressemblance". Mais l'homme s'est détourné de ce projet. Il amasse, il veut toujours amasser pour "faire des briques" et ainsi construire une tour - la tour de Babel - pour accaparer en quelque sorte le ciel lui-même par ses propres forces ! L'homme était créé pour les épanouissements d'une fécondité divine ; et voilà qu'il tombe - il tombe toujours - dans les esclavages de la production : "faire des briques", amasser et amasser encore...!
Alors, au lieu de remonter vers son Créateur dans un élan de convergence eucharistique où il peut retrouver toute son harmonie, le monde, de par la faute de l'homme qui peut être le roi de la création, certes, mais qui oublie d'en être le prêtre, qui oublie d'en faire l'hommage à Dieu..., le monde retombe dans le chaos, dans la multiplicité du chaos qui brouille tous les langages ! Les hommes ne peuvent plus se comprendre !

Jésus, lui, prit du pain, rendit grâce et le partagea : faire un bon usage de la création dans l'action de grâce et le partage. C'est ainsi que la condition humaine peut s'exprimer indissociablement royale et sacerdotale : prendre possession du monde et l'élever vers Dieu. Alors, le pain du monde, que Dieu donne, il y en a pour tout le monde : l'harmonie, la paix se rétablissent.

Mais, à cause du péché de l'homme, comme c'est difficile. Aussi, Jésus est venu, envoyé par le Père, pour se faire "Pain de vie". Communiant à ce "Pain de vie", tout redevient possible, et d'abord l'unité des hommes : "Qu'ils soient un, Père, priait Jésus le soir du Jeudi Saint, comme nous sommes un !".

"Par Lui, en Lui, avec Lui dans l'Esprit Saint, tout honneur et toute gloire au Père !". C'est l'action de grâce par excellence - Eucharistie - qui permet que les hommes, tous unis parce que tous redevenus "à l'image et ressemblance" de leur Père du ciel, puissent entendre en toute vérité cette parole du Ressuscité : "Je monte vers mon Père et votre Père !". - "Notre Père..., donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour !".

Voilà la véritable Eucharistie, l'Action de grâce par excellence !
Rendre grâce ! "Yehudim" (sens du mot "Juda", 4ème fils de Jacob avec Léa). Pour un Juif, user des biens de ce monde sans commencer par rendre grâce, c'est un vol. Et la réforme liturgique du Concile Vatican II a repris la formule juive de la bénédiction du pain et du vin au moment de l'offertoire : "Béni sois-Tu, Roi du monde, qui fais sortir le pain de la terre ; béni sois-Tu, Roi de l'Univers, qui donne le fruit de la vigne !"

Rendre grâce - faire Eucharistie - avec le Christ qui affirme : "Je suis le Pain de vie". Venez à moi, vous n'aurez plus jamais faim ! Venez à moi, car je vais vers le Père et votre Père ! Et nous comprenons de plus en plus la seule volonté que le Christ exprime à son Père et notre Père : "Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donné soient, eux aussi, avec moi et qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée" (Jn 17.23-24).

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