jeudi 8 janvier 2009

Il “radotait“ le secret du monde ! - (I Jn 4.19 - 5.4)

Le début de la lecture d’aujourd’hui est la conclusion de ce que St Jean nous a déjà dit : C’est parce que Dieu nous aime que nous devons aimer nos frères. Le motif de notre amour fraternel, c’est l’amour que Dieu nous porte ! Il faut le constater : le Nouveau Testament insiste beaucoup plus sur l’amour des frères que sur l’amour de Dieu ! Cela paraît extraordinaire ! Et non ! Puisque la charité fraternelle est la seule réponse valable à l’amour que Dieu a pour nous. Aussi : “si quelqu’un dit « j’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur…“. C’est l’une des phrases les plus fortes du Nouveau Testament.

Et St jean d’insister : « son frère qu’il voit »! Il faut donc le voir, le regarder ! C’est tellement facile, n’est-ce pas, de croiser quelqu’un en ne le regardant pas, en ne le voyant pas, surtout s’il nous est quelque peu désagréable.

Jérôme, dans son commentaire de la lettre aux Galates, écrivait : « Le Bienheureux Jean évangéliste vécut à Ephèse jusqu’à un âge avancé. A peine ses disciples pouvait-il le porter à l’église ; et lui ne pouvait prendre longuement la parole. Aussi, à chaque réunion, avait-il l’habitude de ne rien d’autre que ceci : « mes enfants, aimez-vous les uns les autres ». A la fin, ses disciples fatigués d’entendre toujours le même discours (les vieux, ça “radote“ toujours, c’est bien connu !) finirent par lui dire : « Maître, pourquoi nous dis-tu toujours la même chose ? ». Il répondit : « parce que c’est le commandement du Seigneur. Ne ferait-on que l’accomplir, ce serait suffisant » ». Oui, St Jean « radotait », mais il « radotait » le secret du monde !

Ensuite, St Jean (ch 5) reprend le thème de la foi. Il est tellement important à ses yeux puisque la charité implique la foi ! « Tout homme qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu. Et celui qui aime le Père (celui donc qui engendre, de qui nous sommes nés) aime aussi celui qui est né de lui » : non seulement Jésus, reconnu comme le Christ, Fils de Dieu fait homme, mais chaque frère !

Et il est à remarquer que St Jean emploie le singulier : le frère, « celui qui est né de lui (de Dieu) ». Car le chrétien, en effet, n’aime pas ses frères « en vrac », si je puis dire, en masse, en collectivité. Il les aime personnellement ! L’amour de la masse, de la collectivité me paraît très suspect ; c’est souvent un alibi pour ne pas aimer les personnes. Il s’agit d’aimer chaque personne. D’ailleurs, au nom d’un groupe, d’une classe, on sous-entend, plus ou moins inconsciemment, qu’il faut détester l’autre groupe, l’autre classe. Evidemment ! C’est toujours cette bipolarisation qui empoisonne nos sociétés : gauche-droite ; vieux-jeunes ; intégristes-progressistes… etc, etc. Et bien non ! Chaque personne est aimable, à aimer.

Et, de plus, il faut bien comprendre cette phrase de St Jean : “Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu lorsque nous aimons Dieu…“. Il s’agit, là encore, de l’amour de charité ! La formule courante : “Aimer ses frères pour l’amour de Dieu“ est pratiquement un contresens à ce que St Jean dit. En tous les cas, elle est dangereuse et irrecevable pour un incroyant qui répondra très logiquement : “C’est Dieu que vous aimez ou les hommes ? Si c’est pour l’amour de Dieu que vous les aimez, ce n’est pas pour eux que vous aimez !“. La formule est donc mauvaise. La réalité, c’est que aimer Dieu, ce sera en même temps aimer de charité son frère. Et il n’y a pas là de confusion : quand j’aime mon frère de charité, je veux pour lui qu’il soit en Dieu (« ut in Deo sit »). C’est donc vraiment lui que j’aime pour qu’il atteigne sa perfection, sa plénitude (qu’il soit « à l’image et ressemblance de Dieu »). Et quand j’aime Dieu, je désire que Dieu soit connu et aimé de tous ceux qu’il aime ; et c’est bien pour lui également que je le veux. Et il n’y a pas là de confusion. St Irénée l’a bien exprimé dans sa fameuse formule : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant », vivant de la charité divine (« Gloria Dei vivens homo ! »). C’est donc à la fois d’un unique amour que j’aime Dieu en personne et l’homme en personne !

Une dernière remarque : les commandements de Dieu (aimer) ne sont pas un fardeau. Ils sont pesants quand nous voulons les accomplir par nous-mêmes, par nos propres forces. Mais celui qui est né de Dieu, qui reçoit la charité de Dieu, il les accomplit dans l’aisance qui vient de la charité. Et puis, si c’est vraiment de charité que nous aimons, cet amour-là donne des ailes… Et cet amour-là est toujours vainqueur de la victoire du Christ lui-même, le vainqueur du monde !

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