mercredi 22 juin 2011

Alliance avec Dieu

T.O. 12 imp. Mercredi - (Gen 15.1sv)

“Ne crains pas, Abraham ! Je suis ton bouclier !“, ton protecteur ! Ce qui est à souligner, c’est que le Seigneur annonce à Abraham qu’il sera son protecteur, voire son “Goël“, c’est-à-dire son Rédempteur, après que lui-même se soit fait le protecteur, le “rédempteur“ de son neveu Lot capturé et emmené en déportation par des rois ennemis… (Cf Gen 14). - Abraham était aussitôt parti en campagne et avait délivré Lot ! Dès le début de l’Histoire Sainte, il est annoncé à Abraham que la protection de Dieu, voire sa “Rédemption“, se révèle, doit se révéler dans le creux de ses interventions comme “goël“, rédempteur à l’égard de son neveu Lot, à l’égard de tout frère.

C’est, me semble-t-il, un grand sujet de réflexion. Si la “Rédemption du monde“ a bien eu lieu, il y a 2.000 ans par la passion et la résurrection du Christ, elle ne cesse, elle ne doit cesser de s’actualiser, en union avec notre Rédempteur, par nos actions en faveur de nos frères ! Jésus disait à Ste Thérèse d’Avila : “Ne t’afflige pas pour ces plaies (de ma passion), mais pour celles en nombre considérable qu’on me fait maintenant !“. Et si nous sommes affligés, nous aussi, de ces plaies actuelles, c’est à nous également, en union avec le Seigneur, de contribuer actuellement au rachat de tous nos frères les hommes ! A l’exemple d’Abraham, notre Père dans la foi !

Mais cette parole divine - “Ne crains pas, je suis ton protecteur !“ – qui a pour but de réconforter Abraham a pour effet, dirait-on, de l’inquiéter. Si le Seigneur lui a dit cela, c’est qu’il y a en lui comme un germe de malaise… Et il l’exprime à sa façon : Oui, bien sûr, il veut bien croire aux promesses divines… Oui ! Mais enfin, à l’âge que j’ai, se dit-il… Et je m’en vais déjà, et je m’en vais sans enfant ! Et c’est mon intendant qui héritera de moi ! - N’est-ce pas parfois notre réaction ? Oui, je crois en Dieu ! Certes ! Mais on dirait que plus je crois, moins je suis dans le bonheur promis !

Alors, le Seigneur dit à Abraham : ce ne sera pas l’intendant ton héritier. Ce sera quelqu’un de ton sang ! Et ce qui est frappant à propos de cette postérité déjà promise, c’est qu’en renouvelant cette promesse, le Seigneur l’élargit considérablement. Il affirme maintenant que sa postérité sera comme les étoiles des cieux. Cependant, toujours rien de précis. - Comme plus tard la Vierge Marie, Abraham pouvait penser et pensait : “Comment cela se fera-t-il ?“. Question qui est si souvent la nôtre !

Mais “Abraham eut foi dans le Seigneur, est-il dit, et pour cela le Seigneur le considéra comme juste !“. C’est une phrase capitale qui atteste que la foi est un acte de confiance dans les promesses du Seigneur, humainement irréalisables. De même origine que le mot “Amen“, le terme traduit par “foi“ exprime encore la vérité, la fermeté, la fidélité. Et Dieu reconnaît à Abraham le mérite de cet acte (Cf Dt 24.13 ; Ps 106.31) qui le rend juste, qui l’ajuste à Dieu. La justice n’est pas avant tout une vertu morale ; elle implique d’abord un accord avec le dessein de Dieu exprimé par ses promesses. Le prophète Isaïe insistera particulièrement sur la foi que le Seigneur attend de son peuple (Is 7.9 ; 28.16 ; 30.15…).
Et St Paul utilisera cette phrase pour prouver que la justification dépend de la foi et non des œuvres, en insistant fortement sur la gratuité - parfois paradoxale - du don de Dieu (Rm 4). Alors même, bien sûr, que St Jacques invoquera le même texte pour condamner la foi “morte“, sans les œuvres de la foi (Jc 2). Si Dieu a choisi librement d’être le protecteur d’Abraham, Abraham doit être le libre protecteur de ses frères… - Terrible question pour chacun de nous ! [C’est tout cela qui est contenu dans le mot “Amen“ que nous disons si souvent].

Et il y a le signe de cette promesse divine reçu par l’“Amen“ d’Abraham : le rite de l’Alliance (Cf Jr 34.18). Un important contrat était souvent scellé par le sacrifice d’animaux. Et chacun des contractants passait entre les chairs sanglantes, appelant sur lui le même sort s’il transgressait l'engagement. Cependant, ici, Dieu… - sous le symbole du feu, comme plus tard au buisson ardent (Ex 3.2) et avec la “colonne de feu“ au désert (Ex 13.21) et sur la montagne fumante du Sinaï (Ex. 19.18) - … Dieu passe seul entre les animaux partagés, car son alliance est un pacte unilatéral.

Et finalement, Dieu en Jésus Christ, viendra verser son propre sang en signe de l’Alliance éternelle ! Et St Paul pourra résumer : “C’est lui, Jésus, que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang, par la moyen de la foi, pour montrer ce qu’était sa justice !“ (Rm 3.25). Et la lettre aux Hébreux précisera : “Le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir (des promesses divines). C’est par son propre sang qu’il a obtenu une libération définitive“ (Hb. 9.11-12). Oui, dira St Jean, “le sang de Jésus nous purifie de tout péché“ (I Jn 1.7).

Mais dites-moi, aujourd’hui encore, “la coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ ?“ (I Co. 10.16). Et ainsi, “au moment de la consécration, les deux mille ans qui nous séparent de la Croix rédemptrice sont abolis ; nous sommes là comme l’étaient la Vierge et St Jean“ (Card Journet). On ne peut aller au-delà ni rien ajouter après l’Eucharistie ; il n’est rien vers quoi on puisse tendre ; il faut s’arrêter là“ (Nicolas Cabasilas). Que ce mystère inauguré avec Abraham, notre “Père dans la foi“, actualisé en nos âmes par la foi, est grand ! Oui, il est grand le mystère de la foi !

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