mardi 21 juin 2011

Pauvre richesse !

T.O. 12 imp. Mardi - (Gen 13.2sv)

La lecture d’hier nous a rappelé la “vocation d’Abraham“, notre “Père dans la foi“ : “Quitte ton pays… vers le pays que je te ferai voir“ (Gen 12.1) ! Ou mieux, en mot-à-mot : “Pars pour toi“, pour ton épanouissement, ton bonheur ! Tant il est vrai que l’amour de Dieu n’est jamais captatif. Ce n’est pas un amour comme il y en a souvent chez les hommes, un amour qui dit : “Viens ici que je te prenne pour moi, que je t’accapare“, un amour qui considère l’autre comme une richesse à soi, cette richesse dont il va être question dans la suite du récit.

L’amour de Dieu, lui, est toujours un amour qui offre, qui va même jusqu’à s’offrir en Jésus Christ ! - “Va pour toi… vers le pays que je te ferai voir“. Et pour cela Dieu lui fait une promesse : une nombreuse descendance… Abraham croit, bien qu’il soit vieux. Abraham “notre Père dans la foi !“ ! Abraham part et il arrive en Canaan, le pays promis. Or, chose étrange : à son arrivée, il y a une famine. Curieuse coïncidence ou épreuve de la foi ? C’est que Dieu donne ; et il donne toujours. Mais il donne au-delà de ce que nous pouvons penser, imaginer humainement. Et comme pour nous faire percevoir un bien divin, inimaginable, il promet par-delà des apparences qui paraissent souvent très contradictoires. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet !

Puis il est dit qu’Abraham quitte le pays que Dieu lui a promis et va en Egypte ! Et là, il y a un épisode très curieux à propos de Sara (Gen 12.10sv) sur lequel les exégètes sont très partagés… Vous lirez si cela vous intéresse !

Peu importe d’ailleurs. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’Abraham revient d’Egypte avec son neveu Loth ; ils reviennent tous deux très riches. Alors il y a cette phrase très significative et remarquable : “Ils (Abraham et son neveu Loth) avaient de trop grands biens pour pouvoir vivre ensemble“ (12.6). Ce sera souvent un refrain dans la Bible : l’amélioration du “standing de vie“ ne résout pas tous les problèmes de la condition humaine ! D’ailleurs, la richesse est souvent encombrante. Et plus on est riche (de quelque richesse que ce soit), plus on a tendance à se “recroqueviller“ sur son avoir, son pouvoir, sur soi-même. Car plus on est riche, moins on a envie de partager, l’autre, quel qu’il soit, apparaissant facilement comme un gêneur potentiel.

Alors, Abraham et Loth décident de se séparer ! C’est toujours triste une séparation surtout quand la raison n’est pas très glorieuse. Oui, la richesse est souvent triste. “Ne faites donc pas attention à ce que vous avez, disait Grégoire le Grand l’auteur de la vie de St Benoît, mais à ce que vous êtes !“ : Aussi, Abraham dit à Loth avec une triste sagesse humaine : “Nous n’allons pas nous disputer ; nous sommes frères !“. Et Abraham, magnanime, propose : “Si tu vas à droite, j’irai à gauche ; si tu vas à gauche, j’irai à droite !“. Loth va vers une région alors paradisiaque. (L’oncle est très gentil ; je l’aime bien, doit-il se dire ; mais, les affaires sont les affaires, n’est-ce pas ?). Abraham va donc vers une région plus austère.

Certes, la pauvreté n’est pas à rechercher pour elle-même. Etre pauvre, ce n’est pas enviable. Je n’ai encore jamais rencontré un pauvre qui me dise le contraire ! - Mais il faut aussi savoir être riche des biens dont on sait pouvoir se passer. Car cette sorte de richesse-là contient le secret de l’espérance. “Les pauvres ont le secret de l’espérance !“ (G. Bernanos). Car la pauvreté nous fait refuser facilement ce qui est de l’ordre du fini pour nous ouvrir à l’infini. Et cette sorte de richesse est acquise non pas spécialement en vidant nos mains, nos têtes, nos cœurs (comme dit Madeleine Delbrel), mais en creusant nos mains, nos têtes, nos cœurs en vue du Royaume de Dieu qui ne passe pas !

Rappelons-nous la réflexion de l’évangéliste à propos du jeune homme riche : Jésus le regarda et l’aima. Mais lui, tout triste, s’en alla, car il avait de trop grands biens ! Tant la richesse des biens de ce monde peut éloigner si facilement et de Dieu et de nos frères !

Mais pour comprendre cette leçon, il nous faut la foi d’Abraham qui lui a permis de surmonter l’épreuve d’une famine, d’une pauvreté. Et alors, même devenu riche par la suite, il était resté avant tout un “mendiant de Dieu“ ! Rester, avant tout, mendiant de Dieu !

Aucun commentaire: