mardi 23 avril 2013

L'Evangile aux païens


Pâques 4 Mardi            (Ac. 11, 19-26 Jn 10, 22-30)
   
       La liturgie d’aujourd’hui concentre notre attention sur la fondation de l’Eglise d’Antioche et Paul de Tarse. Hier, on a entendu le récit de ce qu’on a appelé la “Pentecôte des païens“ : l’arrivée de Pierre à Césarée Maritime, sa prédication dans la maison du centurion Corneille et cette descente soudaine de l’Esprit Saint sur ceux qui écoutaient sa parole : « Pierre parlait encore quand l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole.  Et tous les croyants circoncis qui étaient venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don du Saint Esprit avait été répandu aussi sur les païens… Alors Pierre déclara : "Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que nous ?"  Et il ordonna de les baptiser au nom de Jésus Christ.» (Ac 10,44-48).

De retour à Jérusalem, Pierre doit justifier sa conduite : « "Or, à peine avais-je commencé à parler que l'Esprit Saint tomba sur eux, tout comme sur nous au début… Si donc Dieu leur a accordé le même don qu'à nous, pour avoir cru au Seigneur Jésus, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu".  Ces paroles les apaisèrent, et ils glorifièrent Dieu en disant : "Ainsi donc aux païens aussi Dieu a donné la repentance qui conduit à la vie !" ». (Ac 11,15-18)

L’Eglise ne sort pas encore du cadre du judaïsme, mais d’une conception que l’on se faisait, à l’époque, de l’élection du peuple élu. Il n’y a pas de rupture dans la continuité du peuple de Dieu, mais élargissement, épanouissement de l’élection. A Jérusalem, lors de la Pentecôte, il n’y avait que des juifs, des prosélytes et des “craignants Dieu“. Maintenant, à Césarée, l’Esprit Saint tombe sur les païens.
L’étape est importante. St Luc veut montrer que Pierre a joué le rôle principal dans le franchissement de cette étape, avant de concentrer l’attention sur celui qui sera l’“Apôtre des gentils“ et qui saisira encore, à l’occasion, le besoin de renforcer Pierre dans son rôle de "Premier Apôtre" et pour les Juifs et pour les païens. Pierre, peut-être dépassé par cette "Pentecôte des païens" à Césarée, ne saisissait pas toujours l'importance de l'événement qu'il avait vécu : « Mais quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il s'était donné tort. En effet, avant l'arrivée de certaines gens de l'entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l'écart, par peur des circoncis. Et les autres Juifs l'imitèrent dans sa dissimulation, au point d'entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais je dis à Céphas devant tout le monde : "Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ?" »  (Ga 2,11-14).

C’est à Antioche où nous mène la lecture d’aujourd’hui, qu’apparaît pour la première fois le nom de “chrétiens“. Comme pour constater qu’une nette distinction s’est opérée entre judaïsme et christianisme.

La fondation de l’Eglise d’Antioche est dans l’élan de cette prédication d’Etienne qui avait amené les croyants à quitter Jérusalem où ils étaient persécutés.

C’est ce que montre le début du texte d’aujourd’hui. Là encore, à Antioche, on n’a pas encore compris les conséquences de la "Pentecôte des gentils". L’initiative prise par ceux qui annoncent l’Evangile aux Grecs apparaît suspecte. C’est alors qu’intervient une deuxième fois Barnabé.
On se rappelle qu’une dizaine d’années auparavant il avait réussi à vaincre la méfiance de la communauté chrétienne de Jérusalem à l’égard de Paul : « Arrivé à Jérusalem, il essayait de se joindre aux disciples, mais tous en avaient peur, ne croyant pas qu'il fût vraiment disciple. Alors Barnabé le prit avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et avec quelle assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus. Dès lors il allait et venait avec eux dans Jérusalem, prêchant avec assurance au nom du Seigneur. Il s'adressait aussi aux Hellénistes (c'est-à-dire aus Juifs parlant grec) et discutait avec eux ; mais ceux-ci machinaient sa perte. L'ayant su, les frères le ramenèrent à Césarée, d'où ils le firent partir pour Tarse. » (Ac 9,26-30).

Maintenant, une deuxième fois, Barnabé intervient. Le temps est passé où par crainte de la persécution que risquait de déclencher le zèle de Paul, on le mettait à l’écart pour s’en débarrasser en l’embarquant à Césarée pour qu’il regagne son pays natal de Tarse. On juge maintenant que c’est lui qui est le plus apte à mener à bien les opérations et à faire franchir définitivement au peuple élu toutes les inhibitions qui l’empêchaient de partager les privilèges de l’élection avec l’ensemble de l’humanité.

Il me semble qu’il est très important de voir comment se réalisent les voies de Dieu et comment il réalise son dessein dans l’histoire en respectant cette liberté qu’il a lui-même donnée aux hommes et dont, souvent, il apparaît plus soucieux qu’eux-mêmes de la sauvegarder. Aussi, dans l'exercice de cette liberté que Dieu nous donne et qu'il respecte tant, il nous faut, en Eglise, suivre toujours le conseil de St Paul : "Soyez bien d'accord entre vous : n'ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble". Et il ajoute, avec humour et malice peut-être, cette injonction du livre des proverbes (3.7) : "Ne vous prenez pas pour des sages !" (Rm 12.16). Voyons, pour un chrétien, c'est vraiment indélicat s'il a le souci de regarder le Christ en croix ! Et pourtant c'est si fréquent - se prendre pour un sage ! -, chacun croyant tellement posséder la vérité et toute la vérité ! A propos de ce verset de la lettre de St Paul aux Romains, St Thomas d'Aquin a ce commentaire un peu malicieux : "Celui qui veut avoir toujours raison se met dans son tort ; il fait de LA vérité SA vérité, et il s'interpose entre LA vérité et son interlocuteur. Il y a une façon de tenir à la vérité qui est simplement une façon de tenir à soi !". N'est-ce pas ?

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