samedi 13 avril 2013

Tempête et Universalité du salut


2e semaine de Pâques 13 - Samedi          (Ac 6,1sv - Jn 6,16-21)


La mer, dans la Bible, évoque toujours le chaos primitif où Dieu a fait régner l’ordre et l’harmonie en dix paroles et en sept jours, déployant sur le cosmos tout entier les énergies victorieuses dont il fera preuve par les délivrances opérées tout au long de l’histoire au bénéfice du peuple élu. Ce peuple sait, par expérience, que Dieu est le Fort, le Redoutable, le Tout-Puissant...

Les hébreux ne sont pas un peuple de marins comme leurs voisins phéniciens. Ils n'ont même pas de ports sur la Méditerranée (celui de Césarée maritime ne fut construit que par Hérode le Grand). Du haut de leurs collines, ils contemplent la côte sablonneuse, rectiligne et s’étonnent que Dieu réussisse à contenir ce reste du chaos primitif - la mer - où règnent encore des puissances infernales, par une simple ligne de sable. Dieu ne disait-il pas : "Ne me craindrez-vous pas ? Ne tremblerez-vous pas devant Moi, Moi qui ai posé le sable pour limite à la mer, barrière éternelle qu'elle ne franchira point. Ses flots s'agitent, mais sont impuissants ; ils mugissent, mais ne la franchissent pas" (Jr 5,22).

C'est en évoquant ce contexte biblique qu’on rejoint le mieux, me semble-t-il, la manière dont St Jean rapporte, dans l’Evangile, la marche sur les eaux. Jésus domine le vent, les flots, et calme la tempête comme Dieu Créateur avait mis de l’ordre dans le chaos primitif. Jésus se révèle, là, maître de la création. Et si ses disciples se confient à lui, rien ne pourra leur nuire. Que le Seigneur nous aide à nous confier totalement en lui lors des tempêtes des diverses "mers" de notre monde... !

La lecture nous montre justement l'une des premières tempêtes de l'Eglise primitive. L’unité des cœurs, l’harmonie qui régnaient dans la jeune Communauté chrétienne de Jérusalem, n’ont pas tardé à être troublées par des dissensions. St Luc ne les dissimule pas !

Ces dissensions semblent être apparues au sein des croyants d’origine juive, entre ceux qui parlent grec et ceux qui pratiquent la langue hébraïque. Parmi les diacres que l’on ordonne pour remédier à la situation, un seul est nommé, Nicolas, qui, lui, est païen, originaire d’Antioche, converti au judaïsme. Il apparaît comme une exception. Il n’y a donc pas encore de séparation profonde entre les disciples de Jésus et le judaïsme de l’époque.

Mais St Luc nous fait déjà soupçonner que les chrétiens de langue hébraïque ne vont pas jouer le rôle principal dans l’expansion universaliste qu’il va raconter dans la suite du livre des Actes des Apôtres. Et on devine de plus en plus l’importance qu'aura le judaïsme alexandrin - ceux qui parlent grec - dans l’éclosion du "peuple élu" aux dimensions universelles, comme l’avaient prédit les prophètes :
"Et maintenant le Seigneur Dieu a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu'Israël lui soit réuni...  Il a dit : "C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'Israël.  Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre" (Is 49,5-6).

Si précieuse que soit la Massore, le texte hébreu, minutieusement ponctué par les scribes de Tibériade au 9ème siècle après J.C., il ne faut pas pour autant négliger la tradition grecque des Septante qui fut fondée à Alexandrie, deux siècles avant la naissance du christianisme. Elle peut renfermer des textes plus proches des originaux et dont certaines modifications dénotent un progrès théologique, en particulier, justement, vers cette expansion universaliste qu'avait chanté le vieillard Siméon dans le temple en prenant Jésus dans ses bras.
"Lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël ton peuple !".

La lecture d’aujourd’hui ne nous parle que d’un accroissement du nombre des croyants à Jérusalem même : "La parole du Seigneur gagnait du terrain, le nombre des disciples augmentait fortement à Jérusalem !".

St Luc note aussi qu'une multitude de prêtres accueillaient la foi. Nombre de commentateurs de la lettre aux hébreux pensent désormais que cette lettre avait précisément comme premiers destinataires ces prêtres convertis et que l’auteur, s’il est fortement imprégné des pensées de St Paul, serait plutôt un juif d’Alexandrie, peut-être cet Apollos dont il est parlé plus loin dans le livre des Actes des Apôtres : "Un Juif nommé Apollos, originaire d'Alexandrie, était arrivé à Éphèse. C'était un homme éloquent, versé dans les Écritures.  Il avait été instruit de la Voie du Seigneur, et, dans la ferveur de son âme, il prêchait et enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus, bien qu'il connût seulement le baptême de Jean. Il se mit donc à parler avec assurance dans la synagogue. Priscille et Aquilas qui l'avaient entendu, le prirent avec eux et lui exposèrent plus exactement la Voie". (Ac 18,24-26)

Même si notre époque, du moins en Occident, est très fortement agitée par les flots de courants de pensée très divers, soyons, comme les disciples, sans crainte en compagnie du Seigneur. Ecoutons-le. Et sachons que sa parole qu'il nous a transmise doit atteindre, atteindra les extrémités de la terre !

Aucun commentaire: