vendredi 23 mai 2014

Chrétien !

Pâques 5  - Vendredi   -                                    (Actes 15.22)

Lorsqu’un groupe se développe, s’accroît, s’élargit, il est normal qu’il rencontre des difficultés d’adaptation, des problèmes d’intégration, voire des situations de tensions… Il ne faut surtout pas s’en étonner !
C’est ce qui est arrivé à Antioche où très vite “grand fut le nombre de ceux qui se tournaient vers le Seigneur en devenant croyants“ (Act 11.31). Je ne m’attarderai pas sur ces querelles bien connues entre chrétiens d’origine juive et ceux d’origine grecque, romaine, querelles qui provoquèrent ce qu’on appellera le “Concile de Jérusalem“ !
Je soulignerai seulement ce que le pape François disait dimanche dernier à propos du conflit qui éclata à Jérusalem et qui provoqua l'"institution des diacres". Il est normal, disait-il, qu'il y ait des "affrontements" même entre chrétiens. Mais - et c'est peut-être un secret - qui dit affrontement doit dire discussion ; et qui dit discussion doit dire prière ! C'est l'enseignement des "Actes des apôtres" : Affrontement (ne pas en avoir peur ; le silence est souvent la pire des attitudes)... affrontement - discussions - prière ! Puissions-nous observer cette trilogie dans une union avec le Christ !

Aussi, je ferai plutôt une réflexion qui rejoint l’évangile à propos de cette ardente Communauté d’Antioche où, nous dit St Luc, “pour la première fois, le nom de « chrétien » fut donné aux disciples“ (Actes 11.26).

Que veut dire ce mot, chez St Luc ? C’est important pour nous qui nous disons chrétiens, de chrétiennes !

Il faut dire que les manuscrits (grecs) ont souvent hésité sur la prononciation : « christianoi » ou « chrèstianoi ». Différence d’une seule lettre !

Prenons d’abord la première hypothèse : "Cristiavoi" : “ceux qui appartiennent au Christ“ (I Co. 15.23). “Vous, vous êtes au Christ, dira St Paul ; et le Christ est à Dieu“ (I Co. 3.23). (cf. Gal 3.29). Le Chrétien est celui qui a une relation de dépendance avec le Christ, qui relève du Christ, gravite dans son orbite, qui est de “la maison du Christ(Cf. I Tim 3.15), (comme, par exemple, les hérodiens étaient “les gens de la maison d’Hérode“). Le chrétien se réclame de Christ !

St Jean définit l’être chrétien comme l’“être de Dieu“ (Jn 8.47 ; 1 Jn 3.10 ; 4.2-3) ou l’“être du Père (I Jn 2.16). St Paul parlera, lui, de l’“être dans le Christ“.


Bien plus pour St Jean, “celui qui est engendré par Dieu“ est, pour lui, le nom propre du chrétien (Jn 3.8 ; I Jn 2.29 ; 4.7 ; 5.1,4), un nom qui exprime son être profond.
Dans le Christ, nous sommes "fils de Dieu" à l'instar du "Fils Unique" qui est devenu notre "Frère", "Frère d'une multitude" !
St Jean souligne cette réalité de façon très forte ! Parce que "enfant de Dieu" le chrétien participe véritablement à la nature de son Père. Aussi, le même apôtre le désigne par “teknos“ qui veut dire "enfant engendré", de préférence à “uois“, "fils"… car un fils peut être simplement "adopté" ! Non, nous ne sommes pas des "fils adoptés", mais bien réellement "enfants engendrés de Dieu" ! Par le Christ, le "Fils Unique" ! En avons-nous suffisamment conscience ?

En conséquence, les chrétiens sont les serviteurs du Christ : “Accorde, Seigneur, à tes serviteurs, priaient St Pierre et St Jean, de dire ta Parole avec pleine assurance“ (Act 4.29). Et St Paul de noter : “Si j’en étais encore à plaire aux hommes, je ne serais plus serviteur du Christ“ (Gal 1.10). Et il parlera d’un chrétien, Epaphras, en disant : “ce serviteur de Jésus ne cesse de mener pour vous le combat de la prière“ ( Col 4.12).

Bien plus, les chrétiens sont même comme des soldats du Christ, résolus à mourir avec lui, comme ils vivent avec lui : “Si nous mourons avec lui, avec lui, nous vivrons. Si nous souffrons avec lui, avec lui nous règnerons…“ (II Tim. 2.11). Et, prêts à mourir pour le Christ, ils deviennent par lui, avec lui, en lui, des saints (Rm. 1.7) c’est-à-dire des consacrés à Dieu. Car Jésus étant l’“Oint“ de Dieu, c’est-à-dire “Messie“, c’est-à-dire “Christ“ (même signification), les chrétiens participent à cette même onction, de sorte que le baptême est une onction qui consacre les fidèles à Dieu et au Christ : “Celui qui vous affermit avec vous en Christ et qui vous donne l’onction, c’est Dieu !“ (II Co. 1.21). Ils sont donc “réservés“, séparés pour son culte et son service !

On pourrait résumer tout cela par cette phrase de St Paul : “Pour moi, vivre, c’est Christ !“ (Ph. 1.21). Et la forme grammatical de la phrase souligne que le verbe “vivre“ et le mot “Christ“ sont comme interchangeables ! "Vivre", c'est "Christ" !

On conçoit dès lors qu’une communion si intime avec le Seigneur fasse de la vie des chrétiens une révélation de la présence et de l’action de leur Seigneur : “Si l’on vous outrage pour le nom du Christ, heureux êtes-vous… Si c’est comme chrétien que l’un d’entre vous ait à souffrir, qu’il n’ait pas de honte et qu’il glorifie Dieu pour ce nom“ (I Pet 4.14-16). Et on sait avec quelle fierté les martyrs revendiqueront le titre de chrétiens, à commencer par Ste Blandine, première martyre en notre pays, à Lyon (177) : “je suis chrétienne“, proclamait-elle, haut et fort ! Peut-être se souvenait-elle que Jacques avait qualifié le titre de chrétien, blasphémé par les païens, de “beau nom“ (Jac 2.7). C'est l'exemple de Siméon Berneux que nous fêterons prochainement à Château-du-Loir !

Etre chrétien, c’est être véritablement en union avec le Christ qui nous a tant manifester l’amour de son Père pour tous les hommes… et qui nous demande de répandre cet amour de Dieu autour de nous, comme il nous le dit dans l’évangile : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés !“.  Et il poursuit : "Je vous ai choisis, je vous ai mis à cette place afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure…“. Que le “beau nom“ de chrétien soit donc pour chacun d’entre nous comme une prédiction de notre destinée. (“Nomen est omen“, comme on dit en latin : le nom est prédiction !). Le “beau nom“ de chrétien !

Après avoir parlé des « christianoi », il faudrait développer quelque peu le sens de « chrèstianoi ».

Le Chrétien manifeste la "chrèstotes" de Dieu, sa bénignité, sa bonté. Chez les païens, ce mot avait également le sens moqueur de "débonnaire", de "bonasse". Et bien, tant mieux si l'on dit du chrétien qu'il est "bonasse" - un peu fou -, pourvu qu'il manifeste "l'être chrétien", c'est-à-dire la bonté de l'amour de Dieu à l'égard de tout homme, à l'égard de chacun qui peut devenir véritablement "fils de Dieu", "celui que Dieu engendre" ne cesse d'engendrer jusqu'à son "dies natalis", son jour de naissance plénière au ciel !

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