vendredi 24 juin 2011

Jean-Baptiste !

24 Juin 2011 - "

La lecture de la fête d’aujourd’hui est extraite du second “chant du Serviteur“ (d’Isaïe). Elle se présente comme un récit de vocation prophétique, bien que ce texte ne comporte aucun des détails de ce genre de narrations (Cf. Is 6 ; Jer. 1 ; Ez. 1.1 ; 3.27). Et Jean-Baptiste n’est-il pas "plus qu’un prophète" ? (Mth 11.9)

Ce texte prophétique s’ouvre sur un appel empreint de solennité : “Ecoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs !“ (Cf. Is. 41.1). Ainsi est soulignée la visée universaliste du récit qui se retrouve à la fin : “…pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre“ ! Jean-Baptiste sera bien le prophète du Rédempteur du monde ! Ecoutez donc, îles lointaines

A la différence des rois et des prêtres, tous issus de la lignée de David ou de celle de Lévi, le prophète a conscience d’avoir fait l’objet d’un appel personnel de la part de Dieu ; souvent contesté par le peuple, ses chefs et surtout par les prophètes de mensonge, il authentifie son ministère en évoquant sa vocation.
Amos déjà insistera sur l’irruption du Seigneur dans sa vie : “Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais un simple berger et je taillais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi… et m’a dit : « Va, tu seras prophète pour mon peuple ! »“ (Am. 7.14-15).
A propos de Jérémie, on parlera de prédestination, en quelque sorte : Au jour de sa vocation Dieu lui déclare en effet : “Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les peuples“ (Jr 1.5).
Et le Serviteur-prophète (d’Isaïe) s’inspire de ce langage divin quand il affirme : “J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé…, quand il a prononcé mon nom“ (49.1-5).
Ainsi, Jean-Baptiste “bondit dans le sein de sa mère “ à l’approche du Fils de Dieu (cf. Lc 2.41).
Comment marquer plus fortement la gratuité de toute vocation que St Paul rappellera : “Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère et, dans sa grâce, il m’avait appelé !“ (Gal 1.15).
En conséquence quelle humilité doit ressentir tout serviteur de Dieu, prophète appelé gratuitement, humilité qui sera celle de Jean-Baptiste : “Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue“ (Jn 3.30). Pas le moindre signe d'orgueil chez ce "plus grand parmi les hommes" !

Et le Serviteur-prophète se présente ensuite, par des images suggestives, comme un instrument choisi par Dieu : sa bouche est une épée tranchante, une flèche affilée et rapide. C’est le symbole de la puissance de la Parole de Dieu qui, par le prophète, frappe les impies parce qu’elle discerne avec justesse et efficacité (Cf. Is. 11.4 ; Os 6.5 ; Ez 5.1 ; Ap. 1.16… Cf. Jr 51.11 ; Ps 127.4-5…) ; L’auteur de la lettre aux Hébreux écrira : “Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l’âme… Elle juge des intentions et des pensées du cœur… Tout est nu devant elle, dominé par son regard“ (Hb 4.12-13). Ces armes de choix, le Seigneur les tient en réserve pour le jour du combat : “Engeance de vipères, tonitruera Jean-Baptiste, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient… Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres…“ (Mth 3.7sv).

Aussitôt après, le prophète rapporte les paroles par lesquelles Dieu lui a signifié le choix dont il a fait l’objet de sa part : “Tu es mon Serviteur, Israël ; en toi je me glorifierai !“. Certains ont été étonné de la mention “Israël“ qui qualifie le Serviteur. Mais dans le livre de la Consolation, le peuple d’Israël est plusieurs fois désigné comme le Serviteur de Dieu (Cf Is 41.8-9 ; 44.1-21 ; 45.4), comme investi par lui d’une mission décisive dans le monde entier : “Vous êtes mes témoins… Et moi je suis Dieu“ (Is 43.10,12). Il avait cette vocation de témoigner du Dieu Unique aux yeux de toutes les nations païennes !
Jean-Baptiste, le plus grand parmi les hommes (cf. Mth 11.11), qui récapitule en quelque sorte tous les prophètes de l’A.T., qui est le nouvel Elie, le plus grand des prophètes (Cf Mth 1113.-14 ; cf. 17.10sv) accomplit cette même mission au nom de tout le peuple. Il dira en désignant Jésus : “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !“ (Jn 1.29).

Sans transition, le texte nous fait entendre ensuite les plaintes du Serviteur constatant l’apparente inutilité de ses efforts : “Je me suis fatigué pour rien“. Comment ne pas se souvenir des réflexions désabusées de Jérémie en proie au découragement : “Seigneur…, A longueur de journée, je suis en butte à la raillerie, et tout le monde se moque de moi !“ (Jer. 20.7). N’est-ce pas ce sentiment proche du découragement qu’avait Jean-Baptiste dans sa prison lorsqu’il faisait demander à Jésus : “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?“ (Mth 11.3).
Cependant le Serviteur se ressaisit et exprime une confiance indéfectible dans la fidélité de Celui qui l’a envoyé : en dépit des apparences, “mon droit subsistait aux yeux du Seigneur, ma récompense auprès de mon Dieu“. Jean-Baptiste ira vers la mort, rempli de cette même certitude, grâce à la parole de Jésus : “Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient…, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée.. .“ (Lc 7.22). Alors, Jean pourra mourir dans cette certitude : “Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur ; c’est mon Dieu qui est ma force“. Dieu, en effet, par Jésus, confirmera sa mission, comme naguère pour Jérémie (Jr. 15.19-21), une double mission :
- D’abord, le Serviteur, selon le texte, doit “ramener les rescapés d’Israël“. Cette formule se comprend parfaitement dans le contexte historique de l’exil à Babylone où se situe le Livre de la Consolation : il s’agit de rassembler les dispersés, de les ramener à Jérusalem. C’est le message central de l’auteur (Cf. Is 40.1-2 ; 41.8-16 ; 43,5-6). Le message de Jean-Baptiste était d’abord pour le salut de tout le peuple, du peuple d’Israël.
- Mais le projet de Dieu ne connaît point de frontières : “Je vais faire de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre“. Déjà, dans le premier chant du Serviteur, le Seigneur lui disait : “Je t’ai destiné à être l’alliance du peuple et la lumière des nations“ (Is 42.6). Ainsi, la mission confiée à ce Serviteur dépasse largement celle confiée jadis à Moïse. Cette ouverture universaliste est sans conteste un des traits caractéristique du Livre de la Consolation. Ce fut la mission de Jean : “Il n’était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière“ - “Je suis la lumière du monde, dira Jésus, une lumière “qui conduit à la vie“ pour tous (Jn 1.8).

Et n’oublions pas : le Serviteur qui a reçu gratuitement sa mission du Seigneur n’est que Serviteur ! "Il faut qu'il grandisse, dira Jean-Baptiste à propos de Jésus, et que je diminue" (Jn 3.30). Cette consigne est d'une telle force qu'elle a présidé au choix même de la fête de ce grand saint : c'est à partir de sa fête que le soleil commence à décliner à l'horizon pour qu'à Noël, à la venue de Jésus, cette même lumière grandissante puisse devenir image de Celui qui est Lumière de monde.

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