lundi 12 janvier 2009

“L’Epoux et l’Epouse “ ! - 2 T.O. Lundi imp. (Mc 2.18-22)

L’évangile rappelle une controverse qui permit à Jésus d’aller plus loin dans la révélation de sa personne. L’incident eut probablement lieu un jour de jeûne facultatif. Les disciples de Jean-Baptiste qui pratiquaient les dures pénitences de leur Maître et les pharisiens reprochent à Jésus son manque d’austérité. En bon oriental, Jésus s’explique par une parabole : est-il imaginable que les amis de l’époux jeûnent le jour de son mariage ?

Mais de quelles noces s’agit-il et de quel époux ? St Augustin répond : « Le Fils de Dieu est venu dans le monde pour des noces ! Et quelles noces ! Les noces de Dieu avec l’humanité… Le Fils de Dieu est en effet l’Epoux, et l’Epouse est la nature humaine ». Oui l’Epoux c’est Jésus, Dieu fait homme ; l’épouse, ce sont tous ceux qui l’accueillent par la foi.

D’ailleurs, tout au long de l’histoire du peuple d’Israël, la Bible raconte comment Dieu a préparé son peuple à la venue de son Fils : ce fut comme de longues fiançailles que le prophète Osée surtout évoque : « Tu seras ma fiancée, dit Dieu à son peuple, et ce sera pour toujours. Tu seras ma fiancée, et je t’apporterai la justice et le droit, l’amour et la tendresse, la fidélité et la connaissance de ton Seigneur ». (Os. 2.21-22).

Mais il s’agit de noces bien singulières ! Par Jésus, l’époux est bien « avec nous » : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ». Mais celui qui est « avec » sera aussi « absent », loin d’eux : « là où je vais, vous ne pouvez pas venir ». – « Mais là où je vais, vous y serez, vous aussi, un jour, avec moi ! ».

C’est la situation complexe du chrétien qui possède déjà mais non parfaitement... : le Christ se manifeste bien mais dans une certaine absence. Ste Elisabeth de la Trinité écrivait : « La foi, c’est le face à face dans les ténèbres, la possession à l’état obscur ».

Oui, c’est le paradoxe de notre vie chrétienne. Et il est parfois humainement très douloureux. Beaucoup de saints l’ont expérimenté jusqu’à l’extrême… Ste Thérèse de Lisieux quelque temps avant sa mort… Mère Térésa… et bien d’autres.

La foi, notre foi - il ne faut pas s’en étonner - est souvent une « mise à l’épreuve » : elle nous fait nous réjouir de la présence du Christ parmi nous, mais dans l’obscurité. Il est là, mais invisiblement, « lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore », écrira St Pierre. (I Pet 1.8).

Toute la Bible en témoigne : notre pèlerinage terrestre (pèlerinage, en hébreu : « rééya », du mot « raa » : voir) est une tension permanente vers Dieu que l’on désire voir ! A l’exemple du pèlerin du ps. 83 : « mon cœur et ma chair (=tout mon être) crient de joie vers le Dieu vivant». Ce pèlerin marche, il marche de « hauteur en hauteur », c’est-à-dire de « vertu en vertu ». Et il ne cesse de dire : « Quand verrai-je la face de Dieu ?(1) ». Son désir est tellement ardent que c’est comme s’il voyait déjà !

Nous sommes dans cette situation, celle encore d’Abraham, notre père dans la foi à qui il est dit : « Va vers le pays que je te ferai voir ! ». Et d’après l’hébreu, il faudrait traduire : « Va-t-en pour toi ! », tant l’amour de Dieu qui appelle vers un pays à voir n’est pas captatif. C’est un amour qui affirme au contraire : « Va-t-en pour toi !» Va ton chemin, épanouis tout ce que j’ai mis en toi quand je t’ai créé “à mon image et ressemblance“ - « Va-t-en pour toi !“ Pour ton bonheur ! Et le bonheur, c’est voir Dieu !

Et Abraham part… « Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et qu’on lui avait dit : « C’est par Isaac qu’une descendance te sera assurée ». Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter… »(Heb 11.17).

C’est ce que la foi des psalmistes chantera également :
  • « Ce Dieu est pour nous le Dieu des victoires, et les portes de la mort sont à Dieu le Seigneur ». (ps.68.21)
  • « Notre Dieu nous conduit au-delà de la mort » (Ps 48.15).

Et Si, comme Abraham, les circonstances de la vie mettent fortement à l’épreuve, demeure cependant chez le croyant, malgré la souffrance, cette certitude de rencontrer Dieu, de le voir : « Ah ! si seulement on écrivait mes paroles !... Je sais, moi, que mon Rédempteur est vivant… et qu’après avoir détruit cette peau qui est mienne, c’est dans ma chair que je verrai Dieu. C’est moi qui le verrai, oui, moi ! Mes yeux le verront, lui… ! Mon cœur en brûle au fond de moi ». (Job 19.25sv).

Je sais – ô combien - que la souffrance peut troubler l’œil de la foi qui alors perd son acuité ; et l’élan est comme alors arrêté pour aller « voir celui qui nous voit sans cesse ».

Et si vous êtes dans cette situation bien compréhensible, suivez cependant le conseil de St Bernard : « Tu désires voir ! Ecoutes d’abord ! ». Car cette connaissance imparfaite qui nous arrive déjà par l’oreille nous rajeunit déjà à l’image de l’éternelle jeunesse de Dieu ; elle fera place à la connaissance parfaite que l’on aura par la vision. Alors, le pouvoir transformant de la connaissance s’exercera au maximum et nous serons, comme disent les Pères de l’Eglise, « divinisés ».

« Car ma parole ne retourne pas vers moi sans résultat… »(Is . 55.10)

(1) A noter que la tradition juive a corrigé : voir Dieu ici bas ! Non, ce n’est pas possible. On a donc corrigé par le passif tout en gardant le complément d’objet direct : m-à-m. : « quand serais-je vu la face de Dieu ? ».

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