jeudi 7 janvier 2010

Nous et…les autres ! - Jeudi après l’Epiphanie - (Lc 4.14 sv)

Aujourd’hui, c’est au tour de St Luc de nous parler d’Epiphanie, de la “manifestation“ de Jésus de Nazareth, lors de son passage de la vie cachée à la vie publique. Il le fait à sa manière. Ainsi, nous sommes, jour après jour, en ce temps de l’Epiphanie, invités à admirer la convergence des Evangélistes sur l’essentiel du message chrétien, en même temps que les différences extrêmement grandes entre leur style, leurs angles de vue, le public auquel ils s’adressent.

Il y a quelques jours, St Matthieu, le “Bon scribe“, dans le prologue de son Evangile, à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, tirant “de son trésor de l’ancien et du nouveau“ (Mth 13.51. Cf. Cant 7.14), nous montrait la gentilité, en la personne des mages ; ils ignoraient tout des Ecritures, mais arrivaient finalement à la crèche de Bethléem, à la différence des scribes qui connaissaient les Ecritures par cœur, mais ne se dérangèrent pas !

C’est le drame que reflète tout le Nouveau Testament en général ! Comment cela se fait-il que le Peuple élu, préparé par Dieu par une pédagogie toute spéciale, est absent quand s’accomplissent les promesses ? Alors que, paradoxalement, la Gentilité, les païens, ces “adorateurs d’étoiles“ (les “Akoum“, comme on disait) viennent se prosterner devant le Messie !

C’est ce même drame dont nous entretient aujourd’hui St Luc à la Synagogue de Nazareth (Lc 4.14sv).

C’était le jour du Shabbat. Jésus se rend à la Synagogue selon son habitude. On lui confie la lecture du jour, tirée du prophète Isaïe. Le commentaire qu’il fait ensuite suscite l’admiration de l’entourage : “Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche“.

Ensuite, brusquement, surgit le scandale de la simplicité. On lui reprochera de ne pas avoir fait à Nazareth les miracles qu’il a faits à Capharnaüm.

[N.B. St Luc, lui, n’a pourtant pas encore parlé de capharnaüm ! Selon un procédé courant, Luc fait un tableau où, comme dans une préface, il résume le drame qu’il va développer dans la suite de son livre].

Alors, comme dans St Matthieu, Jésus parlera des païens qui viennent à la foi, alors que ses compatriotes se bloquent dans un refus. Les païens viennent de l’Ouest comme la veuve de Sarepta au temps du prophète Elie. Les païens viennent aussi de l’Est, comme Naaman, le Syrien qui fut guéri de sa lèpre au temps du prophète Elisée. Ces deux allusions aux païens qui viennent à la foi mettent les gens de la Synagogue en fureur à tel point qu’on veut le précipiter du haut d’un escarpement de la colline. Mais lui, “passant au milieu d’eux, allait son chemin“… Il descendit à Capharnaüm, au bord de la “via maris“, qui devient comme en St Matthieu le centre de sa prédication.

Comme vous le savez, St Luc est aussi l’auteur des “Actes des Apôtres“. Et on ne peut s’empêcher de rapprocher la scène que nous venons d’entendre de la scène qui nous est racontée à Jérusalem lors de l’arrestation de Paul (ch. 22ème). Accusé d’avoir introduit un païen, un certain Trophime d’Ephèse, dans la partie du temple réservée aux seuls Juifs, il échappe à la foule qui veut le lyncher. Il obtient de parler à la foule, étonnée de l’entendre s’exprimer en bon hébreu. Il se vante de sa culture judaïque acquise aux pieds de Gamaliel. On l’écoute avec une attention admirative, comme on avait écouté Jésus de Nazareth. Mais quand il en vient à parler après un long discours, de la mission qu’il a reçue d’annoncer l’Evangile aux païens, l’atmosphère change du tout au tout, comme à Nazareth lorsque Jésus parle de Naaman, le Syrien et de la veuve de Sarepta.

Actes 22. 17sv : "De retour à Jérusalem, il m'est arrivé, un jour que je priais dans le Temple, de tomber en extase. Je vis le Seigneur, qui me dit : "Hâte-toi, sors vite de Jérusalem, car ils n'accueilleront pas ton témoignage à mon sujet". - "Seigneur, répondis-je, ils savent pourtant bien que, de synagogue en synagogue, je faisais jeter en prison et battre de verges ceux qui croient en toi ; et quand on répandait le sang d'Étienne, ton témoin, j'étais là, moi aussi, d'accord avec ceux qui le tuaient, et je gardais leurs vêtements". Il me dit alors : "Va ; c'est au loin, vers les païens, que moi, je veux t'envoyer". Jusque-là on l'écoutait. Mais à ces mots, on se mit à crier : "Ôtez de la terre un pareil individu ! Il n'est pas digne de vivre !". On vociférait, on jetait ses vêtements, on lançait de la poussière en l'air".

Le récit de St Luc, aujourd’hui, s’arrête au v.22. J’ai cru bon, cependant, de le prolonger car le problème, même s’il est différent aujourd’hui, est, en Israël, plus actuel que jamais ! Et - de plus - ce grave problème n’est-il pas parfois “transféré“ aussi chez nous ? Entre nous, “chrétiens“ et … “les autres“ ? L’ostracisme est toujours d’actualité ! Hélas ! Pourtant, toute la Bible le crie : Dieu aime tout homme sans distinction !

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