samedi 3 mai 2014

Sts Philippe et Jacques !

3 Mai 2014   - 

Evoquer tel ou tel apôtre ne peut se faire, me semble-t-il, sans considérer leurs rapports avec Jésus, leur rencontre avec le Seigneur - Dieu et homme -, cette rencontre qui a bouleversé leur vie !

D'ailleurs, la vie du chrétien elle-même, digne de cette appellation - et a fortiori celle d'un religieux, d'une religieuse - n'est-elle pas le fruit d'une rencontre personnelle avec le Christ, fruit d'une expérience de sa présence près de nous, en nous ?
Cette rencontre avec le Christ n'a probablement pas été spectaculaire comme pour Paul sur le chemin de Damas. Elle n'a pas été pour autant déterminante pour toute notre existence. Expérience d'une rencontre qui souvent se réactualise comme un sacrement, signe de la présence divine.

Car une véritable rencontre n'est jamais achevée, comme toute rencontre amicale, comme tout amour humain. Aussi, fréquemment, en pensant au Seigneur, nous quémandons comme Philippe : "Seigneur, montre-nous le Père ; cela suffit !".

Cette demande permanente est de tout temps. Moïse, par exemple, l'avait déjà formulée dans un dialogue émouvant avec Dieu : "Seigneur, fais-moi donc voir ta gloire !" (Ex. 33.18).  Voir Dieu en sa gloire, n'est-ce pas notre désir, la détermination de toute notre vie ? "Je veux voir Dieu !", répétait le futur St Thomas d'Aquin encore enfant ! Et c'est le leitmotiv de tous les saints d'une manière ou d'une autre, tels Ste Thérèse d'Avila, St Jean de la croix, Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus... et bien d'autres ! "Je veux voir Dieu !" - "Seigneur, fais-moi donc voir ta gloire !"  - "Seigneur, montre-nous le Père !".

Mais Dieu répond à Moïse : "Tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne saurait me voir et vivre !".
Cependant à son humble et grand serviteur, Dieu ajoute : "Tiens-toi sur ce rocher. Alors quand passera ma gloire je te mettrai dans le creux du rocher, et, de ma main, je t'abriterai tant que je passerai. Puis, j'écarterai ma main et tu me verras de dos !".
Tant il est vrai qu'on ne voit Dieu en notre vie qu'une fois qu'il est passé. C'est ce qu'avait déjà exprimé Jacob après son le songe de son échelle reliant terre et ciel : "Le Seigneur est dans le lieu (haMakom - "le Lieu" par excellence) et je ne le savais pas !" (Gen 28.16). - Et de même lors de sa lutte avec l'ange, il constate : Dieu était là. Aussi, "il appela ce lieu 'Peniël, c'est-à-dire "Face de Dieu"', car dit-il, "J'ai Dieu face à face !" (Gen33.31).

Oui, on ne voit Dieu qu'ne fois qu'il est passé ; comme pour Moïse, on ne le voit que de dos ! Et un midrash (commentaire juif) d'ajouter - et cela m'enchante - : "Moïse ne vit que le manteau de la miséricorde divine qui recouvrait toutes choses !".

"Seigneur, montre-nous le Père !", demandait Philippe. Et Jésus de répondre : "Qui m'a vu a vu le Père !". Qui me voit, moi qui suis venu en ce monde "non pour les justes, mais pour les pécheurs"..., qui me voit pratiquer l'immense miséricorde divine à l'égard de tout homme, comme à l'égard de ce pécheur de Zachée monté sur son sycomore pour me "voir"..., qui m'a vu déployer la miséricorde divine a vu également le Père !

Et Philippe, cet ancien disciple de Jean-Baptiste, devait se souvenir du regard du Précurseur se posant sur Jésus en s'écriant : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !" (Jn 1.29).
Et on le sait : Jésus a manifesté cette miséricorde divine en donnant sa vie, par amour, jusque sur la croix. Celui qui voit ainsi Jésus, celui qui croit en Jésus nous révélant l'inconcevable miséricorde de Dieu pour les pécheurs, est déjà passé, nous dit St Paul, "de la mort à la vie". - "Il est devenu, avec le Christ mort et ressuscité, un être nouveau (Rm 6.5), une nouvelle créature" (2 Co. 5.17), apte à "voir Dieu tel qu'il est". C'est Jean osera dire alors : "Nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu'il est !" (I Jn 3.2).

Voilà l'effet de la grande miséricorde du Père qui se laisse voir en Jésus ! C'est certainement ce que Philippe a compris... et tout apôtre après lui ... !


Ainsi de Jacques, bien sûr, que nous fêtons également aujourd'hui !
Rappelons-nous :
C'est à Jacques - "premier évêque de Jérusalem" comme on l'a surnommé par la suite, et qui avait sans doute une mentalité "judéo-chrétienne" - c'est à lui que Paul - futur "apôtre des Gentils" - s'adresse lors de sa première venue à Jérusalem... Et quatorze ans plus tard, quand il revient, avec Barnabé, à Jérusalem pour poser la grande question de l'entrée des païens dans l'Eglise, ce sont Jacques, Céphas et Jean, considérés comme les colonnes de l'Eglise, qui leur donnent la main en signe de communion (Cf. Gal 2.9).

Aussi, au "Concile de Jérusalem", après moult échanges, c'est encore Jacques qui conclut et impose ce que l'on pourrait appeler "les décrets du Concile" ! (Ac. 15)

Et encore : Paul, lors de son dernier séjour à Jérusalem, avant son emprisonnement à Césarée et son départ pour Rome, se rend chez Jacques "où tous les anciens se réunirent. Et il se mit à exposer par le détail ce que Dieu avait fait chez les païens par son ministère" (Ac. 21.18-19).

Comme Philippe, Jacques - ce grand descendant su "Peuplé élu" - avait compris, lui aussi que "voir Dieu", c'était voir la grande miséricorde divine se déployer, grace au Christ, jusque chez les païens !

Et son zèle apostolique fut tel qu'il fut arrêté, accusé de violer sans cesse la Loi, et condamné à être lapidé. Jeté du haut du temple, on finit par le faire mourir à coups de pierre. C'était en 62 en la fête de Pâques vers la mi-avril. La légende dit qu'il fut enterré près du temple ou sur le mont des oliviers !

Aussi, retenons aujourd'hui cette grande question de Philippe - qui fut celle de Jacques, qui est celle de tout apôtre - : "Seigneur, montre-nous le Père !".
Et considérons bien la réponse du Seigneur : "Qui me voit, voit le Père !".
"Dieu, nul ne l'a jamais vu" (Jn 1.18). Mais, par grâce, Dieu nous donne un visage humain à contempler pour le connaître, le visage de Jésus, visage d'un crucifié par amour de l'homme, mais visage désormais d'un ressuscité... qui reste près de nous, avec nous !

Aussi, n'oublions pas également que nous pouvons voir Dieu dans le visage de nos frères créés "à l'image et ressemblance de Dieu". C'est pourquoi le Christ nous dit : "Aimez-vous les uns les autres". C'est bien dans l'amour que nous verrons le Père, le Fils et l'Esprit-Saint, que nous verrons "le Dieu de toute miséricorde", Dieu-Amour !

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