mardi 12 mai 2009

La Paix - Pâques 5 - Mardi – (Jean 14.27-31)

“Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix !“

Dom Guéranger – vous comprendrez que je le cite – écrivait à la future première Abbesse de Solesmes, la jeune Cécile Bruyère : “La chose la plus importante est de ne jamais perdre le calme et de conserver la paix de son âme. Dans le cours de la vie, bien des choses vous choquent ; faut-il pour cela perdre la paix de l’âme ? Non, assurément. Il n’y a de mal pour nous que dans ce qui nous sépare de Dieu !“.

Qu’est-ce donc que la paix ? Comment l’acquérir et la conserver ?

En hébreux, le mot “shalom“ - que l’on traduit par paix - vise surtout le bien-être qui résulte de l’épanouissement de toutes les virtualités que le Créateur a mises en chacun de nous : les épanouir parfaitement, de façon harmonieuse !

On pourrait dire que l’homme de paix, c’est le “kalosagaqoj“ grec (kaloj: : bon ; agaqoj : beau, noble). C’est la profondeur de sa bonté qui transparaît dans la beauté de ses nobles attitudes : un “gentleman“, “l’honnête homme“ du 17ème siècle ! Et l’harmonie qui se dégage de l’accord parfait entre toutes ses facultés (intelligence, volonté, sensibilité) ne peut que solliciter et provoquer un chant mélodieux de toutes les relations : entre individus, cités, états… Ce sera alors le “bien-être“ social : la paix !

Mais pour un Juif, ce “bien-être“ ne peut s’obtenir que par un don de Dieu. Aussi, le mot “shalom“ sous-entend une relation amicale, une alliance amoureuse avec Dieu : “Je fais don de mon alliance, dit Dieu à Moïse, en vue de la paix !“ (Deut .25.12).

Une paix qui appelle à une action parfois combattive. Car la paix n’est ni la paresse ni un faux désintéressement ! Quand Gédéon s’aperçoit finalement que c’est bien le Seigneur qui lui est apparu et qui l’envoie défendre le peuple contre les Madianites, il appelle le lieu de l’apparition divine, paradoxalement : “Le Seigneur est Paix !“.

Chez les prophètes, la paix sera surtout un bien messianique : cf Is. 2.2sv ; Ps 46.10 : “Le Seigneur, le Tout-Puissant, est avec nous. Il arrête les combats jusqu’au bout de la terre !“ – Osée 2.20 : “Je conclurai pour eux en ce temps-là une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre. L’arc, l’épée et la guerre, je les briserai…“. (Cf. Zach 9.9sv ; Michée 5.4).

La Septante a traduit le mot “shalom“ par “eirhnh“ (d’où notre mot “irénisme, irénique) : c’est l’absence de conflits qui, pour un disciple du Christ, ne peut être également qu’un don, une grâce de Dieu. Aussi St Paul associe les deux mots pour saluer les Corinthiens par exemple : “A vous grâce et paix ! (Ils en avaient besoin !) de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ“ (I Co. 1.3 ; cf. I Pierre 1.2 ; Apoc 14.9). Si la grâce (“Carij“) est la faveur divine (Cf. Annonciation), la paix (“eirhnh“) est la somme des biens que l’homme en retire : biens spirituels et humains tout à la fois ! C’est le bonheur chrétien ! De sorte que l’on pourrait dire : La grâce commence tout ; la paix couronne tout !

Et comme nous sommes dans une chapelle occupée autrefois par des Religieuses de la Visitation, Ordre fondée par St François de Sales, on peut citer ce grand auteur spirituel qui affirmaient ses convictions et donnaient ses conseils avec, tout à la fois, grande fermeté et grande douceur : “Paix !, dit-il, laquelle ne s’acquiert en cette vie que par l’union de l’entendement, de la mémoire et de la volonté avec l’esprit – et de l’esprit avec Dieu !“ - “Si nous voulons avoir la paix en nous-mêmes, il ne faut avoir qu’une volonté et qu’un seul désir, imitant St Paul qui ne voulait prêcher et sçavoir qu’une seule chose, à sçavoir Notre Seigneur Jésus Christ et iceluy (celui-ci) crucifié ; car nous posséderons comme lui la vraie paix si nous ramassons bien toutes nos puissances et facultés intérieures afin de les occuper toutes en l’amour de notre doux Sauveur, lequel sans doute ne manquera pas de nous visiter afin de nous donner sa sainte paix…“.

Oui, la paix comme la joie, n’est pas précisément une vertu, mais le fruit de la plus hautes des vertus. La paix est fille de la charité. Il faut la rechercher, dit St Pierre (I Pet. 3.11 ; cf Ps 34.15) et la poursuivre. Elle aura parfois l’air de fuir ; il ne faut pas se décourager, s’irriter de ses lenteurs qui sont, après tout, que nos propres lenteurs à nous. Il n’y a jamais de raison de sortir de cette paix : ni événements, ni souffrance, ni fautes même ; car on ne corrige pas des erreurs avec du désordre ; et le repentir n’est pas du trouble…

Mère Térésa avait raison :
  • Le fruit de la prière est la foi…
  • Le fruit de la foi est l’Amour…
  • Le fruit de l’Amour est la paix.

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