dimanche 21 avril 2013

Le Pasteur


4e Dimanche de Pâques. 13/C (Jn 19.27-28)

« Mes brebis écoutent ma voix! »

Comment reconnaître la voix du Seigneur si nous voulons qu'un jour, avec le Christ, il n'y ait plus qu'un seul troupeau, qu'un seul Pasteur ? Or, d'après les évangiles, Jésus nous indique deux manières d'écouter sa voix : 
1. Extérieurement et visiblement par l'Eglise : “Qui vous écoute, m'écoute" (Lc 10.16). C'est l'une des leçons de la lecture qui parle de ceux qui rejettent la parole des apôtres, de l'Eglise naissante. 
2. Intérieurement et invisiblement dans la conscience de chaque homme : "Celui qui est de la vérité écoute ma voix !" (Jn 18.37). 

Plus nous écoutons le Christ qui parle en son Eglise et en nous-mêmes, plus nous marchons vers cette unité de l'humanité voulue par Dieu autour de son Fils, en son Fils, le seul qui ait pu dire en totalité : "Je suis la Vérité»" (Jn 6. 14). Nous autres, nous ne sommes pas "la" Vérité, mais seulement des témoins de la Vérité. 

I. D'abord, Jésus a voulu bâtir une Communauté visible fondée sur les Apôtres. L'Eglise, on ne l'invente pas ; elle ne vient pas des hommes ; on la reçoit ! Et on la reçoit du Christ qui s'est identifié à ceux qu'il a envoyés : "Qui vous écoute, m'écoute ; qui vous méprise, me méprise" (Lc 10.16). 

Je ne sais pas si nous nous rendons compte de la force et de l'actualité de cette parole. Elle affirme que nous ne pouvons pas être pleinement avec Dieu si nous ne vivons pas en communion d'amour et de pensée avec le Pape, avec les évêques, avec l'Eglise. C'est eux et pas d'autres qui ont été choisis et envoyés comme "bergers" et chefs de la Communauté réunie au nom du Christ. 
Sans doute nous est-il parfois difficile de reconnaître aujourd'hui la voix de Dieu à travers ses représentants visibles, comme il était difficile pour les compatriotes de Jésus de reconnaître dans le charpentier de Nazareth le Fils de Dieu en personne. 
On voudrait tellement se passer de médiateurs, et entrer en contact avec Dieu directement ! "Oui, Dieu, j'y crois, entend-on parfois, mais l'Eglise...?". Cette volonté de vouloir atteindre Dieu tout seul, sans passer par les autres, ne serait-elle pas une manifestation d'un orgueil profond, et une méconnaissance totale du mystère de l'Incarnation, d'un Dieu invisible qui s'est fait homme visible, mystère qui se continue dans l'Eglise visible ? 

Or l'Esprit de Dieu souffle à travers ce canal privilégié qu'est l'Eglise. Si le Christ parle aux hommes, c'est d'abord à travers les témoins de la Résurrection, ceux qui hier étaient réunis autour des Douze, tout imparfaits qu'ils étaient, ceux qui, aujourd'hui, proclament leur foi dans le Ressuscité, tout imparfaits qu'ils sont. 

Bien sûr, être témoin du Ressuscité, c'est vivre de son Amour : "C'est à ce signe que l'on vous reconnaîtra pour mes disciples !" (Jn 13.35). Or, inutile de le cacher, certains hommes d'Eglise, à travers les siècles, n'ont pas toujours témoigné et ne témoignent pas de cette bonté, de cette volonté d'amour ! Cependant nous devons reconnaître en eux une présence de Jésus-Christ : "Quand c'est Pierre qui baptise, écrivait St Augustin, c'est le Christ qui baptise". Et il osait ajouter : "Quand c'est Judas qui baptise, c'est encore le Christ qui baptise". Mais à cause de cela, que de drames ! "Le plus difficile, écrivait naguère le P. Cléris­sac (dans son beau livre "Le Mystère de l'Eglise"), ce n'est pas de souffrir POUR l'Eglise, mais de souffrir PAR l'Eglise"
Pourtant, ce n'est pas celui qui veut avoir raison jusqu'au bout qui est dans le vrai, mais celui qui aime jusqu'au bout, à l'exemple du Christ qui s'est livré pour son Eglise. - Oui, nous n'avons pas encore aimé l'Eglise jusqu'au bout, à l'exemple du Christ qui a donné sa vie pour elle. Même si l'Eglise est composée d'hommes imparfaits, ayons assez d'amour pour dire : "Seigneur, je t'offre ma vie pour l'Eglise". - "Le bon Berger offre sa vie pour ses brebis". 

II. Cependant remarquons bien que Jésus ajoute : "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là aussi il faut que je les mène". Il s'agit là de tout homme de "bonne volonté" qui est en chemin vers plus de vérité, plus de justice, plus de fraternité. Il ne sait pas que Jésus est l'unique Voie, l'unique Vérité, l'unique Vie 
Mais nous pouvons être assurés que grâce à la rencontre de chrétiens, grâce à la découverte de l'Evangile, ces hommes de "bonne volonté" se retrouveront au soir de leur vie, comme les disciples d'Emmaüs, assis à l'auberge auprès du Seigneur. Eux aussi, ils s'exclameront émerveillés : "Le Ressuscité était là au cœur de nos vies et nous ne le savions pas !" - "Quiconque est de la vérité, disait Jésus, écoute ma voix !". 

Il existe donc une Eglise souterraine, cachée, invisible, une authentique communion des saints qui ne recouvre pas forcément les membres de l'Eglise officielle. Et c'est cette tension entre, si l'on peut dire, l'Eglise dans l'Humanité et l'Humanité dans l'Eglise qu'il faut réduire progressivement, pour qu'enfin visiblement et invisiblement tous soient un "comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi“, priait Jésus. 

Quelle immense route nous reste encore à parcourir, surtout si nous nous rappelons cette dure réflexion de St Augustin qui est toujours d'actualité : "L'Eglise a des enfants parmi ses ennemis et des ennemis parmi ses enfants". 

Aussi cherche-t-on toujours des "rassembleurs". Pour être rassembleur, pasteur à l'exemple du "bon pasteur", il y a deux écueils, au moins, à éviter : 
1. Celui de rêver d'une unité basée uniquement sur l'extérieur. Ce serait le règne de l'uniforme et du triomphalisme. Et il faudrait alors inévitablement employer plus ou moins la violence pour faire entrer les gens dans cette Eglise en croisade. L'ordre ferait la loi, mais ce ne serait plus l'ordre de l'amour. 
2. Le second écueil consisterait à balayer toutes les institutions, à détruire tout signe visible, à oublier ainsi que l'humanité du Seigneur a besoin de signes sacrés pour que l'Eglise continue l'incarnation de son Sauveur. Soyons persuadés que ces "purs", ces "parfaits" qui cherchent la disparition de tout repère visible dans l'Eglise finiront, par un phénomène logique de balancement, par la noyer tout entière dans le monde. Et alors, chacun identifiera l'Eglise à sa propre idéologie. 

La vraie solution c'est pour tous l'écoute attentive de la voix de Dieu, celle de son Fils Jésus-Christ, à l'extérieur dans l'Eglise visible et en même temps à l'intérieur dans chacune de nos consciences. Et alors nous deviendrons d'humbles serviteurs de la vérité, de cette vérité qui s'identifie avec l'amour, parce que Dieu qui est Vérité est aussi Amour. 
- A nous, les baptisés, d'être accueillants à toutes les vérités des hommes, et d'y reconnaître une certaine présence de Jésus-Christ et donc de son Eglise. 
- A nous surtout de "faire" la vérité, comme dit St Jean, avant de la proclamer, car tout homme qui "fait" la vérité vient à la lumière. Et puisque la vérité c'est d'aimer, à nous de rapprocher de Dieu par notre amour tous les hommes qui s'approcheront de nous. C'est au cœur des rencontres quotidiennes que se bâtit l'unité de l'Eglise et de l'humanité. 
- A nous surtout de faire régner au milieu des chrétiens rassemblés l'absolu de l'amour par-delà nos divergences, parfois légitimes, mais qui ne sont que relatives. "Père, que tous soient un, comme toi et moi nous sommes un, afin que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé". 

Alors avec St Jean, nous voyons déjà une immense foule d'hommes, de femmes... Ils se tiennent devant le trône de Dieu. Ils n'ont plus faim ni soif, car l'Agneau qui est au milieu du trône est leur Pasteur ; il les conduit vers des sources d'eaux vives. Et Dieu lui même essuie toute larme de leurs yeux !

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