lundi 18 mai 2009

Chrétien (2) : le persécuté ! - Pâques 6 - Lundi - (Actes 15.26sv)

“Et vous aussi, vous rendrez témoignage parce que vous êtes avec moi… On vous exclura des synagogues. Et même l’heure vient où quiconque vous tuera croira rendre honneur à Dieu !“.

Il est vrai que Notre Seigneur nous a bien avertis : “S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi !“ (Jn 15.20). N’est-ce pas un certain Saoul qui persécutait l’Eglise à peine naissante ? “Avec frénésie, je persécutais l’Eglise“, confessera-t-il (I Co. 15.9). Et ce faisant, il pensait certainement “rendre honneur à Dieu“ ! Or, devenu Paul, il s’exclamera après ses premiers voyages missionnaires : “Quelles persécutions, j’ai subies !“. (II Tim 9.11). Et il préviendra lui aussi : “Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés !“ (II Tim 3.12). Et l’on sait également qu’après la mort d’Etienne, premier martyr, une vague de persécution s’abat sur Jérusalem ; les disciples du Christ sont obligés de fuir ; et c’est ainsi qu’ils iront évangéliser la Samarie et au-delà : “Le sang des martyrs est semence de chrétiens“, dira plus tard Tertullien.

Les persécutions ne sont pas toujours violentes et meurtrières. Mais elles sont de tous les temps ! La plus banale, mais non la moins pernicieuse est la moquerie, le dédain, l’ostracisme… Elle se traduit aujourd’hui par une “christianophobie“, comme on a dit. Mgr Billé écrivait en l’an 2000 (il était président de la Conférence épiscopale) : “On peut se demander si depuis quelques temps, la situation de procès latent (contre l’Eglise) ne s’est pas aggravée… Il est vraisemblable qu’il s’agisse d’une sorte d’antichristianisme“. Cette situation est frappante dans le monde médiatique “comme le montre une avalanche d’événements récents et significatifs“. Que dirait aujourd’hui Mgr Billé devant cette “christianophobie“ qui va parfois jusqu’à la haine du Christ.

On peut en souffrir, certes ! Mais il ne faut pas s’en étonner. J’en profite pour donner une seconde explication au mot “chrétien“. C’est donc à Antioche qu’est apparue cette appellation pour désigner les disciples du Christ. J’ai déjà souligné que les manuscrits ont souvent hésité sur la prononciation « christianoi » ou « chrèstianoi ».

Nous avons déjà vu le sens de « christianoi », le plus obvie sans doute : ceux qui appartiennent au Christ, appartenance que résumait St Paul par sa formule : “Pour moi, vivre, Christ !“.

Mais le mot « chrèstianoi » n’est pas indifférent. Ce mot vient, bien sûr, de « chrèstos » qui veut dire : “bon“, qui exprime l’honnêteté, les bonnes mœurs, qui désigne l’homme de bien !

Alors, les Antiochiens - ceux qui repoussaient les disciples du Christ - les ont-ils surnommés « chrèstianoi », mais dans un sens très péjoratif. On sait, par les auteurs païens, que les Antiochiens avaient un esprit très caustique et qu’ils aimaient les surnoms moqueurs. Dans un sens péjoratif, « chrèstos » signifierait alors le “bon homme“, l’homme bon, mais d’une bonté si bonasse qu’elle en devient ridicule aux yeux de la société. Elle en deviendrait même nuisible ! Par analogie, on pourrait peut-être dire aujourd’hui : “chrétien-crétin“, celui qui toujours “se fait avoir“, tant il parait naïf dans sa bonté ! Et la moquerie devient ostracisme. Certains connaissent cela aujourd’hui ! Je ne sais s’il faut retenir cette explication. Ce que je sais : mieux vaut pécher par trop de bonté que n’en pas avoir par raison trop calculatrice… ! En tous les cas, ce mot pouvait être employé avec malveillance pour manifester du mépris, du dédain pour les disciples du Christ, mépris toujours plus ou moins répandu aujourd’hui !

Mais ce vocable pouvait aussi être employé par les chrétiens eux-mêmes dans un bon sens : Clément d’Alexandrie écrivait : “Le disciple du Christ, celui qui a cru au Christ (“christos“), est bon (chrèstos) et appelé tel“. Soyons donc toujours bons ! Comme le Christ lui-même…

J’ajoute avec triste malice que la persécution vient parfois, paradoxalement, des persécutés eux-mêmes, inconsciemment !

Un jour, une femme alla se confesser à St Philippe Néri (un saint du 16ème siècle, très original), s’accusant d’avoir dit du mal de certaines personnes. Le saint lui accorda l’absolution mais lui donna une étrange pénitence. Il lui demanda de rentrer chez elle, de prendre une poule et de revenir le voir en plumant la poule le long du chemin. Lorsqu’elle fut de retour, il lui dit : “Maintenant, rentre à la maison et ramasse une à une les plumes que tu as laissées tomber en venant jusqu’ici“. - “C’est impossible, s’exclama-t-elle. Le vent les a sûrement dispersées entre-temps, dans toutes les directions“. St Philippe Néri lui répondit : “Tu vois : de même qu’il est impossible de ramasser les plumes lorsqu’elles ont été éparpillées par le vent, il est également impossible de retirer des ragots et des calomnies une fois qu’ils ont été prononcés“.

Que de persécutés, nous ne devenions pas persécuteurs !

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