jeudi 4 avril 2013

L'oiseau ensanglanté !


Mercredi de Pâques 3013    -     L'oiseau ensanglanté !

Après avoir prié ensemble, hier, pour Sr Marie-Catherine qui semblait prête pour le grand départ, l'ultime voyage vers le Père, à la suite du Christ pascal que nous célébrons depuis quelques jours, je pensais à notre destinée céleste pour tous...  Car pour nous, n'est-ce pas, la mort peut être pénible par les souffrances qu'elle peut entraîner, par la rupture des liens visibles que l'on entretient ici-bas... ; mais, pour nous, la mort n'est jamais triste !

Aussi, en ce temps pascal, je me suis souvenu - je ne sais pourquoi - à ce qu'un penseur chrétien des premiers siècles racontait. Une nuit, rapporte-t-il, il fit un rêve : des milliers d’oiseaux voletaient sous un filet tendu au-dessus du sol. Sans cesse, ils s’envolaient, heurtaient le filet et retombaient à terre. Ce spectacle était accablant de tristesse.
Mais voici qu’un oiseau s’élança à son tour, il s’obstina à lutter contre le filet, et soudain, blessé, couvert de sang, il le rompit et il s’élança vers l’azur. Ce fut un cri strident parmi tout le peuple des oiseaux. Dans un bruissement d’ailes innombrables, ils se précipitèrent à travers la brèche, vers l’espace infini.

Faire brèche dans l’impossible ! N'est-ce pas là le but de notre aventure religieuse ?
Et l'aventure de toute l'humanité, également ? Depuis la conquête du feu, depuis la première promesse d’amour, l’histoire voit les générations humaines successives livrer assaut à l’impossible. Que d’hommes ont parié leur vie pour la progression de la justice, du droit, de la science, sans apercevoir le succès de leurs efforts. Pendant des siècles, des hommes persévérèrent dans la même lutte, sans jamais se décourager. Le cœur de l’homme est fait de ce goût de l’impossible.

Mais - affirmons-le immédiatement et avec force - c’est le Christ qui a ouvert le pays de l’impossible. C'est là notre foi pascale ! Il a annoncé une vie “autre”, toute illuminée de la réconciliation de Dieu et de la paix des hommes.
Pendant qu’il parcourait la Palestine, beaucoup pressentaient d’un instinct sûr, qu’il portait, concentré sur sa personne, un avenir transfiguré.
Et en notre temps, beaucoup - comme Sr Marie-Catherine - le pressentent à travers le message que le Christ nous a laissé. Aussi veulent-ils le suivre ! De façon absolue parfois ! Et c'est leur témoignage : le pays de l'impossible, le pays de Dieu nous est désormais ouvert à la suite du Christ ressuscité !

Bien sûr, la haine, la violence, la mesquinerie s’étaient liguées pour l’anéantir ; et on l’avait crucifié. Mais jusqu’aux dernières affres du supplice, en demandant à Dieu le pardon des persécuteurs et en lui remettant son être exténué - comme l'oiseau ensanglanté -, il avait encore changé la vie et la mort en gestes d’amour. Et le troisième jour, impossible de le retenir ; il s'était remis debout pour monter, disait-il, "vers son Père et notre Père" à nous aussi désormais. Il avait fait brèche vers ce pays qui paraissait humainement impossible : le pays de Dieu ! Vers la Jérusalem céleste dont "Dieu seul est l'architecte et le fondateur !" (Heb 11.10).

Et ses disciples - Sr Marie-Catherine et nous tous ici - vont proclamant qu’il est “ressuscité”, qu’il a été “exalté à la droite de Dieu”, qu’il est “vivant”, qu'il est "Seigneur" ! Les forces du mal avaient semblé l’anéantir, mais il avait annoncé la fécondité du grain tombé en terre… Après avoir lutté contre tous les ferments de mort dans le cœur des hommes et dans la vie de son peuple, il avait brisé la fatalité de la mort elle-même. C’est au moment où tout semblait fini que la contagion de sa vie va commencer et s’étendre jusqu’à nous. Désormais, le goût de l’impossible - l'impossible de Dieu - ne reculera plus dans le cœur de l’homme, même devant la mort qui semble atteindre l'une d'entre nous, qui nous atteindra tous ! Et nous pouvons prier avec cette question pleine d'espérance : "O Mort, où est ta victoire ?" (I Co. 15.55).

Nous le savons pour toujours : l’humanité n’est pas une gerbe désordonnée de rêves irréalisables. Elle n’est pas inéluctablement entravée par les injustices, les violences, les guerres. Elle n’est pas condamnée à la mort définitive : l’impossible de Dieu est son chemin d’avenir, dès aujourd’hui et à jamais.

A la suite dure et splendide de l’oiseau ensanglanté, à la suite du Christ mort et ressuscité, allons sans cesse et plus avant à la quête du Dieu éternel, travaillant et semant dans l'humanité - comme celles et ceux qui nous ont précédés - sur les sillons successifs du temps présent.

N'est-ce pas là le vœu de toute vie consacrée, de toute vie de baptisé ?

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