mardi 14 juin 2011

Pauvreté - Humilité !

T.O. 11 imp. Mardi - (II Co. 8.1-9)

Vous l’avez remarqué : St Paul organise une quête ! C’est de tout temps, la quête, dans l’Eglise ! Et l’Apôtre de féliciter les Eglises de Macédoine pour leur générosité… Elles sont un exemple. Comme autre exemple, Paul, si féru de l’histoire de son peuple, aurait pu citer la quête qui fut organisée dans le désert pour l’érection du sanctuaire. C’est un cas unique dans l’histoire ! La générosité fut telle que les sages du peuple vinrent dire à Moïse : “Le peuple en apporte trop !“ (Ex 36.8) ; et Moïse ordonna de cesser la quête. Je n’ai jamais encore entendu un curé dire à ses paroissiens : “Arrêtez ! Trop, c’est trop !“. C’est plutôt le contraire qui se passe avec ce souhait (je l’ai entendu !) que la quête se fasse sans trop de bruit… dans la corbeille !!!

Quoi qu’il en soit de ce fait unique dans les annales de l’histoire sur ce sujet, Paul, lui, après avoir louer la générosité des Macédoniens, sollicite les Corinthiens en faveur de l’Eglise de Jérusalem ; il recommande ceux qu’il a préposés à cette collecte et exalte les bénédictions de cette bienfaisance et pour ceux qui la pratiquent et pour l’union de toute l’Eglise.

Ce “sermon de charité“ est un modèle du genre par la limpidité des idées exprimées dont celle-ci, hautement doctrinale : “Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté“. Tout le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption est exprimé, là, par cette phrase lapidaire avec son balancement binaire : De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour que nous, pauvres, nous devenions riches !

Aussi, cette collecte pour Jérusalem lui tient à cœur. C’est comme un devoir pour lui ; il en parlera quatre fois (I Co. 16.1-3 ; II Co. 8-9 ; Rm 15.25sv ; Gal. 2.10 et aussi Actes 24.17). La lettre aux Galates en donne l’origine : lorsqu’il s’est rendu à Jérusalem (en 49 sans doute) pour résoudre en partie la situation des pratiques juives pour les païens devenus chrétiens, les “colonnes de l’Eglise“ (Pierre, Jacques…) lui demandèrent de “se souvenir des pauvres“, c’est-à-dire des chrétiens de l’Eglise-mère.

“Se souvenir des pauvres“ ! Belle expression encore ! Elle contient toute une pensée doctrinale et morale. A supposer une grande générosité en leur faveur, il restera toujours à se “souvenir des pauvres“, à avoir “la mémoire du pauvre“. A travers toute la Bible, Dieu est un Dieu qui “se souvient du pauvre“ et qui l’assiste de différentes façons. Et puis, si Dieu est un Dieu qui “se souvient“, le croyant est appelé à “se souvenir de Dieu“. Il y aurait toute une méditation à prolonger sur ces deux expressions parallèles : “se souvenir de Dieu“ et “se souvenir du pauvre“ !

Remarquons que la pauvreté (je ne dis pas la misère qui est une injustice insupportable !) est souvent un moyen pédagogique que Dieu emploie pour notre éducation. Dans le désert, les Hébreux n’avaient rien, ou presque rien. Continuellement, ils étaient appelés à vivre dans une dimension “miraculeuse“. Ils n’avaient pas d’eau : Dieu fait jaillir l’eau du rocher ! Ils n’avaient pas de pain : Dieu fait pleuvoir le pain. Etc… ! Et quand on vit en cette dimension verticale de dépendance, il y a comme une justice naturelle qui s’établit : “Qui avait beaucoup recueilli n’eût rien en trop ; et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien“ (Ex. 16.18). La première des tentations, c’est de faire des provisions pour soi ! “Ne faites pas de trésor ici-bas, disait Jésus… Là où est ton trésor, là est ton cœur“ !
Cette réflexion est grave ! Nous sommes créés pour faire un bon usage de la création dans l’action de grâce et le partage. On prend possession du monde et on l’élève vers Dieu en disant : “Donne-nous notre pain de ce jour“. Et obligatoirement, il y en a pour tout le monde ! N’est-ce pas à ce partage profond que nous engage le signe du “Pain de Dieu“ qu’est l’Eucharistie : le Christ se donne à nous pour que nous nous donnions à nos frères afin que tous ensemble nous nous donnions à Dieu ! “Par lui, avec Lui, en Lui !“. “Si on savait ce qu’est la messe !“, disait le curé d’Ars.

Et quand je parle de pauvreté, je ne pense pas seulement à la pauvreté matérielle. Quel économe d’un monastère aurait cette fatuité insupportable de vouloir apparaître riche des nourritures qu’il donne chaque jour ? Il en est de même - et malheureusement c’est moins évident - dans les autres domaines intellectuels, spirituels… “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?“, demandait St Paul. Et je pense au pape Benoît XVI qui, aux dires de ceux qui le fréquentent, est d’une si grande humilité qu’il donne de l’importance à celui qu’il rencontre, ne voyant que Dieu en lui ! Et le pape Jean XXIII de dire un jour : “Il ne me coûte rien de reconnaître et de répéter que je ne suis et ne vaux qu’un beau néant !“. Peut-être, disant cela, il se souvenait de cette parole que Dieu adressait à Catherine de Sienne : “Tu es celle qui n’est pas ; Je suis Celui qui est ! Si tu conserves en ton âme cette vérité, jamais l’Ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges“.

Vouloir se montrer riche de quelque chose est d’une pauvreté spirituelle invraisemblable. Et c’est surtout un gouffre qui nous sépare et de Dieu et des autres, car, disait Mère Térésa, “nous sommes tous des pauvres devant Dieu !“ - “Les seuls vrais conquérants sont ceux qui sont allés vers le prochain, les mains nues et le cœur ouvert !“ (Daniel-Rops). Je ne suis pas loin de penser que l’homme le plus intelligent de la terre est certainement le plus humble… Et celui-là marche certainement à la suite du Christ !

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