mercredi 3 avril 2013

Pierre et Emmaüs


Mercredi de Pâques 3013                            (Act. 5.1-19; Lc 24.13-35)

La guérison de l’infirme que nous rapporte la lecture d'aujourd'hui se fait à l’entrée du temple, hors du temple. Il faut se rappeler que les infirmes n’entraient pas dans le temple d’après une loi qu’on trouve dans le Lévitique :
"Aucun homme ne doit s'approcher s'il a une infirmité, que ce soit un aveugle ou un boiteux, un homme défiguré ou déformé !" (Lv 21,18) 

Les aveugles et les boiteux sont particulièrement visés. Il faut se rappeler le récit de la prise de Jérusalem par David, racontée au 2ème livre de Samuel (ch.5). J'ai souvent évoqué ce passage ; je n'y reviens pas !

Ce qu'il faut retenir, c'est que Jésus contrevient à cette loi : "Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui s'approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit…; les grands prêtres et les scribes furent indignés" (Mt 21,14.15b).

Quant à St Jean, il a retenu, parmi les sept signes qui composent son Evangile, deux miracles opérés dans les deux piscines qui se trouvent l’une au nord et l’autre au sud du temple. Le boiteux de Bethesda et l’aveugle-né de Siloé qui, une fois guéris, entrent dans le temple qui leur était interdit tant qu’ils étaient atteints par leur infirmité.

Le miracle, que nous rapporte la lecture d'aujourd'hui, s’inscrit tellement dans cette première iconographie de Jérusalem qu’il serait dommage de ne pas rappeler la mutation qui s’opère dans le passage qui se fait de l’Ancien au Nouveau Testament.
Dans l’Ancien Testament, les maladies et les infirmités sont un handicap dans le rapport avec Dieu. Dans le Nouveau Testament, elles sont assumées par le Christ qui est venu guérir nos infirmités comme nos péchés ; et les miracles préfigurent la restauration totale de notre humanité dans le Royaume de Dieu.

Le paralytique guéri par Pierre entre lui aussi dans le temple en franchissant la Belle Porte : "d'un bond il fut debout, et il marchait. Il entra avec eux dans le Temple, il marchait, bondissait et louait Dieu". Cette notation me fait penser à l'affirmation très pascale du psaume 118ème : "Non, je ne mourrai pas, je vivrai, et je chanterai les merveilles de Dieu" à mon égard ! Puissions-nous avoir cette affirmation de foi à tous les moments d'épreuves et à l'heure même de notre mort dernière pour rentrer dans le Temple éternel...

Quant à notre évangile d'aujourd'hui, le célèbre Renan a dit que ce texte est le plus beau morceau de littérature qui n'ait jamais été écrit.

La présence de Jésus ressuscité est plus réelle que jamais, mais elle n’est plus perceptible immédiatement comme elle l’était auparavant.
On a déjà vu cela avec l’évangile d’hier, à propos de Marie Madeleine qui croit d’abord voir le gardien du jardin.
Cléophas et son compagnon partagent la mentalité courante du judaïsme de l’époque qui exprime une attente d'un Messie restaurant la Royauté davidique et chassant l’occupant romain.
Jésus chemine un certain temps avec eux et leur donne l’occasion - il faut le souligner - d’exprimer leur déception et leur scepticisme vis à vis du témoignage des femmes qu’ils considèrent comme des racontars de pure imagination. C’est une bonne chose de laisser les gens s’exprimer et prendre, par le fait même, du recul par rapport à leurs idées toutes faites. Prendre son temps, c’est la meilleure manière de préparer celui qui doit écouter à accueillir le message qui lui est destiné.
Peut venir ensuite la grande leçon de la lecture chrétienne de la Bible : "Alors il leur dit : "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ?"  Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait".  (Lc 24,25-27)  

On parle beaucoup dans les cercles bibliques d’herméneutique et d’exégèse. On se gargarise parfois de ces mots sans trop savoir leur signification (1).
- L'exégèse est une étude approfondie, scientifique, voire critique d'un texte sacré,
- Le mot "herméneutique" vient du texte de notre évangile : "Jésus leur expliqua...", "dihrmhneusen". Jésus, "Verbe de Dieu" avait, a toujours l'art merveilleux d'expliquer. Il est bon de rappeler l’origine chrétienne de cette première "lectio divina" (lecture divine) que fit Jésus à ses deux disciples et des effets qu’elle produisit et qu'elle peut toujours produire : "Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ?".


On se préoccupe moins actuellement de savoir où se trouvait la maison de Cléophas. A Latrum ? à Abou Gosh ? à Quibaibé ou ailleurs ? Actuellement, quand on sort de Jérusalem vers l’ouest, on comprend que la route d’Emmaüs est d’abord et avant tout, dans l’esprit de St Luc, une catéchèse eucharistique liant indissociablement la liturgie de la Parole et la fraction du Pain.   "Ils le reconnurent à la fraction du pain !"
La "table" divine que dresse toujours la "Sagesse" de l'Ancien et du Nouveau Testament est à la fois table de la Parole de Dieu et du Pain de Dieu !

(1)
- L'exégèse (ἐξήγησις en grec : "mener hors de..."), est une étude approfondie, scientifique, voire critique... d'un texte sacré,
- Le mot "herméneutique" vient du texte de notre évangile : "Jésus leur expliqua...", "dihrmhneusen"
(mot qui vient du grec έρμηνευτική : mot qui vient lui-même de
τέχνη, art d'interpréter
et de Hermès, messager des dieux, interprète de leurs ordres)
L'herméneutique est donc l'art d'expliquer, d'interpréter les textes sacrés.

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