mardi 5 janvier 2010

La prédication de Jésus ! - Mardi après l’Epiphanie - (2) (Mc 6.34 sv)

Toujours dans le contexte de l’Epiphanie, de la “manifestation“ que fait Jésus de sa personnalité messianique accomplissant les Ecritures, la liturgie nous fait relire en St Marc la multiplication des pains. C’est en effet dans le signe de la multiplication des pains, dans la discrétion même de ce signe, que Jésus révèle au maximum son mystère de Verbe Incarné !

Jésus a séduit les foules par ses paroles ; elles s’écriaient en l’écoutant : “Jamais homme n’a parlé comme cet homme. Il ne parle pas comme les scribes, mais avec autorité !“. On m’a dit que sous cette expression banale “avec autorité“, il y avait l’expression par laquelle on désignait les paroles que Dieu adressait au peuple non par l’intermédiaire de Moïse, mais directement. C’est une allusion à un passage de l’Exode (1).

C’est le même Dieu qui parle au bord du lac, sur la montagne des Béatitudes, mais non plus dans les éclairs et le tonnerre, comme il le fit dans les étapes antérieures de sa pédagogie divine envers le peuple élu. Déjà avec Elie à l’Horeb (2), il y a une progression.

Jésus ne parlait pas que par ses discours et ses paraboles ; il parlait par tout son comportement, étant le “Verbe Incarné“ en qui habite la plénitude de la divinité. Ses silence, ses regards, ses colères, ses gestes de compassion, tout son comportement était “révélation de son mystère“ !

Mais de tous les gestes, il y en avait un auquel il attribuait une valeur privilégiée : la fraction du pain. Il prenait du pain, il le levait en signe d’action de grâce, exprimant ainsi l’identité du peuple Juif auquel il appartenait : le “Peuple de l’action de grâces“. Et ensuite il le rompait et le distribuait aux foules par le ministère des apôtres. St Marc et St Matthieu nous parlent de deux multiplications des pains. St Luc et St Jean n’en citent qu’une ! Mais le geste devait lui être très familier. Et après sa résurrection, lorsque les disciples ne sont pas encore habitués à percevoir sa présence plus réelle que jamais, on le reconnaît à la “fraction du pain“, et pas seulement sur la route d’Emmaüs !

C’est ce geste qu’il nous a laissé “en mémorial“. Les premiers chrétiens le pratiquaient à Jérusalem avant que le temple soit détruit en 70. Ensuite, ils comprirent qu’il y avait dans ce geste tout simple une richesse infiniment plus grande que dans les cérémonies sacrificielles les plus fastueuses du temple disparu.

Ce geste, nous le pratiquons quotidiennement sans pouvoir nous y habituer. L’Eglise s’est battue à longueur de siècles contre ceux qui portaient atteinte à la réalité de la présence réelle, en la réduisant à un vague symbolisme !

Ce geste tout simple est un geste auquel déjà il ne manque rien. Le pain que le prêtre, en la personne du Christ, élève vers le ciel, c’est l’Univers qui retrouve son équilibre, dans la convergence de sa complexité, vers l’Unité du Créateur. Le vin devenu le sang rédempteur permet ce retour universel de la création vers le Créateur…

Henri Suso, un mystique rhénan du 13ème siècle, disciple de Maître Eckhart, exprimait ainsi ce qu’il ressentait en célébrant l’Eucharistie : “Je contemplais, en esprit, tout mon être, mon âme, mon corps, mes forces et mes puissances, et autour de moi toutes les créatures dont le Tout-Puissant a peuplé le ciel, la terre… et les anges du ciel, les bêtes des forêts, les habitants des eaux, les plantes de la terre, le sable de la mer, les atomes qui volent dans l’air aux rayons du soleil, les flocons de neiges, les gouttes de la pluie et les perles de la rosée. Je pensais que jusqu’aux extrémités les plus reculées du monde, toutes les créatures obéissent à Dieu et contribuent autant qu’elles peuvent à cette mystérieuse harmonie qui s’élève sans cesse pour louer et bénir le Créateur. Je me figurais alors être au milieu de ce concert comme un maitre de chapelle ; j’appliquais toutes mes facultés à marquer la mesure ; j’invitais, par les mouvements les plus vifs de mon cœur, les plus intimes de mon âme, à chanter joyeusement avec moi : “Sursum Corda !“ - “Habemus ad Dominum !“ - ‘“Gratias agamus Domino Deo nostro !“. (“Elevons notre cœur - Nous le tournons vers le Seigneur - Rendons grâce au Seigneur notre Dieu !“).
  1. Ex. 20.18sv : “Tout le peuple, voyant ces coups de tonnerre (litt. : ’voyant les voix et les éclairs…’), ces lueurs… et la montagne fumante, eut peur et se tint à distance. Ils dirent à Moïse : "Parle-nous, toi, et nous t'écouterons ; mais que Dieu ne nous parle pas, car alors c'est la mort". Moïse dit au peuple : "Ne craignez pas. C'est pour vous mettre à l'épreuve que Dieu est venu, pour que sa crainte vous demeure présente et que vous ne péchiez pas". Le peuple se tint à distance et Moïse s'approcha de la nuée obscure où était Dieu. Le Seigneur dit à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites : Vous avez vu vous-mêmes comment je vous ai parlé du haut du ciel…“.
  2. I Rois 10.9sv : Elie “entra dans la grotte... La parole de Dieu lui fut adressée : "Que fais-tu ici, Élie ?". Il répondit : "Je suis rempli d'un zèle jaloux pour le Seigneur Dieu, parce que les Israélites ont abandonné ton alliance... Je suis resté moi seul ; et ils cherchent à m’ôter la vie". Le Seigneur lui fut dit : "Sors et tiens-toi dans la montagne devant le Seigneur". Et voici que Dieu passa. Il y eut un grand ouragan…, mais Dieu n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan un tremblement de terre, mais Dieu n'était pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre un feu, mais Dieu n'était pas dans le feu ; et après le feu, le bruit d'une brise légère“. (Littér. : “dans l’éclatement d’un silence“ ou “dans une poussière de silence !“).

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