jeudi 7 mai 2009

Les “publicains“, “Zélotes“, “Iscariotes“… - Pâques 4. Jeudi - (Jn 13.16-20)

“Je connais ceux que j’ai choisis. Mais il faut que l’Ecriture s’accomplisse : « Celui qui mange mon pain m’a donné un coup de pied »“.

La citation est du psaume 41.10 : “Même l’ami sur qui je comptais et qui partageait mon pain a levé le talon sur moi !“. La phrase vise celui qui vit de l’ami et qui soudainement prend une attitude hostile…

Naturellement, ici, c’est Judas qui est désigné. D’ailleurs, les versets suivant sont plus explicites : “L’un de vous va me livrer !“.

Personnellement, je me suis souvent interrogé sur Judas comme sur ceux qui “tournaient le dos“, soudainement, à Dieu…, à leur famille ou amis… Et je pense à l’attitude de certains qui, de leurs parents, ont “mangé le pain“ - celui des hommes et celui de Dieu - et qui “ont donné un coup de pied…“.

Et en pensant à la souffrance causée, je pense à celle de Jésus face à Judas… à ceux qui se sont éloignés…, face à Pierre qui a renié… etc.

Quand même ! Jésus aurait-il manqué de discernement dans le choix de ses apôtres, de ses disciples ? Ma réponse est tout à fait personnelle et je demande de la prendre comme telle.

Le Fils de Dieu en s’incarnant est venu profondément s’implanter en notre pâte humaine telle qu’elle avait été, qu’elle était et sera. Aussi a-t-il voulu que le groupe de ses apôtres puisse refléter cette humanité qu’il venait délivrer une fois pour toutes et pour tous les siècles passés et futurs.

Regardez le groupe des apôtres. Ce ne sont pas des saints que Jésus a choisis. Ils ont les défauts de tous les hommes : ambition, querelles, avarice, jalousie… etc. Bien plus ! Ce Simon appelé “le Zélote“ avait peut-être gardé quelque peu la hargne de ces farouches et violents opposants aux Romains qu’Hérode le Grand, 70 ans auparavant, avait cruellement exterminés dans les grottes des falaises d’Arbel peu éloignées de Nazareth (1). Qu’avait pensé Jésus de cette violence dont on parlait certainement puisque l’historien Juif Flavius Josephe en fait le récit. Peut-être est-ce en faisant route vers Capharnaüm que Jésus, passant devant ces falaises, répondra habilement : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu !“.

Et dans le groupe des apôtres, il y avait donc Judas, appelé “Iscariote“ ! Certains se demandent s’il n’y a pas un rapprochement à faire entre “sicaire“ et “Iscariote“. Les “sicaires“ étaient des gens qui dissimulaient un poignard sous leur tunique et qui profitaient de la foule pour couper le cordon des bourses de leurs voisins et qui, à l’occasion, n’hésitaient pas à massacrer pour se sauver. Judas aurait-il été l’un de ses anciens “sicaires“. En tous les cas, on sait qu’il fut voleur et traitre !

Et il y a toujours des “sicaires“ plus ou moins habiles ! Qu’en pensait Jésus devant Judas ? Une chose est certaine : face aux divers mouvements (politiques ou terroristes), Jésus affichait une certaine liberté presque désinvolte : devant Simon le Zélote, Judas l’“Iscariote“ et tous les autres, il est l’ami d’un Centurion de l’armée romaine ; il fréquente les publicains, voleurs notoires ; l’un d’eux, converti, fut Matthieu ; il accueille Marie-Madeleine, la Samaritaine et va souvent en pays païen – ce qu’on lui reproche facilement.

Alors, je me dis : presque toutes les figures de notre triste humanité se trouvaient réunies dans le groupe des apôtres et des disciples. C’est que Jésus est venu pour cette humanité-là qu’il appelle à lui pour la sauver. Or l’humanité est toujours l’humanité. Si Jésus venait en notre monde, on trouverait sans doute autour de lui des zélotes, des sicaires, des voleurs, des renégats et sans doute des traitres… ! St Jean Eudes (17ème s.) qui connaissait bien la misère morale de son temps pour avoir accueilli bien de ses victimes, a cette belle méditation : C’est vrai, dit-il, les mystères (de salut) de Jésus ont été parfaitement accomplis en sa personne. Néanmoins, ils ne sont pas parfaitement accomplis et parfaits en nous, en son Eglise. Il veut faire, dit-il comme une extension et une continuation de ses mystères en nous, en toute son Eglise… L’Eglise continue l’œuvre de Jésus pour notre temps. Alors ne nous étonnons pas de trouver dans l’assemblée de l’Eglise, comme dans le groupe des apôtres, quelques personnes qui, apparemment, paraissent peu recommandables.

Peut-être saurez-vous maintenant répondre à ma question. Le Christ est mort et ressuscité pour tous les hommes, pour tous les “publicains“, les “zélotes“ et les “sicaires“ de notre temps. En tous les cas, par ma prière, je place ma question dans le mystère de la grande miséricorde de Dieu.

Je dis aussi cela pour les personnes qui pleurent en voyant certains des leurs ou de leurs amis vivre apparemment loin du Seigneur. Qu’ils sachent que leur chagrin est celui du Christ venu sauver tous les hommes par sa mort et sa résurrection. Aussi puissent-ils garder, comme dit St Paul, “une foi active, une charité qui se met toujours en peine et une persévérante espérance en Notre Seigneur“. (I Thess. 1.2).

(1) Curieusement, ce fut près des falaises d’Arbel qu’eût lieu également la célèbre défaite des Croisés face à Saladin (1187). Toujours la violence ! Et que penserait Jésus devant certains chrétiens, les “zélotes“ d’aujourd’hui, plein de zèle mais toujours farouches ?

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