lundi 4 janvier 2010

La Prédication de Jésus - Lundi après l’Epiphanie - (I Jn. 3.22sv – Mth sv)

Dans le contexte de l’Epiphanie, St Matthieu nous parle de cet Epiphanie que fut l’entrée de Jésus dans sa vie publique et sa première prédication.

Pourquoi Jésus quitte-t-il Nazareth pour aller faire de Capharnaüm le centre de sa prédication ? On peut voir en cela trois raisons :
  • La première est qu’il n’est pas très bien vu à Nazareth comme il le dit lui-même : “Un prophète n’est jamais très bien vu en son propre pays !“. Allusion peut-être à Jérémie et à son milieu d’Anathoth où il était rejeté ! (Cf. Jr. 11.18sv)
  • La deuxième raison est peut-être simplement topographique. Nazareth est en dehors des routes. C’est seulement au Moyen-Age que les Croisés ont fait converger les routes vers les “Lieux Saints“ qu’ils vénéraient, vers Nazareth perdu dans les collines. Certes, Jésus n’a pas fait de “propagande“ au sens moderne du mot ; mais il voulait donner un minimum de retentissement à son enseignement. Aussi fallait-il qu’il se rapproche des grandes voies de communication que commandent le relief et la topographie : Capharnaüm était une étape sur la célèbre “via maris“ qui reliait l’Egypte et les empires qui se succédaient en Mésopotamie. Leçon apostolique : c’est là où se trouvent les hommes qu’il nous faut, nous aussi, annoncer la “Bonne Nouvelle“ !
  • On peut distinguer aussi une troisième raison à ce passage de Nazareth à Capharnaüm : Capharnaüm était près de la frontière qui séparait les états d’Hérode Antipas et ceux de son frère Philippe. Jésus n’a jamais injurié personne ; il a cependant traité Hérode de “renard“ : “Des Pharisiens lui dirent : "Pars et va-t-en d'ici ; car Hérode veut te tuer". Il leur dit : "Allez dire à ce renard : Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd'hui et demain, et le troisième jour je suis consommé ! Mais aujourd'hui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route, car il ne convient pas qu'un prophète périsse hors de Jérusalem“. (Luc 13.32).

De fait, après une période d’enthousiasme des foules, après la multiplication des pains, Jésus s’isolera avec ses apôtres dans les états de Philippe, jusqu’au pied de l’Hermon, à Césarée de Philippe, en cette région où l’Eglise sera fondée sur la confession de Pierre. Retraite-Prédication ; Prédication-retraite : ce sont les deux phases de tout apostolat !

Mais ce qu’il est important de remarquer, c’est cette orchestration que St Matthieu va chercher dans le langage traditionnel des délivrances, pour montrer l’importance de cette Epiphanie qu’est l’entrée dans la vie publique de Jésus par sa prédication.

Cette prédication, il l’a situe dans un langage qui est né lors des grandes victoires qui ont permis la réunification des tribus du Nord et du Sud, par delà cette plaine d’Esdrelon qui faisait partie des horizons habituels de la vie cachée de Jésus. Les Hébreux, bons soldats dans la montagne lors de la conquête, n’osaient pas s’aventurer dans la grande plaine d’Esdrelon qui sépare la Samarie de la Galilée. Cette plaine, lors du partage, avait été attribuée à la tribu “Issachar“, laquelle ne s’était jamais sentie chez elle en cette plaine ! (1) : Issachar voyait arriver des déserts de l’Est des pillards madianites qui dévastaient tout sur leur passage et allaient ravager les récoltes jusqu’à la plaine côtière. En sens inverse, les Philistins, installés sur la côte, inspiraient des craintes semblables. Par surcroît, les Cananéens, restés dans le pays, avaient, comme les Egyptiens, des chars et des chevaux que les fantassins Israélites n’osaient affronter. Deux batailles épiques réussirent à vaincre tous ces obstacles : contre Madian, au temps de Gédéon. Et contre Sisera au temps de la prophétesse Déborah. (2)

Matthieu insère la prédication de Jésus dans le langage des délivrances qui jaillit de ces deux batailles épiques, langage que reprend le prophète Isaïe en le rattachant aux grandes délivrances initiales de la sortie d’Egypte : “Ayant appris que Jean avait été livré, il se retira en Galilée et, laissant Nazareth, vint s'établir à Capharnaüm, au bord de la mer, sur les confins de Zabulon et de Nephtali, pour que s'accomplît l'oracle d'Isaïe le prophète : « Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Route de la mer, Pays de Transjordanie, Galilée des nations ! Le peuple qui demeurait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur ceux qui demeuraient dans la région sombre de la mort, une lumière s'est levée ». Dès lors Jésus se mit à prêcher et à dire : "Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche". (Mth 4.12-17).

Mais avec le temps, la notion de “délivrance“ s’est purifiée, spiritualisée. La lumière qui jaillit de la prédication de Jésus n’est plus celle qui sortit des cruches cassées de Gédéon qui avait mis en fuite la multitude des Madianites. C’est la lumière de la Parole de Dieu fait chair pour demeurer parmi nous et éclairer toutes les nuits de l’existence présente avant que nous arrivions dans l’Eternité glorieuse. Dès le début, LA PREDICATION DE JESUS EST UNE PREDICATION DE DELIVRANCE ! En profitons-nous ?

  1. Le nom signifie d’ailleurs : “homme de peine, corvéable à merci“.
  2. Pour bien comprendre, il faut lire les récits (sauvages !) de ces deux batailles célèbres, surtout celle menée par Gédéon : Jug. ch. 7. Et Déborah : Jug. ch. 4.

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